M. Jacques Remiller appelle l'attention de M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants sur les inégalités de traitement que pourrait entraîner l'application du décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du nord. Si ce décret témoigne d'une réelle avancée puisqu'il rétablit les prérogatives des anciens combattants d'Afrique du nord au même titre que ceux d'Indochine, de Madagascar, de Corée et de Suez, certaines de ses modalités suscitent de réelles interrogations. En effet, l'article 3 du décret stipule que, dans le cas des anciens combattants d'Afrique du nord, seules les pensions liquidées après le 19 octobre 1999 donneront droit au bénéfice de la campagne double. Cela signifie dans les faits que les anciens combattants qui ont pris leur retraite avant le 19 octobre 1999 en sont exclus. Il conçoit que l'exercice de responsabilités politiques impose parfois de faire des choix difficiles. Pourtant, cette date butoir du 19 octobre 1999 interpelle et heurte nombre d'anciens combattants d'Afrique du nord. Le seul fondement du moment du départ à la retraite comme condition d'attribution du bénéfice de la campagne double résonne comme une rupture d'égalité pour ces hommes qui ont consenti aux mêmes sacrifices et supporté les mêmes souffrances, quel que soit leur âge, d'autant que ces anciens fonctionnaires ont bénéficié de la possibilité légale de faire valoir leurs droits à la retraite à cinquante, cinquante-cinq ou soixante ans. Face à l'urgence de la situation et par souci d'équité, il lui demande de bien vouloir lui préciser ses intentions en la matière.
Les bénéfices de campagne constituent une bonification d'ancienneté prévue par le code des pensions civiles et militaires de retraite. Ce sont des avantages particuliers accordés aux militaires, et sous certaines conditions aux fonctionnaires civils. L'attribution de la campagne double signifie que chaque jour de service effectué par le militaire est compté pour trois jours dans le calcul de sa pension. La loi du 18 octobre 1999 a substitué à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc », qualifiant le conflit en Algérie de « guerre ». Elle a ainsi créé une situation juridique nouvelle. Il en a découlé que les personnes exposées à des situations de combat au cours de la guerre d'Algérie étaient susceptibles de bénéficier de la campagne double. Cela a été confirmé par le Conseil d'État dans sa décision du 17 mars 2010. Le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010, portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord, accorde ce droit aux militaires d'active et aux appelés du contingent pour toute journée durant laquelle ils ont pris part à une action de feu ou de combat ou ont subi le feu et s'applique aux fonctionnaires et assimilés dont les pensions de retraite ont été liquidées à compter du 19 octobre 1999, date d'entrée en vigueur de la loi. Ces pensions sont révisées à compter de la demande des intéressés, déposée postérieurement à la date d'entrée en vigueur du décret du 29 juillet 2010, auprès des services de l'administration qui a procédé à la liquidation de la pension de retraite. Elles n'ouvriront droit à aucun intérêt de retard. Cette mesure ne peut s'appliquer aux pensions liquidées antérieurement au 19 octobre 1999, puisque ce n'est qu'à compter de cette date qu'a été reconnu officiellement l'état de guerre en Algérie, qui seul permet l'attribution de la campagne double. Seule une disposition législative pourrait conférer une rétroactivité éventuelle au dispositif. Il convient en effet de rappeler que, conformément aux dispositions de l'article 2 du code civil qui proscrit la rétroactivité des lois en droit français, le décret du 29 juillet n'aurait dû entrer en vigueur que le 31 juillet 2010, soit un jour franc après sa parution au Journal officiel. À cette date, le nombre d'anciens combattants susceptibles de faire valoir leurs droits aurait été infime. En dépit des difficultés juridiques, le Gouvernement a décidé que le décret du 29 juillet 2010 serait applicable à compter du 19 octobre 1999, ce qui donne toute son effectivité à la loi du 18 octobre 1999. Cependant, il ne peut réglementairement aller plus loin.
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