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Intervention de Jacques Semelin

Réunion du 15 juillet 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Jacques Semelin :

Je suis tout à fait d'accord avec tout ce qui a été dit sur le rôle de l'éducation dans l'approche de l'histoire.

Si, à mon avis, il ne faut pas plus de loi, il faut cependant repenser la question des valeurs et des commémorations et faire évoluer notre cadre d'appréhension de ces dernières. Cela fait partie du rôle de la représentation nationale. Je prends deux exemples.

Nous commémorerons en décembre 2008 le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies réunie au Trocadéro le 10 décembre 1948 et dont l'inspirateur principal a été René Cassin. Or, la veille, le 9 décembre 1948, cette même Assemblée générale des Nations Unies, réunie au Trocadéro, a voté la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Je tente depuis plusieurs mois, à la demande de mes collègues étrangers, de convaincre le ministère des affaires étrangères d'organiser un moment commémoratif, ne serait-ce qu'avec la pose d'une plaque au Trocadéro. L'auteur de la convention, Raphaël Lemkin, n'est pas Français mais il est très important de souligner que ce texte qui est passé assez inaperçu à l'époque a aujourd'hui une valeur universelle et est constitutif des statuts de la Cour pénale internationale. Il faut accepter d'ouvrir notre mémoire à d'autres acteurs ayant oeuvré pour la défense de valeurs universelles.

Mon second exemple concerne la commémoration de la Résistance. J'ai beaucoup travaillé sur la question de la Résistance civile et ai participé à plusieurs débats avec Mme Lucie Aubrac pour sensibiliser à cette question. On célèbre, certes, la grandeur du général de Gaulle et de la Résistance communiste mais nous avons, aujourd'hui, une conception trop victimaire et sacrificielle de la commémoration, en honorant la mémoire de Guy Môquet, le Massif des Glières ou du Vercors. Or l'historiographie la plus récente a montré que la Résistance n'a pu exister que grâce au soutien des populations civiles environnantes. Les maquis n'auraient pas pu se développer sans le silence et le soutien actif des populations alentour. On ne parle pas des héros anonymes et de la résistance des gens ordinaires. En 2000, le Parlement a voté la commémoration des Justes de France pour honorer des individus remarquables, qui considèrent d'ailleurs en général n'avoir fait que leur devoir. C'est très important mais cette commémoration ne tient pas compte du fait que ces personnes n'auraient jamais pu sauver un juif ou une famille s'il n'y avait pas eu, aux alentours, des gens pour les aider, pour apporter plus de nourriture, pour fournir des faux papiers, pour se taire. « Cévennes, terre de refuge, terre de silence » ! C'est un peu limitatif et surtout ce n'est pas représentatif de ce qui s'est passé en France, surtout à partir de l'été 1943 où s'est produit un basculement de l'opinion. Les résistants gaullistes et communistes pourchassés ont été heureux de trouver une porte qui s'ouvrait au bon moment, des jeunes gens pour transporter des messages d'un bout à l'autre du pays, un patron de café qui accepte que son établissement serve de boîte à lettres, une grand-mère qui offre son appartement pour organiser une réunion clandestine. On pourrait multiplier les exemples. Cela fait partie de l'histoire de notre pays et il n'y a aucun moment pour rappeler cela.

Il existe un statut du résistant civil en Belgique. Il n'y en a jamais eu en France. Il est trop tard pour créer de nouveaux statuts mais il serait bon, sans tomber dans l'apologie d'une Résistance nationale mythique – personne ne peut nier qu'il y ait eu des collaborateurs –, d'honorer cette frange importante de la population française qui, à partir de l'été 1943, a contribué à créer un manteau protecteur et complice pour la résistance organisée, donnant beaucoup de poids au mot « fraternité » de la devise nationale. Ne faudrait-il pas unir dans un même souvenir national toutes ces générations et toutes ces professions qui ont donné une autre image à notre pays ?

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