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Intervention de Danièle Hoffman-Rispal

Réunion du 12 juin 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Article 27

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Hoffman-Rispal :

Cet article, en portant de 300 à 1 000 mètres carrés le seuil de déclenchement de la procédure d'autorisation d'implantation des surfaces commerciales, favorisera d'abord le développement commercial dans les périphéries urbaines.

On pourrait s'attarder sur l'ineptie que représente une telle orientation sociétale, quelques mois seulement après les travaux du Grenelle de l'environnement, dans un contexte inédit d'envolées des prix du pétrole. En effet, les produits vendus dans les grandes surfaces ont souvent parcouru déjà des milliers de kilomètres avant d'arriver dans les étals. En outre, en favorisant le développement de l'installation de nouvelles surfaces commerciales, de plus en plus loin des lieux d'habitation, vous ne ferez que créer de nouveaux déplacements assez peu compatibles avec le souci croissant de limiter les déplacements inutiles.

La France est déjà l'un des pays européens qui possède la plus forte concentration de centres commerciaux par habitant. Notre pays compte un hypermarché pour 46 000 habitants lorsqu'il y en a 1 pour 51 000 en Allemagne et 1 pour 130 000 en Italie. Et selon une étude de la fédération pour l'urbanisme et le développement des commerces spécialisés, l'Hexagone reste, de loin, en 2008 le principal marché européen de l'immobilier commercial, avec 625 projets, et il est aussi le plus actif avec une augmentation de 40 % du nombre de projets en cinq ans. Tel qu'il est conçu, l'article 27 ne fera que confirmer cette tendance.

Oser prétendre, comme le fait votre gouvernement, que le seul relèvement du seuil de déclenchement de la procédure d'autorisation d'implantation des surfaces commerciales sera l'un des instruments de lutte contre l'augmentation du coût de la vie relève de la braderie intellectuelle.

Les Français ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. D'après les résultats d'un sondage paru avant-hier dans la presse, 34 % de nos concitoyens jugent que l'augmentation du nombre des grandes surfaces aura des conséquences négatives sur les prix. Seuls 27 % estiment que leur multiplication peut avoir des conséquences positives sur leur ticket de caisse. J'ajouterai – et c'est peut-être le plus important – que 61 % jugent que l'essor des magasins de moins de 1 000 mètres carrés aura des conséquences négatives sur la présence de petits commerces en centre-ville.

Aurions-nous affaire à 61 % de passéistes socialistes ou de rétrogrades gauchistes – ce que vous nous reprochez d'être ? Non : il s'agit de Français de tous bords politiques, qui ont constaté, avec bon sens, que l'objectif des supermarchés n'était pas de laisser vivre les petits commerces et qu'il fallait réagir parce qu'on était en train de sacrifier les centres-villes. Ces petits commerces, j'y insiste, restent pour nos quartiers des lieux de convivialité incontournables et des points de sécurité, surtout peut-être pour la population la plus âgée, qui ne prend pas sa voiture pour faire ses courses et qui a vraiment besoin d'aller faire ses achats alimentaires quotidiens au plus près. Il faudrait être à l'écoute de ces personnes et savoir les entendre plutôt que de vouloir faire du modernisme, ou de la « modernité », à tout prix.

D'autant que vous voulez le faire sans même consulter les élus locaux. Vous avez bien tenté, par de précédents amendements, de leur donner quelques maigres contreparties, comme la possibilité pour les maires de préempter les baux commerciaux. Je ne reviendrai pas sur ce que Mme Mazetier a expliqué tout à l'heure, en particulier sur les décrets de la loi Dutreil, mais préempter un bail commercial aujourd'hui, sachant le coût de l'opération et le problème des stocks et des personnels, c'est inapplicable. Il faut pouvoir le revendre ensuite, et gérer, en sus du changement d'activité, le devenir des stocks et des personnels, sans parler du prix totalement excessif du bail lui-même – on sait ce qu'il en est dans nos villes ! Or, à part le petit cadeau de l'amendement sur les intérêts d'emprunt, vous n'avez accordé aucune possibilité nouvelle aux maires. Par surcroît, vous touchez bien entendu aux commissions départementales d'équipement commercial : là aussi, les maires n'auront plus qu'un avis à donner, au lieu d'une autorisation.

Le pouvoir des élus locaux me semble donc largement battu en brèche. De nouvelles procédures doivent être intégrées dans le code de l'urbanisme : il serait urgent de le faire, afin qu'ils puissent avoir une réelle maîtrise sur ces implantations, car cela risque de ne pas être le cas dans les prochains mois !

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