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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 28 janvier 2009 à 16h15

Résumé de la séance

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La séance

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PermalienPhoto de Didier Migaud

Nous sommes heureux d'accueillir M. Mills, directeur général de l'Agence France Trésor.

Hier, Mme Lagarde a mis en place le comité de suivi du dispositif de financement de l'économie. Il est constitué des présidents des commissions des finances des deux assemblées, des deux rapporteurs généraux, du gouverneur de la Banque de France, du directeur général du Trésor et du directeur du budget. Nous avons tenu une longue réunion pour mettre au point les indicateurs destinés à suivre l'application du plan, son efficacité, et pas seulement l'effectivité des engagements souscrits par les banques. Le document qui fait le point sur les mesures déjà prises vous est diffusé cet après-midi. Nous souhaitons vous rendre compte régulièrement des travaux de ce comité, et nous sommes convenus d'auditionner la semaine prochaine les responsables des six établissements qui ont fait appel au soutien de l'État.

En attendant, nous parlerons aujourd'hui de la dette publique : son montant, son évolution, sa gestion. Il s'agit d'un sujet majeur auquel le rapporteur général est très attentif. M. Mills nous précisera le volume des émissions de dette en 2009, pour le compte de l'État ou d'autres pour lesquels l'Agence France Trésor intervient. Quel accueil est réservé à la dette française par rapport à d'autres ? Comment évoluent les différents ratios ? La maîtrise de la dette est une de nos préoccupations croissantes, la lecture de certains chiffres pouvant se révéler angoissante.

PermalienPhilippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor

Comment les conditions de financement de la dette de l'État ont-elles évolué depuis dix-huit mois dans un contexte de crise financière et économique généralisée ?

Mon message sera simple : dans un contexte de crise qui conduit à une réappréciation généralisée des risques, qui fragilise fortement les intermédiaires financiers et diminue ipso facto leur capacité à tenir les marchés de titres, la France est confiante dans sa capacité à se financer. Cette confiance est partagée par les investisseurs, les intermédiaires et les agences de notation.

Quelques éléments en premier lieu sur la crise et ses manifestations sur les marchés de titres de dette.

Dans les années précédentes, l'abondance de la liquidité mondiale et le niveau très faible d'aversion au risque se traduisaient par une volatilité historiquement basse, c'est-à-dire par un écart très faible, de quelques points de base, entre les prix d'achat et de vente des titres. Ils garantissaient aussi aux États des conditions de financement très sûres – les montants offerts par les intermédiaires financiers dépassant les montants adjugés – et très resserrées entre les différents États membres de la zone euro.

En décembre 2007, au début de la crise, en prenant comme référence le coût moyen de financement de tous les États de la zone sur l'ensemble des titres émis – et non uniquement sur la maturité de dix ans –, l'Allemagne, qui avait la meilleure situation relative, se finançait à 0,13 % en dessous de la moyenne et la Grèce, qui était la plus pénalisée, à 0,17 % au dessus ; soit un écart de 0,3 %. Tous les pays de la zone euro se situaient à l'intérieur de ce corridor. Le 27 janvier 2009, selon le même calcul, l'Allemagne se finance 0,77 % en dessous de la moyenne, et la Grèce 1,75 % au-dessus. L'écart, de 2,52 points, est huit fois plus important qu'il y a un an, et inconnu depuis l'entrée de la Grèce dans la zone euro en 2001.

Les conditions de financement relatives de la France se sont, elles aussi, améliorées : le taux moyen était de 0,08 point en dessous de la moyenne en décembre 2007, il est désormais de 0,48 point en dessous, soit 40 points de base de mieux. Le seul pays vis-à-vis duquel nous enregistrons une détérioration relative est l'Allemagne, pour environ 0,25 point.

Quelles sont les causes de cette évolution ?

L'accroissement des écarts au sein de la zone euro est l'une des manifestations les plus spectaculaires de la crise que connaissent actuellement les marchés financiers. Elle se traduit par d'importants mouvements sur les prix relatifs des titres obligataires, donc sur les taux auxquels se financent les différents acteurs des marchés.

Les taux d'intérêt intègrent plusieurs types de risques, les deux principaux étant, d'une part, le risque de crédit, ou d'insolvabilité de l'emprunteur ; d'autre part, le risque de liquidité dont la prime rémunère la potentielle difficulté qu'aura l'investisseur à revendre le titre considéré à un prix qu'il juge acceptable.

Dans le contexte actuel, encore plus qu'à l'accoutumée, il est difficile de distinguer précisément la prime de risque de crédit de la prime de risque de liquidité. Ainsi, la dégradation récente des notes de la Grèce, de l'Espagne ou encore du Portugal renvoie au moins pour partie à des informations sur la taille et le niveau d'endettement du secteur financier, la compétitivité, le niveau initial de la dette publique, etc. Tous ces facteurs entrent en ligne de compte pour mesurer la qualité du crédit d'une économie.

Toutefois, différentes analyses, en particulier la note de l'agence de notation Fitch, publiée lundi, sur les émissions des États européens, suggèrent que la prime de liquidité joue un rôle important dans les variations relatives actuelles des taux d'intérêt au sein de la zone euro, notamment dans le positionnement de la France vis-à-vis de l'Allemagne. Quatre indices vont en ce sens.

Premièrement, le risque de défaut éventuel de la France et de l'Allemagne, à un horizon de cinq ans, mesuré par les Credit Default Swaps, les CDS, évolue en parallèle, et il est quasiment similaire avec un écart de 4 à 5 points de base.

Deuxièmement, l'élargissement de l'écart de taux entre les deux pays a eu lieu de façon non continue, un saut se produisant lors des périodes de stress financier – au moment de la crise des subprimes, de la reprise de Bear Stearns, de la faillite de Lehman Brothers, ou de l'annonce des plans de secours des systèmes bancaires. Or, à ces moments-là, les intermédiaires financiers, qui tiennent le marché secondaire de la dette, ont vu leurs capacités de portage se détériorer.

Troisièmement, le même phénomène d'écartement a touché d'autres pays aux conditions initiales économiques et de finances publiques très différentes de la France. Cela a été le cas pour les Pays-Bas qui sont, comme elle, classés triple A.

Quatrièmement, l'écart est à son maximum sur les titres allemands de maturité à deux, cinq ou dix ans qui bénéficient des contrats à terme de la bourse Eurex. Ce contrat à terme qui est l'outil le plus utilisé par les opérateurs financiers pour traiter la dette en euros, ne peut faire l'objet d'une livraison qu'en cash ou en titres de dette allemande. Cela crée une puissante incitation à l'achat de la dette allemande, au détriment de toutes les autres dettes d'État de la zone euro.

Autre caractéristique des conditions de financement actuelles : leur grande volatilité. En fonction des anticipations de politique monétaire, des incertitudes sur le régime d'inflation, de l'ampleur prévisible du ralentissement économique dans les différentes zones économiques et des attentes sur le degré de stabilisation du système financier, les conditions de financement à dix ans de la France ont oscillé depuis le début 2008 entre 3,3 % et 4,8 %. Cette volatilité, qui ne s'était jamais vue sur un temps aussi court depuis l'introduction de l'euro, correspond à une variation du prix des obligations de l'ordre de 12 % !

Or, cette volatilité ne s'est pas atténuée dans la période la plus récente, bien au contraire. Depuis le début de janvier, si la baisse des taux de la BCE a permis d'émettre les bons du Trésor à taux fixe, les BTF, à des taux historiquement très bas, soit une baisse de 40 à 70 points de base, en revanche, les taux longs ont significativement augmenté à partir de la maturité cinq ans, de 30 à 50 points de base selon l'échéance. Ils sont revenus à des niveaux proches de leur moyenne de moyen terme. Ainsi, aujourd'hui, le taux à dix ans est à 3,74 %, contre 3,96 % sur les cinq dernières années, et le taux à trente ans à 4,19 %, contre 4,35 % – soit un écart de près de deux points entre le deux ans et le dix ans, ce qui ne s'était pas vu depuis 1997.

Comment interpréter cela ? On entend dire que la forte hausse des émissions obligataires des émetteurs souverains, des agences publiques ou des emprunts garantis, en Europe et aux États-Unis, pèserait sur l'équilibre entre l'offre et la demande. D'autre part, les investisseurs anticiperaient une remontée brutale des taux directeurs des banques centrales une fois la crise passée.

Toutefois, ces explications sont sujettes à caution. En effet, l'éventuel excès d'offre obligataire est à relativiser dans la mesure où l'augmentation de l'endettement public compense le désendettement en cours du secteur privé, notamment du secteur financier mondial et des ménages américains. Par ailleurs, le président de la Réserve Fédérale américaine, dans ses déclarations les plus récentes, indique qu'il maintiendra durablement les taux courts à un niveau très bas. Au total, il est vraisemblable que la volatilité des conditions de financement devrait probablement perdurer dans les prochains mois.

En conclusion, la conjoncture est marquée par le prix élevé de la liquidité et par une volatilité accrue des conditions de financement. Néanmoins, la France est confiante dans sa capacité à se financer. Depuis toujours, la France est notée triple A par les trois principales agences de notation, avec une perspective stable. À titre d'exemple, l'analyse récente faite par Standard & Poor's, publiée le 13 janvier dernier, se fonde sur plusieurs facteurs, en particulier la diversité de l'économie française, son degré d'ouverture, la qualité de sa main d'oeuvre, l'efficacité de son secteur financier, le faible endettement des ménages et les réformes structurelles engagées par le Gouvernement.

En outre, la dette publique française affiche une réelle liquidité en comparaison de celle d'autres États. Cela tient à son encours, qui vient de dépasser les 1 000 milliards d'euros au 31 décembre dernier, à la taille des souches qui la composent – de 15 à 20 milliards d'euros pour une OAT –, au volume d'échanges quotidiens et à un écart relativement faible entre prix d'achat et prix de vente sur le marché secondaire, qu'il s'agisse des fourchettes affichées sur les plateformes électroniques ou des prix offerts par les courtiers. Or, l'importance du critère de liquidité n'a fait que se renforcer, ce qui procure à la France un avantage comparatif vis-à-vis des autres États.

Par ailleurs, le financement de la dette française repose sur une gamme diversifiée d'instruments, à taux fixe ou indexés sur l'inflation française ou européenne, dont la durée va d'un mois à cinquante ans, qui sont considérés comme des titres de référence pour la zone euro.

Ces différents éléments nous permettent de bénéficier d'une demande régulière émanant d'investisseurs tant publics – banques centrales, fonds souverains... – que privés comme des compagnies d'assurances, des OPCVM ou des fonds de pension, qu'ils soient français ou étrangers. La dette française est détenue à près de 64 % par des non-résidents, ce qui rend son placement plus sûr et diminue son coût de financement.

En outre, notre stratégie d'émission fondée sur les principes de prévisibilité, de transparence et de régularité constitue un atout dans ce monde très incertain, d'autant que la flexibilité de l'offre a été accrue, pour satisfaire au mieux la demande.

Enfin, l'augmentation du besoin de financement pour cette année est liée pour une grande part à la hausse en 2009 des amortissements de titres émis les années précédentes, notamment lors du précédent ralentissement économique. Dès 2010, le pic se résorbera très nettement, ce qui est de nature à rassurer les investisseurs.

Les chiffres annoncés par l'Agence France Trésor à la fin du mois de décembre prévoient, pour l'État stricto sensu, des émissions nettes d'instruments à moyen et long terme à hauteur de 145 milliards d'euros en 2009 – à comparer aux 128 milliards de 2008. Pour l'Allemagne, elles devaient atteindre 157 milliards, avant l'annonce du dernier plan de relance. La CADES, quant à elle, a établi un programme d'émissions de 33 milliards d'euros, dont la moitié environ à moyen et long terme sur le marché de l'euro. La Société de financement de l'économie française, la SFEF, détenue aux deux tiers par les principales banques françaises et à un tiers par l'État, et dont la dette est garantie de façon inconditionnelle par l'État, a déjà émis pour 23 milliards d'euros, dont une partie en dollars, depuis la mi-novembre. Son président, M. Michel Camdessus, a indiqué que son programme d'émissions, d'ici à la fin 2009, serait compris entre 50 et 70 milliards d'euros. Nous avons également émis à hauteur de 10 milliards pour le compte de la Société de prises de participation de l'État fin 2008. Et une seconde tranche est prévue.

Un dernier point : l'insertion de l'AFT au sein du ministère permet de maintenir un lien direct entre l'identification des besoins de financement et l'intervention sur le marché. Cela permet aussi d'éviter les chocs sur les canaux de financement de l'État, chocs qui pourraient fragiliser la capacité de l'État à faire appel au marché.

Au total, la capacité de l'État à solliciter le marché n'est pas menacée, dès lors que les investisseurs comprennent la politique sous-jacente à l'évolution des besoins de financement, que l'évolution de cette politique est transparente et qu'elle ne remet pas en cause la « soutenabilité » des finances publiques.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Pour nous assurer que nous sommes d'accord sur les chiffres des émissions à moyen et long terme, je reprends : 145 milliards pour l'État, plus 17 milliards pour la CADES, plus une dizaine de milliards pour la SPPE sur les 21 milliards prévus, compte tenu des émissions déjà placées, et enfin de 40 à 50 milliards pour la SFEF, en fonction des annonces de M. Camdessus. Cela fait un total qui tourne autour de 220 milliards, contre 128 milliards pour l'État et 8 milliards pour la CADES en 2008, c'est-à-dire 136 milliards. Il y a donc près d'une centaine de milliards de plus.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Un rappel d'abord. Ces dernières années, l'État avait à lui seul un besoin de financement de 120 à 130 milliards d'euros, tous moyens de financement confondus, qui se ventilait entre 40 milliards de déficit et 80 milliards de remboursement en capital. Nous passerons brutalement en 2009 à 200 milliards pour le seul État, et sur la base des chiffres que nous avons aujourd'hui, c'est-à-dire avec un déficit estimé hier en CMP à 86 milliards et un remboursement en capital de l'ordre de 116 milliards. S'y ajoutent les besoins de financement à moyen et long terme des organismes satellites, que nous avons créés pour soutenir le système bancaire : 23 milliards ont déjà été émis par la SFEF, et 10,5 milliards par la SPPE pour couvrir la première des deux tranches de recapitalisation. N'oublions pas les comptes sociaux, avec la CADES dont la dette atteint aujourd'hui 100 milliards d'euros et dont le besoin de financement se montera entre 12 et 14 milliards d'euros. Le problème de la dette est en train de devenir crucial.

Pour le moment, M. Mills a raison, le placement de la dette se passe plutôt bien. Mais, en 2008, nous avons dû, ce que je n'avais jamais vu depuis 2002, rajouter 3,3 milliards d'euros à la loi de finances initiale au titre de la charge d'intérêt. Jusque-là, les réalisations étaient en deçà des prévisions. Une bonne partie du surcoût vient de l'indexation d'une partie des OAT sur l'inflation. En 2000-2001, nous n'avions pratiquement pas de titres indexés ; aujourd'hui, ils représenteraient environ 20 % des OAT. Allez-vous changer votre politique dans ce domaine ? Les investisseurs en ont-ils toujours autant besoin quand l'inflation baisse ?

Lorsque le budget pour 2009 a été préparé, le déficit prévisionnel était de 52 milliards. Aujourd'hui, il est de 86 milliards. Pourtant, l'estimation de la charge de la dette est restée à 43 milliards. L'évolution des taux d'intérêt et de l'inflation suffira-t-elle à justifier un tel maintien ? Quelle est la sensibilité du coût de la dette à l'inflation ?

Un des intérêts de la dette française, vous l'avez dit, c'est la très grande diversité de ses supports. La crise financière vous pousse-t-elle à innover ? Si oui, en quoi ? C'est vrai, le spread avec l'Allemagne s'est accru. Mais comment expliquer que celle-ci, début janvier, ait eu du mal à placer quelques milliards de titres ? Dans un tel contexte, la technique et une plus grande flexibilité suffiront-elles à écouler nos titres ?

Croyez-vous à l'hypothèse d'un krach obligataire ? En 2009, les besoins d'émissions obligataires des États auront triplé par rapport à 2008, pour se monter à 2 200 milliards d'euros, dont 700 milliards pour la seule zone euro. Comment les satisfaire ?

Comment articulez-vous les émissions des différents acteurs – État, SFEF et SPPE ? Le fonds stratégique d'investissement sera-t-il sollicité ?

Nous sommes un des pays dont la part de la dette détenue par les non-résidents est l'une des plus élevées. Pourriez-vous nous préciser qui ils sont : fonds d'investissement, institutionnels ou fonds de pension ? Hier, M. Xavier Musca nous a indiqué que ce sont des banques centrales qui ont souscrit aux obligations émises récemment, notamment la Banque de Chine.

Dernier point : outre la dette, les engagements donnés par l'État se sont multipliés ces derniers mois. Il pourrait un jour être appelé en garantie. Comment apprécier ce risque ? Les montants s'additionnent les uns aux autres et on aboutit à des sommes colossales. N'atteint-on pas des limites ?

PermalienPhilippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor

S'agissant des titres indexés, il faut rappeler que l'année 2008 présente un profil très particulier avec une décélération de la croissance et une accélération de l'inflation. Au départ, les experts tablaient sur des évolutions modérées de l'une et de l'autre. L'inflation était estimée dans le PLF à 1,5 % environ, et on attendait en tout cas moins de 2 % : l'évolution du prix des matières premières et du pétrole n'a pas été anticipée. Quant à la charge de la dette, elle a augmenté par voie de conséquence, et la provision a dû être réévaluée de 2,5 milliards au titre de l'année 2008, ce qui l'a portée à 3,3 milliards. La charge a été d'autant plus lourde que les obligations indexées, émises en juillet, faisaient référence au pic d'inflation atteint au printemps.

La provision a été ensuite revue à la baisse pour le PLF 2009, et il est fort possible qu'elle le soit encore. L'avantage des obligations indexées vient précisément de ce que le découplage entre croissance et inflation est très rare : généralement, l'inflation augmente quand la croissance s'accélère, et inversement. Elles jouent donc un rôle contracyclique d'ajustement dans la gestion actif-passif de l'État.

Cela étant, le principal argument en faveur de l'action que j'ai décrite réside dans la diversification qu'elle permet de réaliser. En 2008, nous sommes ainsi parvenus à attirer aussi bien des banques centrales et des fonds souverains que des fonds de pension et des banques commerciales. Les acteurs intéressés sont même plus diversifiés que ceux qui se portent sur les obligations classiques. Il en résulte un réel avantage en matière de financement : plus les investisseurs sont divers, moins nous sommes dépendants d'une catégorie particulière, et plus le coût peut être réduit à moyen et long terme.

Compte tenu de l'évolution des anticipations d'inflation et de la réduction de la demande des acteurs financiers pour ce type de produit, nous avons toutefois révisé notre programme de financement pour 2009. Depuis 2003, nous nous étions fixé pour objectif de réaliser au moins 10 % des émissions sous la forme d'obligations indexées sur l'inflation française ou européenne. Pour une gestion optimale de l'actif et du passif de l'État, on estime en effet qu'une part comprise entre 10 et 20 % du stock de dette publique doit reposer sur ce type de mécanismes. Avec 12,5 % du stock de dettes émises sous la forme d'obligations indexées à la fin de l'année 2008, nous sommes aujourd'hui dans cette fourchette.

Du fait de la modification de la demande, nous avons récemment annoncé que nous souhaitions réaliser « environ », et non plus « au minimum », 10 % des émissions de titres sous cette forme, le volume final dépendant de l'évolution des anticipations d'inflation. Nous avons ainsi envoyé le signal que nous prenions en compte la situation actuelle, tout en maintenant actif un secteur qui présente un grand intérêt pour de nombreux investisseurs, et pour lequel notre pays constitue une référence grâce à la qualité de sa signature et du stock de dette déjà émis sous cette forme. À cet égard, je rappelle que l'Allemagne n'émet de telles obligations que depuis deux ans, ce qui réduit leur liquidité. D'autre part, les grands émetteurs d'obligations indexées, tels que la Suède et le Royaume-Uni, n'appartiennent pas à la zone euro, ou bien ils ne présentent pas la même qualité de signature que la France – je pense notamment à l'Italie. Nous disposons donc d'un véritable avantage comparatif, qu'il faut veiller à préserver tout en l'adaptant.

J'en viens à la charge de la dette. Il est exact que notre estimation n'a pas varié – elle est toujours fixée à 43 milliards d'euros –, alors que le déficit est désormais évalué à 86 milliards, contre 52 milliards à l'origine. Une première raison en est que la réduction des taux d'intérêt devrait avoir un impact sur le coût de financement. Selon le « consensus des économistes », le taux moyen des BTF devrait chuter de 3,6 % à moins de 2,3 %. Les dernières émissions de titres ont même été réalisées entre 1,2 et 1,6 % selon leur maturité. Il est donc possible que nous puissions nous financer à des taux inférieurs à ceux qui avaient été retenus dans le projet de loi de finances. On peut également compter sur une réduction de la charge liée à l'indexation des obligations, compte tenu de l'évolution de l'inflation. Toutefois, en raison des aléas et des besoins de financement actuels, le Gouvernement a prudemment choisi de ne pas modifier son évaluation de la charge de la dette.

En réponse aux fluctuations croissantes de la demande, nous nous sommes efforcés d'allier une stratégie d'émission régulière et transparente, qui constitue un atout aux yeux des investisseurs, avec une plus grande flexibilité. Au cours de l'année 2008, nous avons ainsi élargi la fourchette des adjudications, qui est passée de 500 millions à un, voire 1,5 milliard d'euros, montant qui pourrait être dépassé à l'avenir. Nous avons en outre choisi de réémettre un plus grand nombre d'anciennes souches de maturité intermédiaire - 3 ou 4 ans, 6 ou 7 ans, ou encore 12 ou 13 ans. Ces opérations représentent 18 % du montant total des émissions de titres en 2008, contre seulement 2 % l'année précédente. Afin de venir plus efficacement à la rencontre de la demande, nous avons enfin modulé la répartition entre les différents compartiments du marché : nous avons tout d'abord émis beaucoup plus de dette indexée en début d'année que par la suite, la demande s'étant restreinte ; d'autre part, nous avons émis davantage de dette à très long terme. Grâce à ces évolutions, nous sommes parvenus à maintenir le ratio de couverture des adjudications à un niveau comparable à celui qui avait été atteint en 2007, à savoir entre deux et trois fois le volume demandé pour les différentes catégories de titres.

Depuis le début de l'année, nous sommes allés plus loin encore sur la voie de l'adaptation et de la flexibilité. Comme je l'ai déjà indiqué, nous nous sommes fixé pour objectif d'émettre 10 % d'obligations indexées. En vue de mieux répartir les émissions de titres au cours de l'année, nous avons en outre prévu deux dates supplémentaires d'adjudication, la première en août et la seconde en décembre. Enfin, nous avons décidé de faire preuve d'une plus grande souplesse en ce qui concerne la répartition entre les OAT, les BTAN et les titres de long terme.

Ces évolutions ont été accueillies positivement par les marchés financiers. Au cours du mois de janvier, l'émission des OAT s'est correctement passée, même si le taux de couverture a été plus faible que d'habitude, sans doute à cause du résultat précédemment obtenu en Allemagne. S'agissant des BTAN et des obligations indexées, nous n'avons pas constaté, en revanche, d'évolution de la demande, sans doute grâce à notre politique de diversification – nous avons ainsi proposé trois titres différents pour les BTAN, et deux titres de long terme pour les obligations indexées.

S'il est arrivé qu'une adjudication ne soit pas « couverte » en Allemagne, il ne faut pas y voir le signe d'un problème de financement. Le système retenu par nos voisins présente en effet une plus grande rigidité que le nôtre : les caractéristiques des titres émis sont annoncées avec des délais assez importants en Allemagne, alors que les opérateurs savent seulement que nous allons émettre des OAT le premier jeudi de chaque mois, et que des discussions auront lieu, quelques jours auparavant, avec les banques spécialistes en valeurs du Trésor – SVT –, afin de connaître plus précisément la demande effective. Un code de bonne conduite oblige par ailleurs chaque SVT à couvrir au moins 2 % du volume des adjudications.

Dans le contexte actuel de volatilité, la probabilité qu'une émission de titres ne soit pas couverte est plus élevée en Allemagne qu'en France, mais ce risque reflète plus un problème de liquidité des intermédiaires financiers qu'un problème de solvabilité de la demande. J'observe d'ailleurs qu'il n'y a pas eu d'autres incidents, et que le programme de financement initialement prévu en Allemagne a été parfaitement réalisé.

S'agissant d'un éventuel krach du marché des obligations, un premier facteur déclenchant pourrait être le retournement brutal de la politique menée par les banques centrales, comme ce fut le cas aux États-Unis en 1994-1995 : la hausse brutale des taux directeurs de la FED avait provoqué une remontée de l'ensemble de la courbe des taux, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe. Or, la probabilité d'une hausse brutale des taux directeurs est aujourd'hui peu élevée, compte tenu de l'état des économies, ainsi que des récentes déclarations des présidents des banques centrales, notamment celui de la FED.

Un krach peut également se produire en cas de déséquilibre durable entre l'offre et la demande, portant sur la partie « longue » de la courbe des taux. Toutefois, un tel phénomène ne me semble pas probable aujourd'hui, car l'offre publique supplémentaire tend à se substituer à l'endettement privé, qui est en phase déclinante, plutôt qu'à le chasser.

Un troisième risque de krach obligataire pourrait provenir d'une dégradation de la qualité du crédit, mais il s'agit d'un phénomène concernant certains acteurs en particulier, plutôt que le marché dans son ensemble.

S'agissant de la Société de financement de l'économie française, la SFEF, et de la Société de prise de participation de l'État, la SPPE, je rappelle que ces institutions ont été créées en étroite collaboration avec le ministère de l'Économie. L'État, qui détient 34 % du capital de la SFEF, dispose ainsi d'un commissaire du Gouvernement, en la personne du directeur général du Trésor, et peut exercer un droit de veto sur les émissions de titres afin de protéger ses intérêts financiers. Des réunions, auxquelles l'Agence France Trésor participe de façon systématique, sont en outre régulièrement organisées à propos de la politique d'émission de titres de la SFEF.

Les opérations de la SFEF sont en outre coordonnées avec celles que nous menons : lorsque SFEF émet des titres, dont la maturité est comprise entre un et cinq ans, elle intervient au début du mois, lorsque nous émettons des OAT, dont la maturité est plus longue ; d'autre part, la SFEF n'est pas présente sur les marchés lorsque nous proposons des BTAN, ou bien elle émet alors des titres libellés dans d'autres devises que l'euro. Une rapide comparaison internationale, avec le Royaume-Uni ou l'Allemagne, par exemple, permettrait en outre de démontrer que la SFEF se finance pour le moment dans de bonnes conditions.

Quant à la SPPE, il s'agit d'une société anonyme détenue à 100 % par la collectivité publique, et gérée par l'Agence des participations de l'État, qui définit sa politique d'émission. Pour sa première tranche de 10,5 milliards d'euros de crédits, la SPPE n'est pas intervenue sur les marchés financiers, car l'Agence France Trésor a consenti un dépôt d'un montant équivalent, dont le financement a été bouclé par la différence entre le montant total des émissions de titres à moyen et long terme – 128,5 milliards d'euros – et celui que nous avions initialement prévu - 116,5 milliards d'euros. Cette variation s'explique par la non réalisation de rachats que nous effectuons habituellement en fin d'année.

Pour ce qui est de la deuxième tranche des participations, on ne connaît encore ni leur montant définitif ni la technique qui sera employée : les titres pourront être émis directement par la SPPE, ou bien par l'intermédiaire de l'Agence France Trésor. On peut même envisager que nous émettions d'abord des titres pour le compte de la SPPE, puis que celle-ci réalise, dans un second temps, une émission de titres destinée à nous rembourser. Toutes les combinaisons sont envisageables.

S'agissant de la répartition géographique des détenteurs de la dette, nous disposons d'éléments plus qualitatifs que quantitatifs. Depuis quelques années, on constate ainsi une augmentation des achats réalisés par les acteurs asiatiques, notamment les banques centrales et les fonds souverains, mais aussi, de façon plus modérée, par les investisseurs des pays du Golfe. Les interventions des investisseurs institutionnels européens, qu'il s'agisse des fonds de pension ou des assureurs, sont plus stables, et celles des investisseurs américains, essentiellement orientées sur la zone dollar, demeurent très faibles.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Vous avez évoqué les évolutions tendancielles, mais qu'en est-il du stock de dette ?

PermalienPhilippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor

Compte tenu des données disponibles, nous n'avons pas la possibilité de procéder à une décomposition précise.

PermalienPhoto de Dominique Baert

Étant rapporteur spécial pour les engagements financiers de l'État, j'aimerais pouvoir adopter le ton volontairement rassurant que vous avez employé, monsieur Mills, mais j'en suis malheureusement incapable. Il faut en effet veiller à distinguer entre, d'une part, les fondamentaux économiques et financiers et, d'autre part, le « voile » de la trésorerie.

À cet égard, l'évolution du montant des émissions d'OAT et de BTAN n'incite guère à la sérénité : il est passé de 98 milliards d'euros en 2007 à 128 milliards en 2008, et il devrait atteindre 145 milliards cette année. En deux ans, nous aurons donc parcouru le même chemin qu'au cours des dix années précédentes. Si l'on raisonne sur le court terme, le montant des BTF est passé de 78 milliards en 2007 à 138 milliards en 2008, puis il devrait se porter à 168 milliards en 2009. Le total a donc plus que doublé en trois ans.

Le stock de dette accumulé me paraît également accablant : il devrait atteindre 69,9 % du PIB à la fin de 2009, et dépasser 70,5 % en 2010. La situation se dégrade encore plus vite que dans les scénarios les plus pessimistes que j'avais présentés devant la Commission. Si l'on s'en tient à vos prévisions, la dette devrait augmenter de trois points de PIB en une seule année. Vous comprendrez donc que je ne partage pas votre sérénité.

M. le rapporteur général a déjà évoqué bien des sujets sur lesquels je voulais vous interroger, notamment la charge de la dette : son évaluation actuelle - 43 milliards d'euros - ne me semble pas vraisemblable compte tenu des évolutions récentes. J'avais par ailleurs l'intention de vous interroger sur la dette détenue par les investisseurs ne résidant pas en France. J'espère que les enquêtes réalisées par la Banque de France permettront d'apporter quelques éclaircissements à ce sujet.

Ma première question portera sur l'élasticité de la dette face à l'évolution des taux d'intérêt. En effet, nous allons devoir affronter une poussée des besoins de financement publics au plan international. La récession pourrait atténuer les effets de ce phénomène, en réduisant les besoins de financement des acteurs privés, mais il pourrait tout de même se produire une hausse des taux d'intérêt. Même si ce n'est pas le scénario que vous avez retenu, j'aimerais savoir quelle est, selon vous, la sensibilité de notre dette à un tel phénomène : si les taux augmentaient d'un point, combien cela nous coûterait-il en plus ?

Une deuxième série de questions a trait à l'écart croissant qui existe entre les conditions de financement des différentes économies européennes. Avez-vous cherché à mettre en rapport cette évolution avec celle qui se produirait si nos économies avaient conservé des monnaies autonomes ? Ces écarts vous semblent-ils de nature à remettre en cause la convergence des taux d'intérêt, qui est l'un des socles de l'union monétaire ?

En dernier lieu, pourriez-vous préciser quelles relations l'Agence France Trésor entretiendra avec le futur Fonds stratégique d'investissement pour ce qui est de son financement ?

PermalienPhoto de Jean-Michel Fourgous

Il aurait sans doute été utile, monsieur Mills, de vous appuyer sur une présentation sous forme de Powerpoint. Nos connaissances techniques étant assez variables, je ne suis pas certain que nous ayons tous été en mesure de suivre parfaitement vos propos.

J'aurais en outre apprécié que vous apportiez des précisions sur les volumes de capitaux disponibles dans le monde, ainsi que sur la répartition des acteurs qui investissent dans notre dette, dont 64 % sont détenus par des non-résidents. Quelle est aujourd'hui la part des fonds souverains ? Pensez-vous qu'elle augmentera ?

D'autre part, pourriez-vous apporter quelques précisions sur l'évolution des PIB dans le monde ? Chacun sait que les agences de notation vont s'intéresser de plus en plus à cette question. Pouvez-vous nous dire si le PIB de l'Union européenne est toujours supérieur à celui des États-Unis ?

Afin d'évaluer le rapport entre la dette publique et le PIB, il faudrait également que vous nous indiquiez le niveau que la dette pourrait atteindre en 2009. À ce sujet, on ne peut que s'inquiéter des écarts entre les différentes estimations du déficit qui ont été portées à notre connaissance.

En dernier lieu, pourriez-vous revenir sur le diagnostic effectué par les agences de notation internationales ? Quels sont les points forts et les points faibles de notre pays ? J'ai cru comprendre que les réformes structurelles menées en France nous avaient permis de gagner quelques places dans les classements internationaux, mais j'aimerais davantage de détails.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je trouve, moi aussi, indispensable que l'on s'exprime ici en français et d'une façon aussi claire que possible. C'est une condition indispensable pour vérifier que nos interlocuteurs maîtrisent les sujets dont ils parlent, et qu'ils ne cherchent pas à s'entourer d'une bien fâcheuse opacité.

Sur le fond, j'observe que les anticipations des marchés ont été démenties les unes après les autres. Puissiez-vous en tirer une leçon de prudence !

Afin d'appuyer vos propos, vous avez évoqué les déclarations du président de la FED. Or, je me souviens de l'autocritique de M. Greenspan, qui a reconnu, les larmes aux yeux, les bévues qu'ils avaient commises. Pourquoi donc faire référence à la FED, et non à la Banque centrale européenne, qui devrait être notre boussole ? Je m'interroge également sur le crédit que vous accordez aux agences de notation internationales, notamment Standard and Poor's. Nul ne peut ignorer les erreurs qu'elles ont commises.

D'autre part, je souhaiterais quelques précisions sur les avantages que l'on peut tirer de la liquidité de la dette française et de la proportion des non-résidents que l'on compte parmi ses détenteurs. En quoi le fait que notre dette dépend de l'étranger est-il un atout ?

Puisque vous avez évoqué des « économistes de marché », j'aimerais que vous citiez précisément vos références. De qui s'agit-il ? Est-ce Michel Aglietta, Jaques Mistral, Patrick Artus, ou bien tous ces économistes d'opérette qui pullulent aujourd'hui sur nos « étranges lucarnes » ? Quand on connaît toutes les erreurs de jugement commises au cours des dernières années, la notion de « consensus des économistes », à laquelle vous avez fait référence, paraît dépourvue de tout sens. Pourriez-vous donc citer vos sources ?

PermalienPhoto de Charles de Courson

Quand on consolide les besoins de financement bruts des administrations publiques, on arrive à un total d'environ 250 milliards d'euros. Or, de mémoire, le montant de l'épargne française ne dépasse pas 170 milliards, et les entreprises ont également des besoins nets de financement – elles ne s'autofinancent pas à 100 %. Dans ces conditions, pouvez-vous nous présenter le tableau de financement de l'économie française, qui nous manque toujours ?

Les besoins étant très supérieurs à l'épargne disponible, il est certain que nous ne pourrons pas nous passer des acteurs étrangers, lesquels détiennent aujourd'hui près de 64 % de notre dette. Quels sont, selon vous, les risques qui peuvent résulter de cette situation ? Je pense non seulement à la France, mais aussi aux États-Unis, dont les bons du trésor sont détenus à 50, voire 60 % par des non-résidents, et qui auront besoin de 100 milliards d'euros nets en plus de la charge du remboursement de leur dette actuelle. N'y a-t-il pas un risque de remontée des taux, non pas en raison des décisions des banques centrales, qui sont de peu d'effet, mais plutôt du fait de la pénurie d'épargne dans le monde ?

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Ma première question portera sur les garanties apportées par l'État, qui doivent être désormais soumises au Parlement – c'est l'un des grands mérites de la LOLF. Quelle est votre évaluation des risques auxquels ces garanties nous exposent aujourd'hui ? Comment intégrez-vous ces risques dans vos prévisions ?

J'aimerais ensuite revenir sur la structure du financement de la dette. Avez-vous été contraint de modifier notablement les types de produits que vous proposez afin de parvenir à les placer sur les marchés ? Qu'en est-il en Allemagne ? J'ai cru comprendre que la structure des produits mis sur le marché par le Trésor américain était relativement stable, mais est-ce le cas ailleurs dans le monde ?

Je m'interroge par ailleurs sur la dégradation éventuelle de la qualité de signature de certains États européens : existe-t-il une évaluation des conséquences qui pourraient en résulter ?

J'aimerais en outre avoir quelques précisions sur les ressources qui pourraient être mobilisées en vue de financer le plan de relance de l'économie, notamment pour les infrastructures. Vous avez évoqué une éventuelle réduction des besoins de financement des opérateurs privés, du fait de la situation économique actuelle, mais je me demande si nous ne risquons de manquer, malgré tout, de ressources à long terme. Les besoins de l'État n'exerceront-ils pas une concurrence néfaste ?

En dernier lieu, pouvez-vous rappeler les chiffres dont vous disposez concernant la CADES ainsi que les besoins de trésorerie de l'ACOSS ? Cela me permettrait de vérifier les éléments dont j'ai déjà eu connaissance.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Les différentiels entre taux courts et taux longs, tels que vous nous les avez présentés, n'incitent-ils pas à financer par des ressources à court terme des besoins de long terme ? Un tel mécanisme est-il pervers ?

Une amélioration de la conjoncture à la mi-2009 contribuerait-elle à réduire la volatilité ? Ou bien celle-ci risque-t-elle de devenir structurelle et va-t-il falloir adapter les mécanismes de pilotage de la dette ?

La BCE a décidé de ne pas suivre la FED dans sa politique de taux zéro. Y voyez-vous une protection des investisseurs obligataires, à qui seraient évités les aléas d'une brusque variation des taux, ou un frein à la relance ?

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Disposez-vous de ratios pour distinguer la part respective des investissements et des dépenses de fonctionnement financée par la dette ? Ce rapport évolue-t-il ? Nous avons l'impression qu'une part importante de la dette finance des dépenses courantes.

Y a-t-il un niveau de dette au-delà duquel il ne faudrait pas aller ? L'endettement est tel que le remboursement des intérêts est devenu le second poste budgétaire, derrière l'éducation nationale. Où placez-vous la cote d'alerte ?

PermalienPhilippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor

Vous me prêtez l'intention d'être rassurant. J'ai seulement essayé de vous montrer que l'opinion selon laquelle la France devait être confiante dans sa capacité à se financer est partagée par les investisseurs, les intermédiaires financiers, les agences de notation, qui sont tous indépendants du Gouvernement.

L'augmentation des recours au marché pour placer des titres à moyen et long terme, de 98 milliards en 2007 à 145 milliards d'euros en 2009, s'explique pour partie par l'amortissement d'une dette importante, et pour partie par la crise. Mais ce niveau élevé se constate aussi dans les autres pays européens et aux États-Unis.

Pour mesurer l'élasticité de la dette aux taux d'intérêt, il faut d'abord calculer l'impact immédiat sur les BTF qui sont à intérêts précomptés : un point sur un stock de 140 milliards à la fin de l'année 2008 coûte donc 1,4 milliard d'euros. Puis, si cette hausse d'un point se maintient, elle se diffusera aux émissions de l'année en cours, soit 145 milliards : cela représente aussi 1,5 milliard d'euros. On arrive donc à 3 milliards par an, sur toute la durée de vie des titres émis.

Quant à l'écart de taux entre les différents pays européens, le sujet est extrêmement difficile et il dépasse mes capacités de prévision. Néanmoins, je vous ai parlé de la prime de risque liée à la solvabilité des États, et de la prime de liquidité liée à la négociabilité de leur dette. Sans l'euro, il faudrait ajouter une prime de risque en fonction des anticipations sur les taux de change. Si par hasard un pays sortait de la zone euro, les risques d'attaque de sa nouvelle monnaie ne seraient pas négligeables. Vraisemblablement, le différentiel s'accroîtrait. Aujourd'hui, il est de 2,5 points entre l'Allemagne et la Grèce, qui sont aux deux extrêmes. Avant que celle-ci rejoigne l'euro, l'écart était de 4 à 5 points. C'est le seul élément de comparaison.

PermalienPhoto de Jean-Michel Fourgous

La France est bien au deuxième rang de la zone euro ?

PermalienPhilippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor

Oui. Cela peut vous paraître paradoxal mais les conditions de financement intègrent aussi la liquidité de la dette, qui se négocie plus facilement quand le marché est plus profond. Notre signature triple A est un atout, et j'ai fait référence aux agences de notation parce que les investisseurs en tiennent compte. Elles ont un quasi-monopole en la matière et les conditions de financement des États dépendent de ces évaluations, aussi imparfaites soient-elles.

S'agissant des prévisions, j'ai mentionné un scénario, qui n'est pas le mien, sur l'éventualité d'un krach obligataire, qui serait lié à un relèvement des taux directeurs des banques centrales. Cela supposerait un changement de politique de leur part. Or M. Bernanke a explicitement déclaré, et à plusieurs reprises, qu'il maintiendrait sa politique d'intérêt très bas dans les mois à venir. C'est pourquoi un krach qui se diffuserait par ce canal n'est a priori pas d'actualité, compte tenu de l'importance de la Réserve Fédérale dans la politique monétaire au niveau mondial.

Dans mon esprit, le terme d'économistes « de marché » n'est ni laudatif ni péjoratif. Il désigne seulement les économistes qui travaillent dans des institutions en lien avec les marchés financiers, en particulier dans les principales banques d'affaires. À partir de l'ensemble de leurs prévisions, on établit une moyenne, un « consensus » des taux de croissance, d'inflation et d'intérêt, qui sert de référence aux acteurs des marchés financiers. Il s'agit là encore d'un simple outil.

Évaluer la part des fonds souverains est difficile car, en général, ils ne communiquent pas sur leurs investissements. Nous disposons seulement d'indications de la part des banques par l'intermédiaire desquelles ils passent pour acheter. En général, ces fonds ont un comportement différent de celui des banques centrales qui, elles, sont de gros acheteurs de titres publics de grande qualité. Les fonds souverains, eux, ont des objectifs de rendements plus élevés et privilégient de ce fait les obligations d'entreprises ou les actions. La crise n'y change pas grand-chose. Tout au plus maintiennent-ils la part relative des actions et des obligations.

Quant à l'équilibre entre l'offre d'épargne et la demande de financement, il convient de comparer les flux : l'amortissement des titres arrivés à échéance libère de l'épargne qui cherche à se replacer. Les émissions nettes à moyen et long terme de la France s'établissent à 35 milliards, soit 145 milliards d'émission moins 110 milliards de remboursements. Il faut tenir compte également des coupons, de 30 ou 35 milliards. Le total n'est pas très éloigné du montant des émissions globales de l'État français. En outre, du fait de la crise, l'appel à l'épargne des sociétés privées, et d'abord des banques, s'est réduit de moitié dans la zone euro au cours de l'année 2008. Dans le contexte actuel, les États interviennent comme les prêteurs de dernier ressort, parce que les autres acteurs n'ont plus accès aux marchés, ou à des conditions inacceptables. Les premiers se substituent aux seconds. Il n'y a pas d'effet d'éviction.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Et qu'en est-il des garanties accordées par l'État ? À ce propos, l'Agence France Trésor est-elle associée à la décision d'accorder la garantie de l'État ? Existe-t-il une stratégie concernant le volume et la typologie des garanties ?

PermalienPhoto de Gilles Carrez

On pourrait également s'interroger sur la décision d'apporter la garantie de l'État à des partenariats public – privé.

PermalienPhilippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor

Nous sommes associés à la prise de décision si la garantie donne lieu à l'émission d'obligations sur les marchés. Dans ce cas, nous sommes consultés, mais il ne nous revient pas de nous prononcer en dernier ressort.

Pour ce qui est de la stratégie, je dirai simplement que la politique du ministère des finances est de faire de la garantie de l'État un bien rare, que nous devons utiliser à bon escient. En effet, si nous pouvons aujourd'hui nous financer dans de bonnes conditions, c'est grâce à la garantie explicite de l'État.

En dernier lieu, le programme de financement de la CADES est chiffré à 33 milliards d'euros, dont la moitié porte sur des titres libellés en euros, à moyen ou long terme.

S'agissant de l'ACOSS, je ne peux pas vous citer le montant exact du besoin de trésorerie qui est prévu. C'est en effet la Caisse des dépôts qui est compétente en la matière, exception faite des billets de trésorerie émis en fin d'année, que nous rachetons afin de réduire le total de la dette publique au sens de la comptabilité européenne. Ces opérations ont atteint un montant de 10 milliards d'euros l'année passée.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Merci beaucoup pour vos réponses, Monsieur Mills, et bon courage !