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Intervention de Martine Billard

Réunion du 2 avril 2009 à 9h30
Protection de la création sur internet — Article 2, amendements 129 438

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Ce point est l'un de ceux qui justifient notre opposition au texte. Il est constant, dans notre droit, de faire intervenir un juge de l'ordre judiciaire pour tout ce qui touche aux restrictions à la liberté individuelle, ce qui est bien le cas, en l'espèce, de la sanction envisagée : il ne s'agit pas de juger les manquements à une simple relation contractuelle privée.

La décision de suspendre l'accès à l'Internet est motivée par le soupçon de téléchargement illégal ; mais encore faut-il que celui-ci soit prouvé. J'ai déjà fait part de cette difficulté, illustrée par le témoignage d'un expert judiciaire en informatique : « Je suis », écrit-il, « amené à réaliser des investigations notamment sur des disques durs pour rechercher des images ou vidéos à caractère pédophile. Typiquement, l'adresse IP d'un individu a été repérée dans un forum de discussion et transmise à la justice, qui ordonne une saisie au domicile de l'individu pour récupérer l'ordinateur. »

Quel est le point commun avec ce dont nous parlons ? Le repérage de l'adresse IP, dans un forum ou via les multiples moyens de téléchargement disponibles sur la toile. La différence est que, en matière de vidéos ou d'images pédophiles, seule la justice peut ordonner la saisie l'ordinateur au domicile de la personne incriminée, seul moyen de prouver le délit. « Souvent », poursuit l'expert, « les personnes mises en examen se défendent en arguant que les images ont été placées sur le disque dur à leur insu, ou que leur connexion a été piratée. Il faut donc démontrer qu'il n'y a pas eu de piratage à quelque niveau que ce soit, ou que le piratage n'a pas pu avoir pour conséquence la présence des images. Le coût de telles recherches est de l'ordre de quelques milliers d'euros par disque, à la charge de la collectivité. » Je rappelle que l'adresse IP est celle de la box, de sorte que, si plusieurs ordinateurs y sont reliés, le coût en sera multiplié d'autant.

« Que se passera-t-il », s'interroge l'expert, « lorsqu'un usager voudra démontrer sa bonne foi et que sa mise en cause est abusive ? La preuve étant en grande partie technique, cet individu pourra-t-il débourser quelques milliers d'euros pour établir sa bonne foi ? Est-ce la collectivité qui devra prendre en charge ce coût ? De plus, à supposer que le disque dur de l'individu verbalisé ne contienne aucun fichier incriminé, l'absence de preuve ne signifie pas la preuve de l'absence. Il est quasiment impossible de justifier que l'on n'a pas réalisé un tel téléchargement. »

Voilà pourquoi nous insistons avec obstination pour inscrire dans le texte la saisine de la justice. Un recours sera possible, nous répond-on. Mais encore faut-il que la personne incriminée puisse le faire – qui plus est dans un délai d'un mois –, les nombreuses connaissances techniques exigeant le recours à des experts.

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