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Intervention de Frédéric Schmidt

Réunion du 16 décembre 2008 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Frédéric Schmidt :

Ma société – CEFA –, dont je suis le président du directoire, emploie 150 personnes et réalise un chiffre d'affaires annuel de 23 millions d'euros environ. Nous sommes spécialisés dans les engins de franchissement : l'engin de franchissement de l'avant, l'EFA, a aujourd'hui remplacé le bac Gillois. Nous traitons également les enfouisseurs et disperseurs de munitions antichar. Puisque CEFA est maître d'oeuvre industriel de ses produits, nous sommes confrontés, au même titre que les grands groupes, au problème de l'exportation dans la mesure où le marché national est saturé.

Pour exporter, il faut, premièrement, connaître les besoins des pays tiers. La société a le choix entre démarcher elle-même pour aller chercher l'information et s'appuyer sur l'organisation de l'État français, à savoir les attachés de défense et d'armement, les conseillers militaires et les conseillers économiques des ambassades. Or cette « équipe de France de l'export » de matériels de défense est passablement absente. Lorsqu'ils sont sollicités, ses membres ne sont pas systématiquement au fait des procédures d'acquisition, ni même des besoins du pays où ils se trouvent. Il est alors difficile d'obtenir des informations utiles. Deuxièmement, lorsque le besoin est identifié, il faut connaître les procédures et dispositifs locaux, par exemple si l'état-major possède un bureau d'achat, ou si certaines sociétés servent d'interface. Là encore, notre réseau présente des déficiences. Troisièmement, une fois la négociation ouverte, il nous faut connaître toutes les annexes du contrat, la vente n'étant qu'une des étapes. Par exemple, lorsqu'ils achètent, les pays du Moyen-Orient demandent généralement des compensations, principalement industrielles et technologiques, pour pouvoir se développer. Là encore, personne, dans notre équipe de France, n'est en mesure de donner des explications claires, nettes et précises. Il existe donc, à la base, un problème fondamental d'organisation de cet ensemble étatique et industriel pour soutenir l'export.

Le deuxième obstacle réside dans les procédures d'autorisation d'exportation donnée par la commission interministérielle d'étude des exportations des matériels de guerre, la CIEEMG. Aujourd'hui, les engins amphibies que nous concevons et fabriquons, qui permettent à un char lourd de franchir des coupures humides, relèvent d'une classification qui les assimile à des chars lourds. De ce point de vue, l'EFA et le char Leclerc sont similaires. Pourtant, l'EFA n'est équipé ni de canon ni de munitions. Et cela prévaut également s'agissant du soutien, des pièces de rechange, des interventions. La procédure s'avère extrêmement lourde. Aujourd'hui, les démarches sont certes accélérées grâce au réseau à haut débit ENX qui permet d'obtenir des CIEEMG en ligne, mais cela mobilise des gens devant les écrans pour traiter les demandes. Faute de personnels derrière les machines pour valider ou non les demandes en temps et en heure, les appels d'offre nous échappent.

Enfin, dans le cadre d'une prospection de matériel, il arrive fréquemment que les forces armées étrangères se déplacent en France pour voir le matériel utilisé par les régiments. Organiser une telle présentation requiert quatre engins, leurs équipages, et, de préférence, un char lourd, au moins un engin blindé du génie, plus d'autres véhicules. Bref, il faut mobiliser au moins l'équivalent de deux sections pour une démonstration d'une demi-journée, qui est facturée 25 000 euros. Or une présentation dynamique peut être un argument de poids, par exemple en prouvant qu'avec quatre engins, on peut fabriquer un pont de cent mètres en dix minutes. Mais la facture est lourde. Au rythme d'une démonstration par trimestre, le coût s'élève à 100 000 euros par an, ce qui est considérable pour une PME de 150 personnes. Une telle facturation est absurde car une démonstration de ces matériels équivaut, pour les régiments qui les utilisent, à un entraînement réalisé devant des tiers. Si l'exercice est rémunérateur pour les armées, son coût excessif se révèle dissuasif pour les PME.

En conclusion, je considère qu'il faut réorganiser « l'équipe de France de l'export » et mettre fin aux divergences entre les différents acteurs. Je regrette que pour organiser une démonstration à l'étranger, la PME française doive envoyer ses propres équipes sur place. L'industriel allemand, lui, adresse une demande à l'équivalent allemand de la DGA, qui met à disposition des équipages pour présenter les matériels dans les pays étrangers. C'est donc l'État qui vient à l'appui de l'industrie et cela représente un soutien fort. Cela manque aux PME françaises. Il faut également que les attachés, indépendamment de leurs centres d'intérêt, s'impliquent davantage dans une démarche qui demeure commerciale et qu'ils soient au contact des officiers supérieurs dirigeant le bureau d'achat, afin qu'une relation s'établisse. Le cadre légal de la CIEEMG doit être modifié, mais il s'agit d'un travail de fond qui ne se fera pas en quelques semaines ou quelques mois compte tenu de la diversité des matériels. Adapter ne serait-ce que la nomenclature et la classification des matériels en service dans l'armée de terre simplifierait déjà grandement le travail de l'administration comme des industriels. Une autre forme de soutien aux industriels, et surtout aux PME, serait que les démonstrations dans les unités ne soient plus payantes, ou qu'un tarif préférentiel soit appliqué aux PME. Il y a une quinzaine d'années, la pratique officieuse consistait à payer le carburant. À 25 000 euros la demi-journée, cela coûte très cher.

Je vous ai parlé des PME, mais CEFA est une entreprise atypique puisque, avec 150 personnes, elle est maître d'oeuvre industriel pour un matériel majeur de l'armée de terre. Les problèmes qu'elle rencontre sont ceux des grands maîtres d'oeuvre tels que Nexter, CNIM, Panhard ou Renault Trucks Défense, mais ils sont démultipliés par l'énergie nécessaire pour obtenir les autorisations et effectuer les démarches commerciales. Il faut convaincre qu'une PME peut être solide, développer des matériels et se tourner vers l'exportation. C'est ce que nous avons fait en 2006 en obtenant un contrat de plus de 60 millions d'euros des Émirats arabes unis qui utilisent l'EFA pour relier leurs îles, artificielles ou naturelles. L'exportation est autant le fait des grands groupes que des PME, bien que ces dernières y participent de moins en moins de façon autonome. En tout état de cause, CEFA est le dernier indépendant. Il faut définir un nouveau cadre pour gérer les exportations en dépoussiérant la loi. Il s'agit de mettre en place une équipe de France de l'export, où tous fassent bloc.

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