Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Philippe Mills

Réunion du 28 janvier 2009 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor :

S'agissant des titres indexés, il faut rappeler que l'année 2008 présente un profil très particulier avec une décélération de la croissance et une accélération de l'inflation. Au départ, les experts tablaient sur des évolutions modérées de l'une et de l'autre. L'inflation était estimée dans le PLF à 1,5 % environ, et on attendait en tout cas moins de 2 % : l'évolution du prix des matières premières et du pétrole n'a pas été anticipée. Quant à la charge de la dette, elle a augmenté par voie de conséquence, et la provision a dû être réévaluée de 2,5 milliards au titre de l'année 2008, ce qui l'a portée à 3,3 milliards. La charge a été d'autant plus lourde que les obligations indexées, émises en juillet, faisaient référence au pic d'inflation atteint au printemps.

La provision a été ensuite revue à la baisse pour le PLF 2009, et il est fort possible qu'elle le soit encore. L'avantage des obligations indexées vient précisément de ce que le découplage entre croissance et inflation est très rare : généralement, l'inflation augmente quand la croissance s'accélère, et inversement. Elles jouent donc un rôle contracyclique d'ajustement dans la gestion actif-passif de l'État.

Cela étant, le principal argument en faveur de l'action que j'ai décrite réside dans la diversification qu'elle permet de réaliser. En 2008, nous sommes ainsi parvenus à attirer aussi bien des banques centrales et des fonds souverains que des fonds de pension et des banques commerciales. Les acteurs intéressés sont même plus diversifiés que ceux qui se portent sur les obligations classiques. Il en résulte un réel avantage en matière de financement : plus les investisseurs sont divers, moins nous sommes dépendants d'une catégorie particulière, et plus le coût peut être réduit à moyen et long terme.

Compte tenu de l'évolution des anticipations d'inflation et de la réduction de la demande des acteurs financiers pour ce type de produit, nous avons toutefois révisé notre programme de financement pour 2009. Depuis 2003, nous nous étions fixé pour objectif de réaliser au moins 10 % des émissions sous la forme d'obligations indexées sur l'inflation française ou européenne. Pour une gestion optimale de l'actif et du passif de l'État, on estime en effet qu'une part comprise entre 10 et 20 % du stock de dette publique doit reposer sur ce type de mécanismes. Avec 12,5 % du stock de dettes émises sous la forme d'obligations indexées à la fin de l'année 2008, nous sommes aujourd'hui dans cette fourchette.

Du fait de la modification de la demande, nous avons récemment annoncé que nous souhaitions réaliser « environ », et non plus « au minimum », 10 % des émissions de titres sous cette forme, le volume final dépendant de l'évolution des anticipations d'inflation. Nous avons ainsi envoyé le signal que nous prenions en compte la situation actuelle, tout en maintenant actif un secteur qui présente un grand intérêt pour de nombreux investisseurs, et pour lequel notre pays constitue une référence grâce à la qualité de sa signature et du stock de dette déjà émis sous cette forme. À cet égard, je rappelle que l'Allemagne n'émet de telles obligations que depuis deux ans, ce qui réduit leur liquidité. D'autre part, les grands émetteurs d'obligations indexées, tels que la Suède et le Royaume-Uni, n'appartiennent pas à la zone euro, ou bien ils ne présentent pas la même qualité de signature que la France – je pense notamment à l'Italie. Nous disposons donc d'un véritable avantage comparatif, qu'il faut veiller à préserver tout en l'adaptant.

J'en viens à la charge de la dette. Il est exact que notre estimation n'a pas varié – elle est toujours fixée à 43 milliards d'euros –, alors que le déficit est désormais évalué à 86 milliards, contre 52 milliards à l'origine. Une première raison en est que la réduction des taux d'intérêt devrait avoir un impact sur le coût de financement. Selon le « consensus des économistes », le taux moyen des BTF devrait chuter de 3,6 % à moins de 2,3 %. Les dernières émissions de titres ont même été réalisées entre 1,2 et 1,6 % selon leur maturité. Il est donc possible que nous puissions nous financer à des taux inférieurs à ceux qui avaient été retenus dans le projet de loi de finances. On peut également compter sur une réduction de la charge liée à l'indexation des obligations, compte tenu de l'évolution de l'inflation. Toutefois, en raison des aléas et des besoins de financement actuels, le Gouvernement a prudemment choisi de ne pas modifier son évaluation de la charge de la dette.

En réponse aux fluctuations croissantes de la demande, nous nous sommes efforcés d'allier une stratégie d'émission régulière et transparente, qui constitue un atout aux yeux des investisseurs, avec une plus grande flexibilité. Au cours de l'année 2008, nous avons ainsi élargi la fourchette des adjudications, qui est passée de 500 millions à un, voire 1,5 milliard d'euros, montant qui pourrait être dépassé à l'avenir. Nous avons en outre choisi de réémettre un plus grand nombre d'anciennes souches de maturité intermédiaire - 3 ou 4 ans, 6 ou 7 ans, ou encore 12 ou 13 ans. Ces opérations représentent 18 % du montant total des émissions de titres en 2008, contre seulement 2 % l'année précédente. Afin de venir plus efficacement à la rencontre de la demande, nous avons enfin modulé la répartition entre les différents compartiments du marché : nous avons tout d'abord émis beaucoup plus de dette indexée en début d'année que par la suite, la demande s'étant restreinte ; d'autre part, nous avons émis davantage de dette à très long terme. Grâce à ces évolutions, nous sommes parvenus à maintenir le ratio de couverture des adjudications à un niveau comparable à celui qui avait été atteint en 2007, à savoir entre deux et trois fois le volume demandé pour les différentes catégories de titres.

Depuis le début de l'année, nous sommes allés plus loin encore sur la voie de l'adaptation et de la flexibilité. Comme je l'ai déjà indiqué, nous nous sommes fixé pour objectif d'émettre 10 % d'obligations indexées. En vue de mieux répartir les émissions de titres au cours de l'année, nous avons en outre prévu deux dates supplémentaires d'adjudication, la première en août et la seconde en décembre. Enfin, nous avons décidé de faire preuve d'une plus grande souplesse en ce qui concerne la répartition entre les OAT, les BTAN et les titres de long terme.

Ces évolutions ont été accueillies positivement par les marchés financiers. Au cours du mois de janvier, l'émission des OAT s'est correctement passée, même si le taux de couverture a été plus faible que d'habitude, sans doute à cause du résultat précédemment obtenu en Allemagne. S'agissant des BTAN et des obligations indexées, nous n'avons pas constaté, en revanche, d'évolution de la demande, sans doute grâce à notre politique de diversification – nous avons ainsi proposé trois titres différents pour les BTAN, et deux titres de long terme pour les obligations indexées.

S'il est arrivé qu'une adjudication ne soit pas « couverte » en Allemagne, il ne faut pas y voir le signe d'un problème de financement. Le système retenu par nos voisins présente en effet une plus grande rigidité que le nôtre : les caractéristiques des titres émis sont annoncées avec des délais assez importants en Allemagne, alors que les opérateurs savent seulement que nous allons émettre des OAT le premier jeudi de chaque mois, et que des discussions auront lieu, quelques jours auparavant, avec les banques spécialistes en valeurs du Trésor – SVT –, afin de connaître plus précisément la demande effective. Un code de bonne conduite oblige par ailleurs chaque SVT à couvrir au moins 2 % du volume des adjudications.

Dans le contexte actuel de volatilité, la probabilité qu'une émission de titres ne soit pas couverte est plus élevée en Allemagne qu'en France, mais ce risque reflète plus un problème de liquidité des intermédiaires financiers qu'un problème de solvabilité de la demande. J'observe d'ailleurs qu'il n'y a pas eu d'autres incidents, et que le programme de financement initialement prévu en Allemagne a été parfaitement réalisé.

S'agissant d'un éventuel krach du marché des obligations, un premier facteur déclenchant pourrait être le retournement brutal de la politique menée par les banques centrales, comme ce fut le cas aux États-Unis en 1994-1995 : la hausse brutale des taux directeurs de la FED avait provoqué une remontée de l'ensemble de la courbe des taux, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe. Or, la probabilité d'une hausse brutale des taux directeurs est aujourd'hui peu élevée, compte tenu de l'état des économies, ainsi que des récentes déclarations des présidents des banques centrales, notamment celui de la FED.

Un krach peut également se produire en cas de déséquilibre durable entre l'offre et la demande, portant sur la partie « longue » de la courbe des taux. Toutefois, un tel phénomène ne me semble pas probable aujourd'hui, car l'offre publique supplémentaire tend à se substituer à l'endettement privé, qui est en phase déclinante, plutôt qu'à le chasser.

Un troisième risque de krach obligataire pourrait provenir d'une dégradation de la qualité du crédit, mais il s'agit d'un phénomène concernant certains acteurs en particulier, plutôt que le marché dans son ensemble.

S'agissant de la Société de financement de l'économie française, la SFEF, et de la Société de prise de participation de l'État, la SPPE, je rappelle que ces institutions ont été créées en étroite collaboration avec le ministère de l'Économie. L'État, qui détient 34 % du capital de la SFEF, dispose ainsi d'un commissaire du Gouvernement, en la personne du directeur général du Trésor, et peut exercer un droit de veto sur les émissions de titres afin de protéger ses intérêts financiers. Des réunions, auxquelles l'Agence France Trésor participe de façon systématique, sont en outre régulièrement organisées à propos de la politique d'émission de titres de la SFEF.

Les opérations de la SFEF sont en outre coordonnées avec celles que nous menons : lorsque SFEF émet des titres, dont la maturité est comprise entre un et cinq ans, elle intervient au début du mois, lorsque nous émettons des OAT, dont la maturité est plus longue ; d'autre part, la SFEF n'est pas présente sur les marchés lorsque nous proposons des BTAN, ou bien elle émet alors des titres libellés dans d'autres devises que l'euro. Une rapide comparaison internationale, avec le Royaume-Uni ou l'Allemagne, par exemple, permettrait en outre de démontrer que la SFEF se finance pour le moment dans de bonnes conditions.

Quant à la SPPE, il s'agit d'une société anonyme détenue à 100 % par la collectivité publique, et gérée par l'Agence des participations de l'État, qui définit sa politique d'émission. Pour sa première tranche de 10,5 milliards d'euros de crédits, la SPPE n'est pas intervenue sur les marchés financiers, car l'Agence France Trésor a consenti un dépôt d'un montant équivalent, dont le financement a été bouclé par la différence entre le montant total des émissions de titres à moyen et long terme – 128,5 milliards d'euros – et celui que nous avions initialement prévu - 116,5 milliards d'euros. Cette variation s'explique par la non réalisation de rachats que nous effectuons habituellement en fin d'année.

Pour ce qui est de la deuxième tranche des participations, on ne connaît encore ni leur montant définitif ni la technique qui sera employée : les titres pourront être émis directement par la SPPE, ou bien par l'intermédiaire de l'Agence France Trésor. On peut même envisager que nous émettions d'abord des titres pour le compte de la SPPE, puis que celle-ci réalise, dans un second temps, une émission de titres destinée à nous rembourser. Toutes les combinaisons sont envisageables.

S'agissant de la répartition géographique des détenteurs de la dette, nous disposons d'éléments plus qualitatifs que quantitatifs. Depuis quelques années, on constate ainsi une augmentation des achats réalisés par les acteurs asiatiques, notamment les banques centrales et les fonds souverains, mais aussi, de façon plus modérée, par les investisseurs des pays du Golfe. Les interventions des investisseurs institutionnels européens, qu'il s'agisse des fonds de pension ou des assureurs, sont plus stables, et celles des investisseurs américains, essentiellement orientées sur la zone dollar, demeurent très faibles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion