Mme Colette Langlade attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la demande de l'Union syndicale de la magistrature d'étendre aux magistrats l'interdiction prévue à l'article R. 22 du code de la légion d'honneur et de la médaille militaire, qui interdit aux membres des assemblées parlementaires d'être nommés ou promus dans l'ordre national de la Légion d'honneur, sauf pour faits de guerre ou actions d'éclat assimilables à des faits de guerre. En effet, ce syndicat estime que l'indépendance de la magistrature s'accorde bien mal avec la distribution de décorations de la part du pouvoir exécutif. Dans son récent recueil des obligations déontologiques des magistrats, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) rappelle toute l'importance de l'indépendance de l'autorité judiciaire et réaffirme que les magistrats statuent et agissent en application de la loi, « libres de toute influence ou pression extérieure, sans avoir à craindre une sanction ou espérer un avantage personnel ». De plus, le CSM ajoute que les magistrats en activité ne doivent pas solliciter des distinctions honorifiques « afin d'éviter toute suspicion, dans l'esprit du public, sur la réalité de leur indépendance ». De fait, la promotion en novembre 2008 d'un magistrat du parquet au grade d'officier de l'ordre national du mérite a fait peser sur les enquêtes, conduites sous son autorité, de nombreux soupçons, d'autant plus que ces enquêtes mettaient directement en cause plusieurs membres de l'exécutif. Elle lui demande donc de lui indiquer quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin de garantir l'indépendance des magistrats.
Les textes régissant l'ordre de la Légion d'honneur ou l'ordre national du Mérite fixent, comme critères d'attribution des distinctions, d'une part, les « mérites rendus à la nation » (éminents pour la Légion d'honneur, distingués pour l'ordre du Mérite) et, d'autre part, la durée d'exercice de l'activité donnant lieu à distinction. La seule interdiction générale, commune aux deux ordres, s'applique aux membres des assemblées parlementaires qui ne peuvent être ni nommés ni promus, sauf pour faits de guerre ou actions d'éclat assimilables à des faits de guerre (art. R. 22 du code de la Légion d'honneur). Cette interdiction ne dure que pour la durée du mandat. L'article R. 23 du code de la Légion d'honneur prévoit également une restriction, commune aux deux ordres, pour les membres du corps du contrôle général économique et financier qui ne peuvent être décorés sur les contingents des ministères qu'ils contrôlent. D'autres incompatibilités découlent, non de textes, mais de la pratique. Elles concernent les membres des cabinets des ministres pendant l'exercice de leurs fonctions et pendant les six mois qui suivent. Il n'existe aucune incompatibilité spécifique pour les magistrats de l'ordre judiciaire. Le Conseil supérieur de la magistrature, dans le chapitre relatif à l'indépendance de son recueil des obligations déontologiques des magistrats, recommande que les magistrats en activité ne sollicitent pas pour eux-mêmes des distinctions honorifiques, afin d'éviter toute suspicion, dans l'esprit du public, sur la réalité de leur indépendance. Le conseil distingue donc bien la question de la demande de distinction, qui pourrait porter atteinte à l'apparence d'indépendance, de celle de son acceptation, qui n'est pas remise en question. L'extension aux magistrats judiciaires de l'interdiction touchant les membres des assemblées parlementaire ne peut être perçue que comme une mesure de défiance à l'égard des magistrats, qui seraient les seuls agents publics à être exclus, pendant toute leur carrière, du bénéfice d'une distinction alors même qu'ils oeuvrent quotidiennement pour le service public de la justice et peuvent, pour certains d'entre eux, se voir reconnaître dans ce contexte des mérites pour services rendus à la nation. Cette extension reviendrait à considérer que la seule perspective d'une distinction serait de nature à dévoyer les magistrats du respect de leurs obligations déontologiques. Cette défiance particulière à l'égard des magistrats n'est justifiée en rien, d'autant moins que leur statut assure leur indépendance et, avec les textes de procédure et d'organisation judiciaire, leur impartialité. De plus, la supposée question de l'indépendance se poserait alors pour l'ensemble des agents publics placés en situation de juger, à commencer par ceux qui jugent les actes des personnes publiques ou les agents eux-mêmes (membres des juridictions administratives et magistrats financiers), mais aussi les membres des autorités administratives indépendantes, ou encore les juges non professionnels que sont les conseillers prud'homaux, les juges consulaires ou les juges de proximité. Dans ces conditions, le Gouvernement n'entend pas prendre de mesure particulière en la matière.
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