M. Michel Sordi attire l'attention de Mme la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur l'engagement français en matière d'aide publique au développement. Mi-octobre, les responsables protestants de plus de 120 pays en collaboration avec le réseau Michée regroupant plus de 300 organisations humanitaires se sont mobilisés pour rappeler aux élus l'importance de respecter les engagements français en matière d'aide publique au développement et de lutte contre l'extrême pauvreté. En effet, dès 1970, l'assemblée générale des Nations-unies avait fixé pour objectif de porter l'aide au développement de chaque pays à hauteur de 0,7 % de son produit intérieur brut (PIB). Dans le cadre des objectifs du millénaire mis en place en 2000 et visant notamment à réduire l'extrême pauvreté et la faim dans le monde de moitié d'ici 2015, les pays donateurs se sont à nouveau engagés à porter leur aide à 0,7 % de leur PIB. Dix ans plus tard, le constat est triste et inquiétant : en effet, en 2010, seuls quatre des 27 pays de l'Union européenne respectaient cet objectif : le Danemark, le Luxembourg, l'Italie et l'Autriche. Hormis ceux-ci, la Norvège est le seul pays au monde à atteindre le seuil, ce qu'elle fait déjà depuis plusieurs décennies. Il convient de noter également que malgré la crise économique et les restrictions budgétaires, plusieurs États européens ont fortement accru les budgets nationaux consacrés à cette question, notamment la France dont l'aide a progressé de 16,9 % en 2009 sans pour autant atteindre ou s'approcher des objectifs fixés. Au vu de ces éléments et dans le cadre de l'adoption du budget triennal pour la période 2011-2013, il souhaite connaître les perspectives financières de l'aide publique au développement pour la France et savoir s'il est envisagé de rendre ces engagements budgétaires contraignants à l'image d'autres pays comme la Grande-Bretagne ou la Belgique. Au-delà des questions purement financières, il souhaite également obtenir des précisions sur les axes prioritaires de la politique française dans ce domaine.
L'objectif de 0,7 % du RNB consacré à l'aide publique au développement (APD) constitue un engagement particulièrement exigeant dans le contexte budgétaire actuel. Cet objectif apparaît néanmoins nécessaire pour répondre aux défis et enjeux du développement qui se globalisent et se multiplient. L'effort de la France en matière d'APD est en croissance depuis le début des années 2000. Avec un volume de 9 Mdeuros en 2009, la France est le deuxième pays contributeur d'APD nette en volume. Ce montant représente, en 2009, 0,47 % du RNB, nous classant à la 10e place du CAD mais à la 2nde place du G8. Ce résultat est d'autant plus remarquable qu'il s'inscrit dans la durée, malgré un contexte global de contrainte budgétaire très forte. Les prévisions d'APD pour la période 2011-2013 font état d'une stabilisation en volume en 2011 (9,6 Mdeuros) représentant une stabilisation du ratio d'APD/RNB estimé à 0,47 %. Cet effort devrait même atteindre pour la première fois 10 Mdeuros, en 2012, correspondant, pour chaque ménage français, à un effort d'un euro par jour. Ceci a d'ailleurs été apprécié et souligné par le président du CAD de l'OCDE, lors de la revue à mi-parcours de la politique d'aide au développement de la France en septembre 2010. Il faut également souligner la contribution de l'Europe, à laquelle la France prend toute sa part, qui constitue un effort collectif plus que significatif, au dessus de sa capacité contributive puisque l'UE représente 35 % du PIB mondial mais finance 56 % de d'APD globale. Pour être efficaces, les politiques de développement des donateurs doivent s'inscrire dans la durée, et être protégées des aléas politiques et budgétaires. L'adoption d'une loi de programmation pour le financement de notre politique de coopération, qui inscrirait ce financement sur le moyen-long terme, serait un atout pour la mise en oeuvre de la stratégie de coopération au développement que vient d'adopter la France, et à laquelle vous, parlementaires, avez largement contribué. Toutefois, je rappelle que le budget est désormais approuvé sur une base triennale. Au-delà, si l'objectif de 0,7 % d'APD fait office de référentiel des évaluations de l'effort des pays développés en faveur du développement, il ne saurait constituer le seul critère objectif. Le développement nécessite en effet un effort d'accroissement de l'efficacité de l'aide et la promotion d'une approche globale, notamment en ce qui concerne son financement. Dans ce sens, la France propose de recourir à l'aide au développement en synergie avec d'autres sources de financement telles que les ressources nationales des pays en développement, les investissements directs étrangers, les flux privés, et les instruments de marché mis en oeuvre par l'AFD. Il s'agit notamment d'utiliser l'effet de levier de l'aide pour accroître les investissements privés et contribuer à une croissance durable. Le Président de la République s'est ainsi engagé, lors du discours du Cap en février 2008 à mobiliser 2,5 Mdeuros en faveur du développement des entreprises et de l'emploi en Afrique, sous forme de mécanismes financiers adaptés aux besoins de ces secteurs. Ces financements (prêts non souverains, prise de participation, mécanismes de garantie) ne sont pas comptabilisables en APD mais jouent un rôle puissant de financement du développement. Plus largement, la France joue un rôle central dans la promotion des financements innovants du développement, qui s'appuient sur des activités tirant profit de la mondialisation (transports, commerce, finance), et seuls à même de générer des ressources suffisantes et stables. Sur cette question, la France se positionne aujourd'hui, et de façon incontestable, dans une position pionnière. Le document cadre de coopération formalise la stratégie française en matière de coopération au développement. Il vise à faire de la coopération française au développement une politique lisible et efficace aussi bien pour les citoyens français, appelés à la financer par le budget voté par le Parlement, que pour nos partenaires internationaux. Ce document propose une vision à moyen terme (dix ans) des enjeux, priorités et modes d'intervention de la coopération française au développement. Il offre un cadre de cohérence et de référence aux autres documents de pilotage de la coopération française : stratégies européenne et multilatérales, stratégies sectorielles, documents de partenariat cosignés avec nos partenaires, documents de cadrage budgétaires triennaux et documents préparés annuellement pour le PLF. Le document cadre affine les priorités fixées par le CICID. Il traduit la volonté française de passer d'une politique d'aide à une politique de coopération. Il est structuré autours de quatre enjeux : lutte contre la pauvreté/OMD ; croissance durable et partagée ; préservation des biens publics mondiaux ; promotion de la stabilité et de l'État de droit. La lutte contre la pauvreté et les inégalités reste un enjeu fondamental. L'action de la France vise à aider le sixième de l'humanité qui vit encore dans l'extrême pauvreté à en sortir et éviter que ceux qui en sont récemment sortis n'y retombent. Elle se concentre prioritairement en Afrique, notamment par un soutien appuyé aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui ont contribué à mobiliser la communauté internationale en faveur d'un accès universel à un socle de services sociaux essentiels : alimentation, éducation, santé, eau potable, assainissement, habitat décent. Ces enjeux se déclinent en objectifs de façon distincte dans quatre partenariats différenciés en fonction des objectifs poursuivis, des moyens mobilisés et des instruments privilégiés. Pour plus d'efficacité, la France concentrera donc sa coopération dans deux régions prioritaires, l'Afrique subsaharienne et le bassin méditerranéen, complétée par des interventions dans les pays en crise et les pays émergents. Le document définit ainsi des cibles de répartition des ressources budgétaires par partenariat : Afrique : Afrique subsaharienne : au moins 60 % de l'effort budgétaire ; 14 pays pauvres prioritaires : au moins 50 % des subventions ; pays méditerranéens : 20 % de l'effort budgétaire ; pays en crise : 10 % des subventions ; pays émergents : moins de 10 % de l'effort budgétaire. Dans les autres pays et régions, la France privilégiera les canaux européens et multilatéraux.
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