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Patrick Beaudouin
Question N° 89959 au Ministère de la Culture


Question soumise le 5 octobre 2010

M. Patrick Beaudouin interroge M. le ministre de la culture et de la communication sur le transfert des monuments historiques aux collectivités territoriales. L'article 97 de loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a permis que « l'État ou le Centre des monuments nationaux transfère aux collectivités territoriales qui en font la demande ou à leurs groupements [...] la propriété des immeubles classés ou inscrits [...] figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'État ». Sur les 176 monuments figurant sur cette liste, 65 ont fait l'objet d'une demande de transfert. Il souhaiterait savoir si un bilan de ces transferts peut d'ores et déjà être dressé, en termes de conservation et de mise en valeur de ces immeubles. Par ailleurs, suite à la censure, par le Conseil constitutionnel, de l'article 116 de la loi de finances pour 2010, il lui demande si le Gouvernement entend toujours relancer et élargir le transfert des monuments historiques aux collectivités territoriales.

Réponse émise le 22 mars 2011

L'article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a ouvert aux collectivités territoriales la possibilité de demander le transfert de propriété de monuments et de sites archéologiques protégés au titre des monuments historiques appartenant à l'État, en vue d'assurer leur conservation et d'en assurer la valorisation culturelle. Sur la base du rapport remis en novembre 2003 au ministre de la culture et de la communication par une commission d'élus et d'experts du patrimoine, une liste de 176 monuments et sites transférables a été publiée, par décret du 20 juillet 2005. Au 23 juillet 2006, les préfets de région avaient reçu 73 candidatures concernant 70 monuments et sites (2 monuments ayant fait l'objet de candidatures multiples). Ce résultat témoigne d'un véritable intérêt des collectivités locales pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine monumental ; il concerne des monuments aussi divers que les châteaux du Haut-Koenigsbourg et de Chaumont-sur-Loire, les abbayes de Jumièges et de Silvacane, les vestiges du temple de Mercure au sommet du puy de Dôme, le dolmen de la Pierre-Levée à Poitiers ou la chapelle Saint-Jean-du-Liget à Sennevières. Le transfert de 65 monuments sur 176 a finalement été engagé après avis du Comité technique paritaire ministériel (CTPM) ; 59 conventions sont à ce jour effectivement signées, 6 transferts restant encore en instance de signature ; 11 monuments transférés figurent sur la liste des immeubles gérés par le Centre des monuments nationaux (château du Haut-Koenigsbourg, dolmen de Peyrelevade, château de Châteauneuf, site des Fontaines salées, château de Chaumont, Maison du maréchal Foch à Tarbes, site de la Graufesenque, chapelle des Carmélites à Toulouse, abbaye de Jumièges, abbaye de Silvacane, château du roi René à Tarascon). Sur les 65 monuments, 43 transferts sont effectués au bénéfice de communes, 16 transferts au bénéfice de départements, et 6 au bénéfice de régions. Les conventions indiquent les conditions dans lesquelles l'État apporte un soutien aux travaux de restauration menés sur les édifices transférés pendant les cinq années suivant le transfert ; 25 conventions comportent en annexe, comme le permettent les dispositions de l'article 97 de la loi du 13 août 2004, un programme de travaux spécifiques pour la restauration des monuments avec une aide de l'État à taux préférentiel de près de 50 %, pour un montant total de travaux de 49,37 MEUR à réaliser sur cinq ans (dont 5,7 MEUR au titre de cinq conventions encore en instance de signature). La direction générale des patrimoines a procédé à une première évaluation qualitative des transferts intervenus avant le 1er janvier 2009 (52 monuments), avec le concours de l'inspection des patrimoines. Il y a lieu de noter que la grande hétérogénéité des monuments transférés (il s'est agi aussi bien d'éléments majeurs du patrimoine national tels que le château du Haut-Koenigsbourg ou le château de Chaumont que de petits sites archéologiques ou de dolmens) et des collectivités bénéficiaires (régions, départements, communes de tailles diverses) rend particulièrement difficile une appréciation synthétique. S'agissant du processus de transfert, on peut remarquer l'effet moteur joué par tel ou tel élu volontariste - maire, président de conseil régional ou président de conseil général dans le lancement de la candidature de leur collectivité à un transfert (cas du château du Haut-Koenigsbourg du cloître de Notre-Dame-en-Vaux à Châlons-en-Champagne, du château de Châteauneuf en Bourgogne). À l'inverse, cette personnalisation a pu conduire à un désengagement en cas d'alternance politique, comme le désistement de la commune des Andelys pour le transfert du donjon de Château-Gaillard, en cours de procédure, à la suite du changement de majorité municipale résultant des élections de 2008. Le ministère de la culture et de la communication ne peut que constater que de nombreux monuments figurant sur la liste des monuments transférables, dont l'ouverture au public est le cas échéant parfois déjà assurée par celles-ci, tels que les halles de Nolay, la tour Solidor à Saint-Malo, la tour de Montlhéry, ou la tour César à Beaugency, n'ont pas trouvé de collectivités intéressées par ce transfert. Pour un certain nombre de monuments, notamment des sites archéologiques, le transfert a permis d'unifier des situations domaniales éclatées entre plusieurs propriétaires publics ou d'aligner le régime de propriété et le mode de gestion, ce qui constituait un des objectifs du processus de transfert. On peut citer les exemples du site archéologique de Bavay, de la tour de Watten, du site de la Graufesenque à Millau, des vestiges du cloître de Notre-Dame-en-Vaux à Châlons-en-Champagne, du site des Fontaines salées à Saint-Père, du théâtre gallo-romain d'Alba-la-Romaine, de l'ancien prieuré (deux salles) à Carennac ou de l'hôtel Renan-Schiffer à Paris. Dans quelques cas en revanche, les transferts effectués n'ont pas permis d'aboutir à une unité foncière des sites (cas des transferts à la région Languedoc-Roussillon des sites archéologiques de Lattes et de Javols). La mise en oeuvre des projets culturels annexés aux conventions de transfert est encore très inégalement avancée. Il faut saluer le dynamisme de l'action de valorisation culturelle menée par des collectivités telles que le département du Bas-Rhin, la région Centre, la ville de Châlons-en-Champagne dans les monuments qui leur ont été transférés. Cette action s'est traduite par des hausses parfois très significatives de fréquentation (+ 4,9 % au château du Haut-Koenigsbourg entre 2006 et 2007, + 37 % au château de Chaumont entre 2007 et 2008, + 88 % au musée du cloître de Notre-Dame-en-Vaux à Châlons-en-Champagne, + 34 % au château de Tarascon entre 2007 et 2008). À un échelon plus modeste, on peut signaler le doublement de la fréquentation de la Maison du maréchal Foch à Tarbes. La réalisation des programmes quinquennaux de travaux est également très inégale à ce stade. Pour certains transferts de monuments majeurs, tels que le château du Haut-Koenigsbourg ou l'abbaye de Jumièges, des travaux importants ont d'ores et déjà été mis en oeuvre par les collectivités. Au château du Haut-Koenigsbourg, un schéma directeur a été réalisé par l'architecte en chef des monuments historiques, la restauration de la « Maison alsacienne » a débuté en avril dernier, et le projet architectural et technique (PAT) des travaux de remise aux normes des installations de sécurité est prêt, en vue d'un prochain démarrage de ces travaux. À Jumièges, les travaux de restauration des ruines de l'église abbatiale et de l'église Saint-Pierre doivent s'achever cette année, la restauration du mur d'enceinte est en cours, par tranches annuelles. Au château de Chaumont, si la région Centre a repris les opérations en cours au moment du transfert (planchers), un certain retard est constaté dans le lancement de nouvelles opérations de restauration, la région ayant par ailleurs engagé un vaste programme d'aménagement de la partie du domaine utilisée pour le Festival des jardins. Le département du Nord a entrepris la première phase du programme de travaux prévus pour le site archéologique de Bavay, portant sur des travaux de consolidation et de conservation. Des résultats très positifs sont attendus pour ce site de l'action du département du Nord, qui est sur le point d'entreprendre une opération de dégagement d'un angle du site par l'acquisition et la démolition de trois immeubles. En ce qui concerne le temple de Mercure situé au sommet du puy de Dôme, un programme quinquennal important de restauration et de mise en valeur du monument en vue de sa meilleure compréhension par le public a été annexé en décembre 2009 par avenant à la convention de transfert signée en 2007. Pour d'autres sites, les programmes quinquennaux de travaux n'ont pas encore été engagés, dans l'attente de la production des études nécessaires à la définition d'un programme d'opération (site de la Graufesenque à Millau, fort Saint-Alban à Nice, sites archéologiques de Lattes et de Javols). En conclusion, on peut constater les effets les plus positifs des transferts de monuments lorsqu'il y a conjonction d'une volonté politique affirmée des collectivités bénéficiaires, d'une forte image patrimoniale du lieu transféré et d'un programme de travaux établi au moment du transfert sur la base d'études disponibles. Il paraît toutefois prématuré de tirer des conclusions générales deux ou trois ans seulement après la date des premiers transferts, leurs effets ne pouvant être appréciés tant du point de vue de la conservation des monuments que de leur animation culturelle qu'à moyen et long termes. S'agissant de la relance du processus de transfert, une proposition de la loi a été déposée le 27 octobre dernier au Sénat par Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre, à la suite du rapport du groupe de travail de la commission des affaires culturelles du Sénat, présidée par Mme Férat sur le sujet. Cette proposition, conformément aux conclusions du rapport précité, entoure la reprise du processus de transfert, élargi à l'ensemble des monuments historiques propriété de l'État, d'un certain nombre de garanties, telles que l'intervention d'un Haut-Conseil du patrimoine chargé d'apprécier le caractère transférable des monuments historiques propriété de l'État, de se prononcer sur l'opportunité des transferts à titre gratuit envisagés, d'identifier les monuments à vocation culturelle et de se prononcer sur d'éventuels déclassements du domaine public en cas de projets de revente de monuments transférés à titre gratuit. Selon cette proposition, le ministre de la culture et de la communication est chargé, après avis du ministre chargé du Domaine, de désigner la collectivité bénéficiaire du transfert en fonction des projets présentés, mais garde la possibilité de ne désigner aucun bénéficiaire, au vu de l'importance du monument, de l'insuffisance du projet ou de l'intérêt des finances publiques. Cette proposition introduit également dans le code du patrimoine le principe de péréquation au sein du réseau des monuments nationaux, qui est au coeur du fonctionnement du Centre des monuments nationaux. Le ministère de la culture et de la communication a soutenu cette proposition, qui a été adoptée par le Sénat le 27 janvier dernier et qui fera l'objet ultérieurement d'un débat à l'Assemblée nationale.

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