Mme Danielle Bousquet attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la question prioritaire de constitutionnalité, instaurée par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. En effet, cette disposition permet désormais à toute personne, qui est partie à un procès ou une instance, de soutenir qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Mais il se trouve que plusieurs membres du Conseil constitutionnel pourraient être conduits à examiner, dans le cadre de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, des dispositions législatives sur lesquelles ils se sont déjà prononcés dans leurs anciennes fonctions, en ayant participé à la rédaction, à l'adoption ou à l'application de ces dispositions. De fait, dans son actuelle composition, deux anciens sénateurs, deux anciens députés et un ancien directeur du cabinet du Premier ministre sont membres du Conseil constitutionnel. En pouvant se prononcer sur des lois votées lorsqu'ils avaient de hautes responsabilités politiques, les membres du Conseil constitutionnel pourraient sembler être à la fois juges et parties. Jusqu'alors, aucun membre du Conseil constitutionnel n'avait eu à se prononcer sur un texte qu'il avait lui-même voté, car le Conseil ne se prononçait que sur les lois nouvelles. Mais cette pratique pourrait paraître contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) sur l'impartialité des juges. Dans un arrêt rendu le 8 février 2000, la CEDH indiquait que « toute participation directe à l'adoption de textes législatifs ou réglementaires peut suffire à jeter le doute sur l'impartialité judiciaire d'une personne amenée ultérieurement à trancher un différend sur le point de savoir s'il existe des motifs justifiant que l'on s'écarte du libellé des textes législatifs ou réglementaires en question ». Elle lui demande donc de lui indiquer quelles garanties pourraient être apportées à la CEDH pour conforter le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs dont le Président de la République lui-même reconnaît, dans son discours prononcé le 1er mars 2010 au siège du Conseil constitutionnel, qu'il est « indispensable à toute démocratie ».
Il est constant que l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme s'applique au contrôle de constitutionnalité a posteriori. Ainsi cette application, et en particulier le respect du principe d'impartialité, est garantie par le règlement intérieur du Conseil constitutionnel, adopté le 4 février 2010 et fixant la procédure suivie devant lui pour les questions prioritaires de constitutionnalité. L'article 4 du règlement prévoit ainsi la possibilité, pour chacun des membres du Conseil constitutionnel l'estimant nécessaire, de s'abstenir de siéger. Il instaure par ailleurs une procédure permettant à toute partie de demander la récusation d'un membre du Conseil constitutionnel. Cette demande de récusation, qui doit être motivée et accompagnée des pièces propres à la justifier, doit être présentée en premier lieu au membre du Conseil qui en fait l'objet, qui peut la refuser ou l'accepter. En cas de refus, il revient au Conseil constitutionnel, hors la participation du membre dont la récusation est demandée, de se prononcer. S'il est précisé que « le seul fait qu'un membre du Conseil constitutionnel a participé à l'élaboration de la disposition législative faisant l'objet de la question de constitutionnalité ne constitue pas en lui-même une cause de récusation », la récusation est possible si les actes accomplis à cette occasion impliquent que leur auteur a porté une appréciation sur la constitutionnalité de cette norme. Le requérant a donc la possibilité de demander la récusation de tout membre du Conseil constitutionnel dont l'impartialité sur l'examen de la constitutionnalité de la loi examinée peut être mise en doute. Cette disposition est conforme aux exigences posées par la Cour européenne des droits de l'homme selon laquelle un « requérant ne saurait prétendre avoir eu des motifs légitimes de douter de l'impartialité du tribunal qui l'a jugé alors qu'il pouvait en récuser la composition mais s'en est abstenu » (CEDH, 22 février 1996, Bulut c. Autriche).
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