M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le bilan de « l'assouplissement » de la carte scolaire. L'absence de statistiques officielles du ministère de l'éducation nationale sur les effets de la mise en place de la politique d'assouplissement de la carte scolaire, engagée en 2007, ne peut masquer les impacts sur les effectifs de nombreux établissements. Ainsi, dans un rapport de la Cour des comptes de novembre 2009 intitulé « L'articulation entre les dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation nationale dans les quartiers sensibles », on apprend que cet assouplissement a conduit des collèges dits « difficiles » à perdre jusqu'à 10 % de leurs élèves, partis dans des établissements plus réputés, renforçant ainsi le phénomène de ghettoïsation. Par ailleurs d'autres établissements ont connu des progressions allant jusqu'à 23 %. Comme cela était attendu, les zones d'éducation prioritaire sont les premières victimes de cette mise en concurrence, et depuis 2007, 40 % des collèges et lycées de ces zones ont connu une baisse d'effectifs. 10 % des établissements ont même perdu jusqu'à un quart de leurs effectifs. Ainsi, les inégalités scolaires, culturelles et économiques des élèves ne cessent de croître autour d'un clivage de plus en plus marqué entre les « bons » établissements qui attirent, et les autres collèges ou lycées, qui concentrent les difficultés. Cette ouverture de la carte scolaire, vantée comme une mesure de justice sociale, et qui allait permettre aux classes défavorisées de choisir leur établissement, est en réalité un pied de nez à toute recherche d'égalité et de réussite au sein d'un système scolaire qui reproduit toujours plus les inégalités. En conséquence, il lui demande s'il compte rendre public des données sérieuses et objectives dressant le bilan de cet assouplissement. Sur la base des résultats connus, il lui demande s'il compte prendre des mesures efficaces visant à revoir en profondeur les règles de carte scolaire applicables dans notre pays. Enfin, il souhaiterait connaître ses intentions pour agir contre les effets de reproduction sociale induites par un système scolaire de plus en plus inégalitaire.
Les mesures d'assouplissement de la carte scolaire, mises en oeuvre depuis 2007, ont pour objectif de permettre aux familles de choisir librement l'école de leurs enfants tout en favorisant la mixité sociale dans les établissements scolaires. Afin de concilier ces deux objectifs, le ministère a donné des motifs prioritaires à faire valoir par les familles dans leurs demandes de dérogation. Le critère social, élève boursier, arrive en second après celui du handicap. Ainsi, à l'entrée en sixième, qui est le niveau le plus concerné, 80,23 % des demandes des élèves boursiers ont été satisfaites en 2010 contre 68,95 % pour l'ensemble des demandes. L'État a mis un terme à un système injuste. Les nouvelles modalités d'affectation garantissent à toutes les familles le droit d'effectuer une demande de dérogation. Dans l'hypothèse où le nombre des demandes dépasse les capacités d'accueil d'un établissement, priorité est donnée aux populations les plus défavorisées. La circulaire relative à la préparation de la rentrée scolaire 2010 invitait à renforcer l'information auprès des familles des milieux modestes et la priorité qui leur est donnée dans la satisfaction des demandes de dérogation. Du point de vue des établissements, les effets de ces mesures sont variables. Il y a effectivement une centaine de collèges fortement évités depuis 2007 sur l'ensemble du territoire, qui en compte près de 5 250. Chacune de ces situations est particulière : l'évitement tient tantôt à des réputations injustifiées, tantôt à des difficultés conjoncturelles ou parfois plus profondément ancrées. Il a été demandé aux académies d'accompagner spécifiquement chacun de ces établissements pour l'aider à retrouver la confiance des familles. Les moyens ont été maintenus, malgré les baisses d'effectifs, afin de permettre de développer un projet ambitieux en faveur de la réussite des élèves. Il reste toutefois quelques établissements pour lesquels la situation est trop profondément détériorée pour permettre un rétablissement. Pour ces quelques cas, l'éducation nationale travaille avec les collectivités locales et l'ensemble des partenaires afin de trouver les meilleures solutions pour la scolarisation des élèves. Des modifications de sectorisation et la fermeture et/ou la reconstruction de certains établissements sont des actions qui existaient déjà avant l'assouplissement de la carte scolaire et qui se sont avérées bénéfiques. Afin de soutenir les conseils généraux qui envisagent ce type d'opérations, l'État a lancé en mai 2009 un appel à projet pour la fermeture de collèges dégradés dans le cadre de la dynamique « Espoir banlieues » avec 40 Meuros de subventions pour les années 2010 et 2011. Par ailleurs, la plupart des établissements réputés les moins attractifs, voit leurs effectifs diminuer dans des proportions très faibles. Cette baisse d'effectifs ne menace pas leur existence et ne modifie pas la répartition des catégories sociales dont sont issus leurs élèves. Par exemple, si on considère les collèges « ambition réussite », choisis en 2006 car ils concentraient de fortes proportions d'élèves issus de catégories sociales défavorisées, ils perdent en moyenne 7,4 % de leurs élèves à l'entrée en sixième. Si 39 perdent plus du quart de leurs effectifs à ce niveau d'enseignement, la plupart perd un nombre restreint d'élèves et 54 en gagnent. Pour rendre encore mieux compte de la complexité de la réalité, il faut préciser que les mêmes établissements qui présentent un solde entrées-sorties négatif, font l'objet de demandes d'entrées importantes. Ainsi sur l'ensemble du territoire, on n'assiste nullement à un phénomène massif de ghettoïsation et des réponses appropriées sont apportées au cas par cas aux établissements en difficulté. Enfin, la mixité sociale est aussi à considérer du point de vue des établissements attractifs qui, grâce aux mesures d'assouplissement de la carte scolaire, accueillent souvent de nouveaux publics issus de milieux plus modestes que les élèves du secteur. Ainsi l'égalité des chances, principe fondamental de notre système éducatif, devient une préoccupation et un objectif pour l'ensemble des établissements scolaires, y compris ceux des centres-villes et non plus seulement ceux situés dans les quartiers défavorisés et populaires.
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