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Jacques Bascou
Question N° 92626 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 2 novembre 2010

M. Jacques Bascou attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la protection des créanciers vis-à-vis des débiteurs privés créant des sociétés commerciales. Dans l'état actuel du droit, une personne physique condamnée par la justice à s'acquitter de dettes privées peut par ailleurs constituer et gérer une société commerciale sans avoir, au préalable, rempli ses obligations envers ses créanciers privés. La séparation juridique entre personnes physiques et personnes morales et entre les droits qui les régissent, de même que la liberté d'entreprendre, autorisent de telles situations qui peuvent être particulièrement choquantes. Le capital engagé dans la création de ces sociétés, mais aussi le train de vie de ses gérants, peut témoigner en effet d'une véritable organisation de l'insolvabilité de la personne physique. Il lui demande si un moyen de prévention ou de répression ne pouvait pas être mis à l'étude par le Gouvernement afin de mieux protéger les créanciers confrontés à de tels débiteurs.

Réponse émise le 15 mars 2011

La liberté d'entreprendre est un principe de valeur constitutionnelle découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 qui doit se concilier avec d'autres exigences constitutionnelles ou des motifs d'intérêt général antagonistes. Dans un considérant de principe, le Conseil constitutionnel a reconnu au législateur la possibilité d'apporter des limitations à la liberté d'entreprendre pourvu que celles-ci soient liées à « des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (DC n° 2000-439 du 16 janvier 2001, cons.13). La législation actuelle essaie, d'ores et déjà, de concilier initiative économique et prise en compte des risques que celle-ci est susceptible d'engendrer avec la protection du patrimoine personnel de l'acteur économique. Comme dans d'autres domaines, le législateur veille à éviter les fraudes qui pourraient venir détourner la finalité du recours à la forme sociale pour l'exercice de l'activité. Ainsi, dans l'hypothèse où un débiteur constituerait une société commerciale dans le but unique de ne pas avoir à rembourser les dettes qu'il a contractées antérieurement à l'égard de ses créanciers privés, ces derniers bénéficient déjà de plusieurs garanties. Ils ont à leur disposition des mécanismes issus du droit des sûretés, et notamment le droit de suite qui leur permet de suivre leur bien en quelque main qu'il se trouve. Ils disposent également des outils du droit commun des contrats : action paulienne grâce à laquelle ils peuvent faire révoquer les actes du débiteur qui leur portent préjudice (exemple demande d'annulation, pour défaut d'affectio societatis, des statuts d'une société commerciale constituée uniquement dans le but de diminuer leur droit de gage général) ou encore la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle de ce dernier. Par ailleurs, une section entière du code pénal (articles 314-7 et suivants) est spécifiquement consacrée à l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité. Ce délit est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 EUR d'amende. Ainsi, le droit actuel permettant de concilier liberté d'entreprendre des acteurs économiques et droits des créanciers, le Gouvernement n'entend donc pas procéder à une réforme sur ce point.

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