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Bernard Carayon
Question N° 95533 au Ministère du Travail


Question soumise le 7 décembre 2010

M. Bernard Carayon attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur l'encadrement des grèves d'éboueurs. Récurrentes dans certaines villes, ces grèves ternissent non seulement l'image de la France, mais ont également des conséquences particulièrement graves sur l'économie et l'hygiène publique des collectivités locales concernées. Le blocage du ramassage des ordures ménagères est une sérieuse menace contre l'ordre public. Elle constitue un moyen de pression manifestement disproportionné contre la politique des collectivités locales ou celle de l'État et une prise en otage intolérable des usagers. Il serait donc nécessaire d'encadrer ces grèves par la mise en place d'un véritable service minimum de la propreté, pour éviter des situations sanitaires catastrophiques. Il lui demande donc quelles mesures il compte prendre pour mettre en place un tel service.

Réponse émise le 3 avril 2012

En vertu de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la police municipale a pour objet d'assurer « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques », ce qui comprend notamment le nettoiement dans les rues, quais, places et voies publiques (art. L. 2212-2 [1°] du CGCT). Il incombe ainsi au maire de faire cesser un dépôt d'ordures, cause d'insalubrité, notamment lorsque son attention a été attirée à de nombreuses reprises sur les dangers résultant de cette situation. La carence du maire engage la responsabilité de la commune (CE, 28 octobre 1977, commune de Merfy). Lorsque l'interruption de la collecte des ordures ménagères résulte d'un mouvement de grève, il convient de veiller à concilier la valeur constitutionnelle du droit de grève, mentionné dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et la « sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte » (Conseil constitutionnel, 25 juillet 1979, 79-105 DC, considérant 1). Conformément aux dispositions de l'article L. 2212-2 (5°) du CGCT, le maire est chargé de prévenir et de faire cesser les pollutions de toute nature, les maladies épidémiques ou contagieuses, ou les épizooties en demandant, s'il y a lieu, « l'intervention de l'administration supérieure ». Confronté à une accumulation de déchets donnant lieu à un risque grave et avéré de trouble pour la salubrité publique, le maire doit informer le préfet de département de la situation. L'article L. 2215-1 (4°) du CGCT confère au préfet un pouvoir de réquisition en cas d'urgence visant à préserver « le bon ordre, la salubrité, la tranquillité et la sécurité publique ». Le préfet peut « réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrite toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées ». Cette réquisition peut être effectuée à l'échelle de l'ensemble des communes du département, de plusieurs d'entre elles, ou même d'une seule commune. Le pouvoir de réquisition attribué au préfet n'a vocation à être mis en oeuvre qu'« en cas d'urgence, lorsque le rétablissement de l'ordre public exige des mesures de réquisition ». (Conseil Constitutionnel, 13 mars 2003, 2003-467 DC, considérant 4). Avant d'avoir recours à une mesure de réquisition, le préfet doit s'assurer et justifier qu'il n'y a pas d'autre moyen adapté de satisfaire aux besoins essentiels de la population (CE, 9 décembre 2003, Mme Aguillon et autres, n° 262186). La mesure de réquisition doit être proportionnée à ce qui est nécessaire pour faire cesser le trouble à l'ordre public. Le droit de grève étant un droit constitutionnellement protégé, il ne peut lui être porté atteinte qu'afin d'assurer un service minimum et non de réquisitionner l'ensemble des personnels d'un service (CE, 9 décembre 2003, précité). Le maire peut également procéder à la réquisition de personnels placés sous son autorité, dans les limites nécessaires pour mettre fin à l'atteinte à l'ordre public causée par l'interruption du service de collecte des déchets. Le Conseil d'État rappelle en effet que la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure « les limitations qui doivent être apportées à ce droit, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre et de la sécurité publics ». Il appartient ainsi au « maire responsable, en ce qui concerne l'administration communale du bon fonctionnement des services placés sous son autorité, de prévoir lui-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limites » (CE, 9 juillet 1965, Pouzenc). L'ensemble des dispositions précitées et leur interprétation jurisprudentielle permettent ainsi de prendre les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public tout en limitant l'atteinte portée au droit de grève.

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