M. Yves Nicolin attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie sur les compensations industrielles dans les programmes d'armement en Europe. La quasi-totalité des pays européens, y compris certains des pays de la LOI et d'autres contribuant à l'Agence européenne de défense, exigent la mise en place d'offsets dans le cadre des programmes d'achats d'armements à l'étranger. L'objectif de 100 % de compensation (offsets directs ou indirects) est recherché, et dans la plupart des cas obligatoires contractuellement. Le non-accomplissement des engagements d'offsets génère en règle générale des pénalités entre 5 % et 10 % des montants non atteints. Cette situation et l'absence de réciprocité pour les achats de la DGA à l'étranger impactent l'industrie française et faussent la concurrence. Les exigences en matière d'offset de nos voisins pénalisent les offres françaises par rapport à celles des industriels locaux. En effet, la mise en place de compensations industrielles génère des surcoûts (investissements, formation, courbe d'apprentissage, moindre efficience) qui doivent être provisionnés dans l'offre ou, au pire, une pénalité que tout industriel se doit aussi d'inclure dans son coût de revient prévisionnel. D'autre part, l'absence d'exigence d'offset par la France ne permet pas les « swaps », mécanisme qui autorise un industriel français vendant à l'étranger et un industriel étranger vendant en France d'échanger leurs obligations d'offsets réciproques. Les offres françaises sont donc pénalisées à l'export par rapport aux offres issues des pays exigeant des offsets, et dont les industriels peuvent bénéficier de cette pratique d'échanges. L'absence d'exigence d'offset par la France, accompagnée d'une mise en compétition internationale systématique, d'une part, et d'une réduction des crédits d'études amont et de préparation des programmes, d'autre part, conduit à une fragilisation progressive de notre industrie nationale au profit d'industriels étrangers. En effet, ce mécanisme « appauvrit » relativement la BITD française (moindres séries limitant l'effet de série économique et impact sur le maintien des compétences) tout en consolidant les industries concurrentes. Ainsi, le dispositif de compensation peut mettre le pied à l'étrier à un industriel national qui s'est fait distancer sur son marché et a donc perdu un appel d'offres en lui donnant accès aux meilleures pratiques, en l'occurrence celles de l'industriel ayant gagné la compétition. Compte tenu de la situation décrite ci-dessus, il apparaît utile de repenser la politique de compensation, notamment pour les acquisitions auprès des pays qui pratiquent l'exigence d'offset en mettant en avant le principe de réciprocité, notamment vis-à-vis des pays européens. Il apparaît utile également d'utiliser systématiquement et sans plus tarder, et avant même toute mise en place de nouvelles mesures, toute l'influence politique de la France pour que tout achat réalisé à l'étranger soit « crédité » formellement au bénéfice actuel ou futur des industriels français. Il apparaît utile enfin de veiller à ce que chaque investissement d'industriels étrangers en France soit accompagné de dispositions permettant le maintien des activités de R et D et du bureau d'études tant pour le plan de la conception que des méthodes. Il lui demande quelles suites il entend donner à ces propositions.
La pratique des compensations industrielles (offsets) en Europe, comme condition d'achat ou résultant d'un achat de biens ou de services militaires, n'a pas vocation à perdurer, tout du moins sous sa forme actuelle aboutissant, le plus souvent, à des offres complexes et à des distorsions de concurrence. En effet, la Commission européenne, qui souhaite progresser vers la création d'un marché européen des équipements de défense, considère que la suppression de ces distorsions est une condition nécessaire à la réalisation de ce projet. Elle cherche donc à limiter la pratique des offsets, jugée contraire aux principes fondamentaux du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Lorsqu'elle est en position d'acquéreur, la France, à l'inverse d'autres pays européens, a pour principe de ne pas solliciter de compensations. Favorable à un dépassement du système des compensations, elle a activement participé aux travaux de l'Agence européenne de défense qui ont conduit à l'élaboration, en 2008, d'un code de conduite européenne sur les offsets. Ce code, entré en vigueur le 1er juillet 2009, encourage la convergence des pratiques et politiques d'offsets et la réduction progressive du recours à ces compensations par les États membres de l'Union européenne. Néanmoins, même si la France ne demande pas d'offsets, elle est consciente des enjeux qu'ils représentent pour son industrie. C'est pourquoi elle a instauré, dès 2003, un comité de coordination des contreparties économiques visant à accroître l'efficacité de ses acteurs industriels et à améliorer leur connaissance des mécanismes de compensation. Au sein de ce comité, constitué d'industriels du secteur de la défense et de représentants étatiques, un groupe de travail sur la répartition des flux d'achats du ministère chargé de la défense a été créé. Il a pour mandat de proposer un dispositif permettant de valoriser les achats du ministère chargé de la défense en tant que crédits d'offsets au profit des industriels du conseil des industries de défense (CIDEF) ayant des obligations d'offsets contractuelles vis-à-vis des États acheteurs. Ce projet, inscrit en commission interministérielle d'appui aux contrats internationaux, devrait aboutir à la signature prochaine, par les industriels du CIDEF, d'une charte visant à définir les modalités d'utilisation des flux d'achats du ministère chargé de la défense. Dans la mesure où cette initiative a notamment pour conséquence une réduction physique du volume d'offsets exigé par l'acheteur, elle présente un double intérêt pour le secteur industriel : d'une part, elle est de nature à améliorer la compétitivité des industriels français dans leurs réponses aux appels d'offres assortis d'une obligation d'offsets ; d'autre part, elle contribue au soutien du tissu industriel français, en atténuant, en partie, les effets des offsets qui obligent les maîtres d'oeuvre industriels à choisir des sous-traitants et équipementiers locaux étrangers au détriment des entreprises françaises.
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