M. André Gerin attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les avantages fiscaux dont va bénéficier la Société générale suite à ses pertes financières consécutives à l'affaire liée à un de ses courtiers. Seule la responsabilité du trader a été retenue par le tribunal. Celui-ci a été condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis et à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts. Il sera évidemment dans l'impossibilité d'acquitter une telle somme et la banque, soudainement magnanime à l'égard de son ancien employé, a décidé de ne pas la lui réclamer. Cette indulgence n'a pourtant rien de philanthropique. La fiscalité des sociétés va, en effet, permettre à la Société générale d'invoquer des « pertes exceptionnelles » afin de bénéficier d'une réduction d'impôt. Pour l'exercice 2007, la banque a enregistré un gain de 1,471 milliard d'euros grâce à ce courtier et a dû s'acquitter d'un impôt de 507 millions d'euros. Pour l'exercice 2008, la Société générale » a enregistré une perte de 6,382 milliards d'euros. Le solde sur les deux années est donc de 4,9 milliards d'euros. Au titre des « pertes exceptionnelles », la déduction fiscale se monte à 2,157 milliards d'euros. Si nous retranchons de ce montant l'impôt payé en 2007, nous obtenons 1,69 milliard d'euros d'économie d'impôt. Ainsi les contribuables vont-ils payer pour les pertes de la Société générale, dont nous avons du mal à admettre qu'elles ne seraient l'oeuvre que d'un seul homme ; elles sont, en réalité, les produits d'un système qui consiste à pousser sans cesse plus loin la logique spéculative contre l'économie réelle. Faut-il rappeler que la Société générale a été la banque française la plus impliquée dans le fiasco financier des subprimes américains ? Le montant de ses pertes s'est élevé à 2,6 milliards d'euros et elle a dû renforcer ses fonds propres avec l'aide de l'État. Il souhaite savoir ce qu'elle compte entreprendre face à cette situation pour le moins choquante quand, dans le même temps, il est demandé aux Français de consentir à des sacrifices.
La déductibilité ou non d'une perte exceptionnelle supportée par une entreprise, que ce soit une petite et moyenne entreprise (PME) ou une multinationale, à la suite des agissements de l'un de ses salariés, ne procède nullement d'un avantage fiscal particulier qui serait accordé à cette entreprise. La déduction des pertes résulte du droit commun, éclairé au cas particulier par une jurisprudence du Conseil d'État (CE, 5 octobre 2007, Alcatel CIT) qui conduit à ne rejeter la déduction des pertes occasionnées par les détournements d'un salarié qu'en cas de comportement délibéré des dirigeants ou de carence manifeste dans l'organisation de la société ou dans la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle. En ce qui concerne l'action du Gouvernement, le soutien accordé aux établissements bancaires pour surmonter la crise l'a été en contrepartie d'engagements de leur part, notamment en ce qui concerne le financement des entreprises et des particuliers. Par ailleurs, depuis le début de la crise financière, le Gouvernement s'efforce de mettre en place des garde-fous de nature à renforcer la régulation des banques et le contrôle des risques. Un arrêté, entré en vigueur depuis le 31 décembre 2010, prévoit ainsi, d'une part, le renforcement des exigences auxquelles sont soumises les banques et les entreprises d'investissement en matière de titrisation et, d'autre part, d'instaurer des règles plus strictes pour éviter qu'une banque ou une entreprise d'investissement ne soit trop exposée sur une seule et même contrepartie. Sous l'impulsion de la France, le G 20 de Pittsburgh a également décidé de renforcer la régulation du système financier et les mesures nationales nécessaires à la traduction de ces engagements internationaux ont été soumises au plus vite par le Gouvernement au vote du Parlement : c'est l'objet de la loi de régulation bancaire et financière qui a été adoptée le 22 octobre dernier. Enfin, contrairement à ce que semble indiquer l'auteur de la question, le Gouvernement est attaché à ce que chacun puisse contribuer à l'effort national pour sortir durablement de la crise financière. Ainsi, au-delà de l'effort de maîtrise des dépenses publiques requis de l'ensemble de la collectivité, le Gouvernement a fait voter au Parlement, dans le cadre de la loi de finances pour 2011, la création d'une taxe à la charge des seules banques en vue de prévenir le risque systémique : cette taxe aura pour double objectif d'alourdir l'impact financier des activités risquées des grandes banques et de compenser le coût, pour les contribuables, de la résolution des crises bancaires. L'ensemble de ces mesures sont de nature à répondre aux préoccupations exprimées.
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