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Intervention de Thierry Gaiffe

Réunion du 16 décembre 2008 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Thierry Gaiffe :

Je traiterai de l'accès à la commande publique, en particulier à la commande de défense.

J'ai participé il y a huit ans à la création de l'entreprise que je dirige, qui compte désormais 220 salariés pour 38 millions de chiffres d'affaires et 20 % de croissance. Cette entreprise est duale : nous faisons à la fois du civil et du militaire, ce qui est très important pour durer. Un tiers de notre activité est consacré à la défense et deux tiers au civil. Nous réalisons 80 % de notre chiffre d'affaires à l'exportation.

Je dirige également le Comité Richelieu, association française des PME innovantes, qui représente quelques centaines d'entre elles. Il ne s'agit pas de jeunes pousses mais bien d'entreprises ayant en moyenne dix ans d'existence et employant plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de salariés. Le tiers d'entre elles environ consacre l'essentiel de son travail au monde de la défense.

Nous avons créé il y a quelques années, avec OSEO, le pacte PME, qui rassemble 50 grands groupes, pour la plupart cotés au CAC 40, et près de 3 000 PME. Ce vivier nous rend assez représentatifs des PME françaises.

Il apparaît que la part des achats que ces 50 grands groupes dirigent vers les PME – telles que les définit la Commission européenne, c'est-à-dire employant 250 salariés, réalisant 50 millions de chiffre d'affaires et jouissant d'une indépendance capitalistique – est de 18,9 %. Mais si l'on regarde les marchés de la direction générale pour l'armement (DGA), cette part tombe à 0,8 % pour les programmes et à 4,6 % pour les études amont. Il semble donc que le monde de la défense peine à offrir une juste place aux PME.

Plusieurs raisons expliquent ce constat. Cela tient en premier lieu à la méfiance que la nation – et pas seulement la défense – entretient à l'égard des petites et moyennes entreprises ; les acheteurs, publics et privés, considérant qu'une PME est nécessairement fragile. Il faut combattre ce dogme car il n'y a pas plus de risque qu'une PME ne disparaisse que de voir, par exemple, une section d'un grand groupe délocalisée en République tchèque… J'ajouterai que l'on se méfie également du caractère innovant généralement attribué aux PME qu'on assimile trop souvent à l'inconnu, donc au risque. Cette méfiance traduit une forme de conservatisme qui peut conduire à la paralysie. La troisième explication tient à la crise, qui incite nombre d'acteurs à privilégier ce qu'ils connaissent le mieux. À l'heure actuelle, ce phénomène tend à s'accentuer dans tous les secteurs économiques.

Il faut en outre rappeler que l'on a assisté en 1996-1997 à une diminution de 40 % du budget de la DGA. Ce sont les PME qui eurent le plus à en souffrir, nombre d'entre elles disparaissant.

Enfin, je relève que depuis plusieurs années, la consolidation du secteur de la défense s'est articulée autour de groupes de plus en plus importants avec lesquels la DGA entretient des rapports privilégiés. Ainsi, les PME bénéficient-elles de moins en moins d'un accès direct à une DGA qui traite plus volontiers avec les grands industriels.

Lors de son arrivée au ministère de la défense, Hervé Morin, qui aime rappeler qu'il est fils d'un artisan, a invité seize dirigeants de PME à travailler avec lui afin d'inverser cette tendance. Au début du mois de décembre, il a présenté ses décisions à la presse. En premier lieu, il s'agit de renforcer la visibilité des PME concernant tant les programmes d'équipement que la recherche et technologie (R&T). Par ailleurs, la DGA, qui, jusqu'à présent, ne discriminait pas entre les programmes de dix millions d'euros et de 200 000 euros, a été invitée à s'adapter aux petites entreprises, notamment en définissant de plus petits programmes d'études amont (PEA). Enfin, elle doit s'efforcer d'orchestrer les rapports entre les PME et les maîtres d'oeuvre industriels par un code de bonne conduite. Toutefois, les progrès sont lents dans ce domaine, faute d'une véritable coopération de tous les maîtres d'oeuvre. Ainsi, seuls quatre d'entre eux – MBDA, DCNS, Thalès et Sagem défense sécurité – ont signé le pacte PME. La décision de Nexter, EADS et Dassault aviation est toujours attendue. Ces grands groupes refusent de contracter un engagement de transparence, qui pourtant consiste simplement à rendre publique la part de leurs achats bénéficiant aux PME. Ils paraissent essentiellement motivés par la crainte de possibles clauses protégeant la propriété intellectuelle. De fait, ils n'acceptent de travailler avec les PME que s'ils ont accès gratuitement à la propriété intellectuelle.

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