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Intervention de Bruno Ryterband

Réunion du 15 juillet 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Bruno Ryterband :

Nous sommes confrontés à un double paradoxe : d'une part, le régime de liberté dans lequel nous vivons nous invite à réfléchir sur la censure, d'autre part, loi Gayssot ou non, des décisions de justice sont maintenant rendues en matière historique, alors que le juge, selon une jurisprudence ancienne, n'a pas à se prononcer sur l'histoire comme l'attestent l'arrêt Branly de 1951 mais également, depuis beaucoup plus longtemps, un arrêt de la Cour de Paris du 26 avril 1865 selon lequel, lorsque l'historien « rencontre un point obscur ou diversement raconté par les relations du temps », il doit « rapporter les différentes versions auxquelles il a donné lieu » tout en choisissant « avec impartialité celle qui lui paraît la plus sûre. Si ce point vient à soulever une controverse, ce n'est pas devant les tribunaux qu'elle peut trouver ses juges ». Plusieurs affaires récentes témoignent de ce paradoxe : poursuites engagées par un certain nombre d'associations antiracistes, dans les années quatre-vingt, contre Robert Faurisson et condamnation de ce dernier confirmée par la Cour d'appel en 1983 ; déboutement, en mai 2007, de la demande de Robert Faurisson visant à faire condamner Robert Badinter pour diffamation après que ce dernier l'eut traité de « faussaire de l'histoire » à l'occasion d'une émission d'Arte. Cette dernière affaire témoigne d'une certaine évolution dans le rôle du juge par rapport à l'histoire. En effet, à côté de la jurisprudence selon laquelle le juge doit rester en retrait de l'histoire, il y a le cas où le juge est empêché d'aborder la question de la vérité historique en raison des règles de procédure. Ainsi, dans l'affaire en cause, le juge a débouté le demandeur au bénéfice de la bonne foi de la partie adverse, après avoir du écarter le débat sur la preuve historique parce qu'en matière de diffamation, les règles restrictives de procédure rendent irrecevables la preuve de la vérité pour les faits antérieurs de plus de dix ans à la publication des faits incriminés.

Les choses pourraient cependant évoluer car depuis la décision du 7 novembre 2006 rendue par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'« affaire Noël Mamère contre la France », le rapport de la preuve de la vérité des faits – que la décision a légitimé – permet aujourd'hui d'engager pleinement des débats historiques à l'occasion des contentieux.

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