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Michel Liebgott
Question N° 91578 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 26 octobre 2010

M. Michel Liebgott attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la protestation des avocats contre la réforme de la garde à vue. Les avocats se mobilisent pour dénoncer la réforme gouvernementale de la garde à vue et de l'aide juridictionnelle. Ils souhaitent que les droits fondamentaux des justiciables soient garantis. Les avocats rappellent leur attachement à la présence de l'avocat lors des mesures de garde à vue, prennent acte du dépôt par le Gouvernement, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, du projet de loi tendant à limiter et encadrer la garde à vue. Selon eux, ce texte ne correspond pas aux exigences de la décision du Conseil constitutionnel et aux principes affirmés par la Cour européennes des droits de l'Homme et il n'assure pas, conformément à ces dispositions, la présence de la défense lors de la garde à vue. Les avocats demandent la présence de l'avocat lors de la qualification de l'infraction par un magistrat indépendant, et refusent que la présence de l'avocat soit subordonnée à l'accord de l'autorité de poursuite. Il lui demande son avis sur le sujet.

Réponse émise le 11 janvier 2011

Le projet de loi relatif à la garde à vue, adopté le 13 octobre 2010 par le conseil des ministres, a été déposé à l'Assemblée nationale. Ce texte tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 qui, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré le régime des gardes à vue de droit commun contraire à la Constitution. Il a pour objectif de limiter le nombre des gardes à vue et d'améliorer les droits des personnes faisant l'objet de cette mesure, sous le contrôle renforcé du procureur de la République. Il comporte de nombreuses dispositions développant très fortement les droits de la défense et assurera la conformité de notre procédure pénale tant avec la Constitution qu'avec la Convention européenne des droits de l'homme. Tel que déposé au Parlement, ce projet de loi, qui conformément à ce qui a été décidé tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour de cassation devra entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2011, est bâti autour des principes suivants. Tout d'abord, les personnes suspectées au cours d'une enquête devront en principe être entendues en l'absence de contrainte, sans être placées en garde à vue. Le cadre juridique de cette audition est précisé. La personne entendue devra être informée de la nature et de la date présumée de l'infraction dont elle est soupçonnée et de sa possibilité de mettre fin à tout moment à l'audition. De plus, son consentement à l'audition devra expressément être recueilli. Ces dispositions constituent une avancée importante par rapport au droit existant : la personne entendue aujourd'hui librement ne bénéficie d'aucun des droits ou garanties prévus par le projet de loi. Elles sont en totale conformité avec les jurisprudences constitutionnelles et conventionnelles qui n'ont jamais exigé qu'une personne entendue librement au stade de l'enquête soit assistée d'un avocat. Ensuite, les modalités de la garde à vue sont entièrement revues. En premier lieu, les conditions de la garde à vue sont énumérées de façon précise et limitative. La garde à vue ne sera notamment possible que pour les crimes ou les délits punis d'une peine d'emprisonnement, et elle ne pourra être prolongée que pour les délits punis d'au moins un an d'emprisonnement. En deuxième lieu, la personne gardée à vue se verra notifier son droit de garder le silence. En troisième lieu, l'assistance de la personne gardée à vue par un avocat est élargie sur deux points essentiels. Désormais, l'avocat aura accès à certains des procès-verbaux de la procédure. Il pourra également assister à toutes les auditions de la personne, dès le début de la mesure. Le procureur de la République pourra toutefois différer l'exercice de ces deux nouveaux droits pendant une durée maximale de douze heures si des circonstances particulières tenant à la nécessité, en urgence, de rassembler ou conserver les preuves ou de prévenir une atteinte imminente aux personnes le justifient. Il s'agira donc en pratique d'hypothèses exceptionnelles, comme en cas d'arrestation d'une personne qui a enlevé et séquestré un enfant dans un lieu tenu secret et qu'il importe de découvrir au plus vite. Cette disposition est parfaitement conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, celui-ci ayant alors critiqué le fait que l'impossibilité pour une personne gardée à vue d'être assistée d'un avocat était « imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ». Enfin, le projet de loi garantit le respect de la dignité des personnes gardées à vue, notamment en interdisant de façon absolue les fouilles à corps intégrales pour des raisons de sécurité. La décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 n'ayant pas censuré les dispositions particulières concernant les gardes à vue en matière de délinquance et de criminalité organisée, et notamment de trafic de stupéfiants et de terrorisme, celles-ci ne sont pas modifiées par la version initiale du projet de loi. Elles ont toutefois fait l'objet d'amendements du Gouvernement lors de l'examen du texte par la commission des lois de l'Assemblée nationale, pour tenir compte des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 19 octobre 2010 jugeant que, pour les gardes à vue concernant ces infractions, l'accès à l'avocat doit également intervenir dès le début de la mesure, sauf décision d'un magistrat justifiée par les circonstances de l'affaire, conformément aux exigences résultant de la Convention européenne des droits de l'homme. Comme vous le savez, la commission des lois de l'Assemblée nationale a apporté au texte d'autres modifications. Le débat se poursuivra tout au long de la discussion parlementaire, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, le Gouvernement étant attaché à trouver le juste équilibre entre protection des libertés et nécessités de l'enquête. Par ailleurs, cette réforme législative sera accompagnée d'une augmentation extrêmement importante du budget de l'aide juridictionnelle. Afin d'assurer la rétribution des avocats commis d'office intervenant dans le cadre de la garde à vue, le Gouvernement a ainsi prévu d'y consacrer en année pleine 65 MEUR supplémentaires. Cette somme, arrêtée sur la base des nouveaux besoins d'assistance découlant du projet de loi transmis au Parlement, permettra de porter à 80 MEUR l'enveloppe annuelle consacrée à l'indemnisation des avocats commis d'office intervenant au cours de la garde à vue. Elle représentera un engagement budgétaire sans précédent de l'État permettant d'allouer aux barreaux une dotation cinq fois supérieure à la dotation actuelle qui s'élève à 15,44 MEUR.

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