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Intervention de Yves Deniaud

Réunion du 16 juillet 2007 à 15h00
Débat d'orientation budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Deniaud :

Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce premier débat financier de la nouvelle législature incite tout naturellement, pour évaluer notre situation, à se remémorer ce qu'il en était en 2002. Nous héritions alors d'un déficit sous-estimé de 16 milliards d'euros, de 14 milliards de reports, de trois primes de Noël à payer la même année – ce qui avait fait dire à Alain Lambert qu'il était plus le Père Noël que le ministre du budget –, d'une APA non financée et d'une AME estimée au vingtième de son coût réel.

Une majorité sortante espère toujours se succéder à elle-même, mais la sagesse des électeurs a évité à la gauche plurielle de l'époque de s'offrir à elle-même le très vilain cadeau dont nous avons été gratifiés.

En 2007, nous avons voulu nous donner les meilleures chances de réussite pour les cinq ans à venir, et les électeurs ont bien voulu être de cet avis. Même si, bien sûr, tout est loin d'être parfait, nous pouvons légitimement considérer que notre base de départ est plus solide et plus confortable que celle d'il y a cinq ans.

Nous avons bien noté, monsieur le ministre, que, comme ce fut le cas pour tous les budgets depuis 2003, la loi de finances de 2007 sera exécutée conformément au vote du Parlement pour les dépenses. Nous souhaitons tous que ce soit également le cas pour les recettes, donc pour la réduction du déficit.

La loi de règlement nous a également permis de vérifier que le déficit a, en 2006, été réduit pour la troisième année consécutive, repassant sous les 3 % du PIB pour la première fois depuis 2001 – ce qui montre au passage qu'il aura fallu cinq ans pour se remettre de l'effondrement budgétaire de 2002 et de son budget comportant un mensonge de 16 milliards d'euros. Nous venons d'atteindre l'équilibre primaire calculé hors intérêts de la dette, ce qui constitue le premier seuil marquant du redressement.

Pour 2008, en dépit de l'effort considérable en faveur de la croissance que nous allons engager grâce à la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, vous nous proposez, monsieur le ministre, de poursuivre sur la même voie de l'assainissement en profondeur de notre situation financière, conformément aux engagements pris devant le pays comme devant nos partenaires européens.

Ces engagements, nous les avons tous pris avec le Président de la République et – que cela soit bien clair pour l'opposition – nous n'envisageons pas un instant que ces engagements ne soient pas scrupuleusement tenus.

Nous devons même faire encore mieux car, en dépit des efforts méritoires accomplis et des résultats positifs obtenus, nous restons, par exemple, à un déficit égal à 2,5 % du PIB, contre 1,7 % en moyenne pour l'Union Européenne à vingt-sept et 1,4 % pour la seule zone euro. Il n'y a aucune raison pour que nous ne rattrapions pas cette moyenne à la vitesse où l'Allemagne, pour ne citer qu'elle, a progressé.

Si la législature précédente a marqué une nette orientation vers l'assainissement, elle ne nous a toutefois pas permis de nous placer parmi les meilleurs en Europe, alors que la plupart des États adoptent, à des degrés et des rythmes divers, une ligne de conduite globalement homogène de réduction des déficits, de maîtrise des dépenses et de réforme des politiques publiques, qui a porté ses fruits en matière de croissance et d'emploi. Les résultats moyens au sein des États européens sont meilleurs que les nôtres, qu'il s'agisse des comptes publics, de la croissance ou du taux de chômage, et les performances de quelques-uns sont mêmes spectaculaires – je pense notamment à la Grande-Bretagne ou à l'Irlande. Notre ambition doit être de rejoindre ce peloton de tête qui allie des excédents budgétaires à un chômage ne dépassant pas 5 %.

Nous nous réjouissons, comme je l'ai dit, d'avoir atteint l'équilibre primaire, mais il est bien évident que chaque exercice budgétaire doit désormais voir les recettes couvrir une part grandissante des intérêts de la dette, au rythme de 15 milliards d'euros par an si nous voulons arriver à l'équilibre complet dès 2010, ou au rythme de 9 à 10 milliards d'euros par an si nous devions nous contenter de l'atteindre en 2012. Cette exigence est d'autant plus vitale à satisfaire que les taux d'intérêt exceptionnellement bas des années récentes sont derrière nous et que la remontée des taux de la Banque centrale européenne joue contre nous.

Bien sûr, nous jugeons tous défavorablement l'attitude obsessionnelle de certain Don Quichotte de Francfort qui se bat contre le moulin à vent d'une inflation qu'on ne voit guère poindre à l'horizon. Bien sûr nous n'avons pas oublié que la même recette du même auteur – dite, à l'époque, « politique du franc fort » – avait, il y a quinze ans, complètement démoli la croissance française avec des taux à 10 % pour une inflation à 2 %

Malheureusement, même s'il faut continuer à plaider pour une politique monétaire plus souple et soucieuse de croissance, force est de constater que la gouvernance économique de l'Europe ne permettra pas de progrès significatifs dans le temps qui nous est imparti. Il y a donc une grande urgence à dégager sur nos recettes pérennes la couverture complète des intérêts afin de permettre le dégonflement du stock de dette.

Sur cette période de trois ans si possible, de cinq ans au pire, nous devrons continuer à procéder à des cessions d'actifs. Il est évident que le stock des participations de l'État n'est pas inépuisable, mais la période limitée que nous nous donnons pour revenir enfin à l'équilibre est forcément la plus indiquée pour procéder à ces cessions qui permettront de contenir la dette en complément de la baisse des déficits – d'autant plus que le niveau élevé de la bourse et l'attente des marchés vis-à-vis de certaines valeurs sont tout à fait propices à l'obtention de recettes fructueuses.

S'y ajouteront, bien sûr, les cessions de biens immobiliers de l'État. La restructuration des services qui en sont chargés nous laisse espérer des résultats encore améliorés que nous suivrons avec un intérêt d'autant plus soutenu que nos travaux parlementaires ont été à l'origine de cette réforme.

Bien entendu, l'essentiel des résultats positifs que nous pouvons attendre, la clé de la maîtrise des dépenses et du retour à l'équilibre, tient dans la réforme de l'État. Celle-ci a été engagée par l'intermédiaire des stratégies ministérielles de réforme et des audits de modernisation, qui ont porté sur 100 milliards d'euros de dépenses.

Pour être à la hauteur des enjeux et tenir le délai imparti – un délai, je le répète, qu'il serait hautement souhaitable de maintenir à trois ans, et qui, s'il devait être plus long, ne saurait excéder cinq ans –, il est toutefois nécessaire d'accélérer vivement et d'aller beaucoup plus profondément.

Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez lancé la semaine dernière avec M. le Premier ministre la révision générale des politiques publiques, qui, nous le croyons fermement, répond à l'exigence que je viens d'exprimer. En effet, elle impose dans un délai très contraint – mai 2008 – un changement en profondeur des organisations et des méthodes.

Il est prévu – et c'est à noter – que les fonctionnaires soient associés le plus largement possible à ces réformes. Nous devons les convaincre que le changement qui bousculera nécessairement leurs habitudes sera positif, que la simplification des procédures facilitera leur travail, et que la diminution de leur nombre par le non-remplacement d'un départ sur deux ne s'appliquera pas de façon purement mathématique, à la manière d'un couperet. Les fonctionnaires concernés doivent trouver dans cette réforme, et dans la réduction de leurs effectifs, une récompense en termes d'intérêt des tâches et d'amélioration de leur carrière et de leur rémunération. Tel est l'engagement du Gouvernement, qui doit en être félicité et encouragé.

Si cette révision générale des politiques publiques suscite notre adhésion enthousiaste, je me permets d'insister sur le nécessaire accompagnement de cette démarche interne à l'exécutif et à l'administration en particulier, par le travail du Parlement. L'entrée en vigueur de la LOLF et le développement de nos pratiques de contrôle ont démontré combien le Parlement pouvait aider à l'instauration de bonnes pratiques. Ce rôle, nous avons tous l'ambition – le Président de la République en premier – de lui voir prendre de l'ampleur. Le Parlement devra donc prendre toute sa place dans le processus de réforme de l'État et dans sa traduction dans les finances publiques.

J'émettrai deux recommandations pratiques quant à l'application concrète de ces réformes. La première, c'est que les réorganisations, donc les diminutions de postes, concernent bien les services centraux des administrations ainsi que les directions régionales et départementales, en luttant contre la tendance naturelle observée jusqu'à présent à transférer aussi souvent que possible les suppressions de postes vers les services extérieurs, ceux qui sont au contact du public. Les grands services financiers privés ont, lorsqu'ils ont fait subir une cure d'amaigrissement à leurs sièges sociaux et à leurs services administratifs centraux ou décentralisés, veillé dans le même temps à recruter largement des personnels au contact du public. Si comparaison n'est pas raison, je crois tout de même que nous serions bien avisés de puiser quelque inspiration dans cet exemple.

La deuxième recommandation concerne l'investissement, éternel parent pauvre de nos politiques financières. Je souscris totalement aux propos tenus tout à l'heure par Michel Bouvard à ce sujet. La Cour des comptes relève que, lors des dix dernières années, la croissance des dépenses publiques en valeur a été de 43 % alors que celle de l'investissement ne dépassait pas 7,4 % – ce qui correspond à 15 % de baisse en volume en euros constants.

Nous sommes nombreux à considérer que ce n'est pas admissible. La France compétitive que nous voulons a besoin d'un État investisseur. L'État doit le redevenir comme il doit être un contractant fiable et non plus, par exemple, le mauvais partenaire des contrats de plan État-région dont on attend interminablement les participations promises, en particulier pour les infrastructures de transports. Celles-ci constituant l'un des atouts majeurs de la France, reconnu internationalement pour l'attractivité de notre pays, il ne faut pas laisser cet atout se dégrader, mais au contraire maintenir notre avance.

Ces recommandations faites, l'essentiel est que vos orientations budgétaires, monsieur le ministre, se situent dans la droite ligne des engagements pris devant les Français. Elles doivent nous amener à financer nos mesures ambitieuses de relance de l'emploi et du pouvoir d'achat, tout en étant implacables dans la réduction du déficit et de la dette. C'est pourquoi nous les adopterons avec confiance, la même confiance avec laquelle nous vous donnons rendez-vous pour la loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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