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Gisèle Biémouret
Question N° 89814 au Ministère de l'Immigration


Question soumise le 5 octobre 2010

Mme Gisèle Biémouret attire l'attention de M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire concernant les conséquences qui pourraient découler de l'adoption de la loi relative à l'immigration, l'intégration et la nationalité, dont l'examen débutera le 28 septembre prochain à l'Assemblée nationale. En effet, ce projet de loi ne traite le phénomène migratoire que par le prisme de la stigmatisation. Ce projet de loi a pris une tournure plus marquée suite au « discours de Grenoble » prononcé par le Président de la République le 30 juillet dernier lors duquel furent annoncés l'élargissement des cas de déchéance de nationalité française et la suppression de l'acquisition automatique de la nationalité française pour des jeunes « d'origine étrangère », qui auraient été délinquants avant leur majorité. Nombreux craignent un durcissement du texte proposé par l'adoption d'amendements parlementaires visant à étendre encore plus le champ de la déchéance et de la non acquisition de nationalité. Outre le fait qu'ils n'ont que peu de liens et seront sans impact sur la question sécuritaire que le Gouvernement prétend ainsi résoudre, ces amendements annoncés portent gravement atteinte au principe d'égalité, pilier essentiel de notre République. Également, la stigmatisation actuelle visant des ressortissants communautaires - roumains et bulgares (en raison de leur origine ethnique) - trouve sa concrétisation dans ce projet de loi. Trois amendements gouvernementaux, dont l'objectif est de faciliter l'éloignement forcé de ces populations, ont été déposés : ils visent à sanctionner « l'abus de droit au court séjour », « la charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale » et « la menace à l'ordre public à l'occasion d'actes répétés de vols ou de mendicité ». Or limiter le droit à la liberté de circulation et organiser l'expulsion collective de ressortissants communautaires, c'est porter gravement atteinte aux idéaux portés par les pères de la construction européenne, au premier rang duquel la création d'un espace de liberté, de justice et de sécurité au sein duquel chaque minorité bénéficie des mêmes droits. De même, les différentes mesures relatives à la condition des étrangers - en situation régulière ou non - sont préoccupantes au plus haut point. En effet, l'édiction d'une peine de bannissement valable dans tous les pays de l'Union européenne condamnera les étrangers, ayant établi leur vie ici ou venant y chercher protection, à y vivre dans la clandestinité et la précarité ou à reprendre les chemins de l'exil. De plus, la réforme de la zone d'attente permettra à l'administration de créer des zones de non-droit itinérantes et temporaires en tout point du territoire, rendant ainsi impossible la protection des réfugiés en quête d'asile. En outre, ce projet de loi acte une diminution drastique des droits et garanties dévolus au justiciable étranger, déclaré « illégal » : en complexifiant à souhait les procédures d'éloignement forcé, ce qui rendrait improbable l'usage du droit de recours, en allongeant la durée de rétention à 45 jours, en entravant le contrôle du juge des libertés et de la détention, en rendant inopérantes les garanties de procédures, garantes de la liberté individuelle. Ce projet de loi ne répond en rien aux problématiques induites par l'appréciation des flux migratoires dans un monde globalisé. En revanche, il témoigne d'un repli sécuritaire illusoire et sclérosé aux conséquences dramatiques, là où il est plus que temps de faire preuve de réalisme, de courage et de pragmatisme en proposant des solutions justes et concertées avec les pays d'accueil et de départ, au service des migrants et des réfugiés. C'est pourquoi, face à la gravité des conséquences que pourrait avoir un tel projet de loi, elle lui demande de bien vouloir retirer ce projet de loi au nom de la préservation de l'idéal républicain de liberté, d'égalité et de fraternité.

Réponse émise le 15 mai 2012

La loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité du 16 juin 2011 transpose en droit français trois directives européennes dont la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « retour ». Elle s'inspire également de préconisations formulées par la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration présidée par M. Pierre Mazeaud. Au terme de la discussion parlementaire, la loi ne comporte aucune disposition relative à la déchéance de la nationalité française. Pour répondre à une demande de la Commission européenne, la loi parachève la transposition de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union européenne et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres. Elle prévoit également une messure d'éloignement spécifique aux ressortissants de l'Union européenne, distincte de celle applicable aux ressortissants d'Etats tiers à l'Union européenne, en cas d'absence de respect des conditions prévues par ladite directive, notamment l'existence de charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale, pour pouvoir circuler et séjourner librement pendant trois mois dans un autre Etat membre ainsi qu'en cas d'abus du droit à la libre circulation. Tant la condition de charge déraisonnable que celle d'abus de droit sont directement reprises de la directive 2004/38/CE. Quant aux mesures prises pour des motifs d'ordre public, elles sont également prévues par cette directive, qui laisse le soin aux Etats membres de définir ce qu'ils considèrent comme suffisamment grave pour leur propre société. La directive « retour » susmentionnée, impose quant à elle de créer en droit français une interdiction de retour qui constitue une mesure de police complémentaire de l'obligation de quitter le territoire français et non une sanction pénale. L'autorité administrative peut, aux termes de la loi, assortir une décision d'éloignement d'une interdiction de retour valable sur l'ensemble du territoire européen, qui permet soit de reconduire l'étranger hors de l'espace européen, soit de lui refuser la délivrance d'un visa. Sa durée est variable, entre 2 et 3 ans, éventuellement prolongeable de 2 années supplémentaires, en fonction de l'examen au cas par cas. L'application de cette mesure n'est en effet ni automatique ni uniforme : la loi pose le principe selon lequel il est tenu compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. L'interdiction de retour est, de plus, sauf circonstances particulières tenant à la situation de l'étranger, abrogée si l'étranger respecte le délai qui lui est accordé pour quitter volontairement le territoire. De même, la loi a créé un dispositif adapté à l'arrivée de groupes d'étrangers en situation irrégulière à la frontière en dehors des points de passage frontaliers. Le préfet peut créer une zone d'attente temporaire qui relie les lieux de découverte d'un groupe de migrants au point de passage frontalier, où sont normalement effectués les contrôles des personnes. Le régime juridique applicable à la zone d'attente temporaire est identique à celui de la zone d'attente permanente mise en place par la loi du 6 juillet 1992. En particulier, comme pour tout étranger placé en zone d'attente, il est possible d'y déposer une demande d'admission sur le territoire français en qualité de demandeur d'asile, qui est instruite selon le droit commun et peut le cas échéant donner lieu à un recours suspensif devant le juge administratif en cas de refus d'admission. Par ailleurs, le juge des libertés et de la détention assure le contrôle des conditions de maintien en zone d'attente. La loi procède également à une réorganisation du contentieux de l'éloignement des étrangers, selon les préconisations du rapport Mazeaud précité. Elle organise de façon plus cohérente l'intervention des juges administratif et judiciaire compétents en matière d'éloignement. Ainsi, en cas de placement en rétention d'un étranger en situation irrégulière, le juge administratif statue d'abord sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière et sur celle de la décision de placement en rétention administrative. La saisine du juge des libertés et de la détention n'intervient qu'au bout de cinq jours afin qu'il se prononce sur la régularité de la procédure et du maintien en rétention. Ce nouveau dispositif ordonne de manière rationnelle, dans l'intérêt d'une bonne justice et du respect des principes constitutionnels, l'intervention du juge administratif puis du juge judiciaire. Le Conseil constitutionnel a validé cette réorganisation du contentieux de l'éloignement des étrangers, qui instaure un système de « purge des nullités » ainsi que la règle « pas de nullité sans grief », conformément aux principes jurisprudentiels dégagés par la cour de cassation. Enfin, la durée de la rétention administrative passe, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, de 32 à 45 jours afin de permettre l'obtention des laissez-passer consulaires. Elle reste la durée la plus courte d'Europe et en tout état de cause très inférieure à la durée maximale fixée par la directive « retour » qui prévoit un délai de 6 mois avec la possibilité d'ajouter 12 mois supplémentaires en cas de manque de coopération de l'étranger concerné ou de retards subis pour obtenir du pays d'origine les documents nécessaires.

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