M. Alain Rousset attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation sur le statut de l'auto-entrepreneur adopté dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008. Le statut de l'auto-entrepreneur permet à chacun de devenir entrepreneur grâce à une simple déclaration et ainsi exercer une activité artisanale, commerciale ou libérale, à titre principal ou complémentaire. Ces auto-entrepreneurs bénéficient d'une procédure administrative très simplifiée, d'un allègement des cotisations sociales et de la fiscalité, avec notamment une exonération de TVA. Deux ans après son adoption, les objectifs qui étaient fixés ne semblent pas atteints et de nombreux effets néfastes ont été constatés : concurrence déloyale face aux entreprises artisanales ou du bâtiment soumises à agrément, au contrôle des qualifications, à une fiscalité et à des cotisations sociales normales ; faiblesse des contrôles de qualification, voire absence dans le cas d'activités complémentaires n'entraînant pas d'obligation d'inscription au registre des métiers créant un risque pour les consommateurs qui ne bénéficient plus d'aucune garantie ; utilisation de manière abusive par certains employeurs qui externalisent leurs salariés afin de bénéficier d'allègements de charges propres à ce statut ; etc. Face à ce constat, il lui demande quel bilan le Gouvernement dresse-t-il de l'application de statut deux ans après son adoption et souhaiterait connaître ses intentions quant aux modifications qu'il entend y apporter.
Le régime de l'auto-entrepreneur reflète le désir profond d'entreprendre qui anime maintenant les Français. Ce succès tient essentiellement à la simplicité du régime lui-même et à la lisibilité du prélèvement des cotisations sociales et fiscales, qui sont assises sur le seul chiffre d'affaires encaissé. Toutefois, certains représentants d'artisans ont exprimé leur inquiétude concernant le risque de dérives éventuelles occasionnées par ce nouveau régime. Tout d'abord, il importe de bien mesurer l'impact réel des auto-entrepreneurs dans le domaine du bâtiment et travaux publics. Le chiffre d'affaires de l'ensemble des auto-entrepreneurs, pour l'année 2009, est de 934 M, tandis que l'ensemble des entreprises de moins de 10 salariés du secteur du bâtiment ont réalisé en 2009 un chiffre d'affaires de 61 Md. Pour cette même année, 12,7 % des demandes d'inscription au régime de l'auto-entrepreneur relevaient du secteur du bâtiment. Ainsi, on peut estimer que les auto-entrepreneurs de ce même secteur n'ont représenté, en 2009, qu'environ 0,2 % du chiffre d'affaires du secteur. Une évaluation du régime de l'auto-entrepreneur est en cours de finalisation. Elle permettra d'établir un premier bilan statistique et une évaluation du régime, y compris dans le secteur du bâtiment. Participent au pilotage de cette évaluation les administrations et les caisses de sécurité sociale en charge des auto-entrepreneurs, les chambres consulaires, les organisations patronales et les représentants des auto-entrepreneurs. À l'issue de cette évaluation, la plus grande attention sera réservée aux préoccupations des organisations professionnelles. En particulier, des mesures fermes seront prises pour lutter de façon déterminée contre d'éventuels abus qui seraient constatés lors de l'utilisation de ce nouveau régime. Pour autant, il peut d'ores et déjà être répondu en détail aux préoccupations exprimées. Le régime de l'auto-entrepreneur ne génère aucune concurrence déloyale en termes d'exigence de qualification ou d'assurance obligatoire. Les règles de qualification sont identiques, sans aucune dispense, pour les auto-entrepreneurs et pour les autres artisans du bâtiment. Depuis 1996, certains artisans sont soumis à une obligation de qualification professionnelle : le plus généralement, ils doivent avoir préalablement trois ans d'expérience comme salariés ou être titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle dans le domaine où ils veulent créer leur entreprise. Cette règle s'applique de plein droit aux auto-entrepreneurs. Il est exact que cette obligation de qualification n'était jusqu'à présent pas contrôlée lors de la création de l'entreprise, mais uniquement par des contrôles inopinés pendant la vie de l'entreprise. Le Gouvernement a remédié à cette insuffisance par un décret publié le 12 mars 2010, applicable depuis le 1er avril. Désormais, tous les artisans, y compris les auto-entrepreneurs, souhaitant créer leur activité doivent, au préalable, attester de leur qualification. Il n'existe ensuite aucune concurrence déloyale en termes de niveaux de charges. Une étude de l'ordre des experts-comptables, actualisée en avril dernier, a montré que le niveau de charges était comparable. En effet, on compare souvent à tort le taux de taxation pour les artisans de droit commun (45 %) et celui des auto-entrepreneurs (21,3 %). Or, ces taux s'appliquent à des assiettes différentes : l'artisan est imposé sur ses bénéfices, alors que l'auto-entrepreneur est imposé sur son chiffre d'affaires. En d'autres termes, l'auto-entrepreneur ne peut déduire aucune charge, et est imposé sur l'intégralité de son chiffre d'affaires. Le régime de l'auto-entrepreneur est d'ailleurs très peu attractif en cas d'investissements significatifs, synonymes de charges élevées. Il est exact que l'auto-entrepreneur n'est pas assujetti à la TVA. C'est d'ailleurs le cas aussi du régime de la micro-entreprise, qui existe depuis près de vingt ans. Mais, en contrepartie, l'auto-entrepreneur achète ses fournitures et ses matières premières toutes taxes comprises, et il ne peut déduire la TVA de ses achats de matières premières qui sont souvent significatifs dans le domaine du bâtiment et des travaux publics. Enfin, l'auto-entrepreneur bénéficie d'une dispense de contribution économique territoriale, l'ex-taxe professionnelle, mais cette exonération n'est que de trois ans, et tous les créateurs d'entreprises bénéficient déjà d'une exonération la première année. Le droit du travail s'applique sans aucune dérogation. Le salarié ne peut pas exercer, en complément, une activité identique à celle de son employeur et auprès de la même clientèle, sans avoir obtenu l'accord de son employeur. Le régime de l'auto-entrepreneur, en effet, n'a nullement été conçu pour couvrir l'externalisation abusive de salariés ou le recrutement de faux indépendants. Les services de l'État sont mobilisés, comme ils l'ont toujours été, pour lutter contre la dissimulation d'une relation salariale de subordination sous la forme d'une relation commerciale de sous-traitance. En outre, l'auto-entrepreneur qui réalise du chiffre d'affaires doit le déclarer. C'est seulement en son absence qu'il n'est, en l'état actuel du droit, pas tenu à déclaration. Il convient de rappeler que les auto-entrepreneurs qui ne déclarent pas de chiffre d'affaires pendant plus de trois ans sortent automatiquement du régime. En l'absence de chiffre d'affaires, ils ne bénéficient bien entendu pas de droits additionnels de retraite. Les auto-entrepreneurs ont le droit, pendant un trimestre ou une période donnée, de ne pas exercer d'activité : ce régime instaure en effet un « permis d'entreprendre » que chacun peut activer selon sa volonté, notamment en cas d'activité complémentaire ou saisonnière. C'est cette souplesse qui fait justement le succès de ce régime. Le régime de l'auto-entrepreneur permet de faire rentrer certains travailleurs dits « au noir » dans une zone de droit. C'est un régime qui permet de diminuer l'étendue de l'économie souterraine et permet ainsi à des gens qui travaillaient illégalement de rentrer dans un cadre légal et de payer leurs cotisations. Dès lors que le régime de l'auto-entrepreneur n'engendre pas de concurrence déloyale, il n'est pas justifié de limiter ce statut dans le temps. C'est évident pour les activités complémentaires, qui peuvent durablement être exercées sans dépasser les plafonds de chiffre d'affaires applicables au régime. C'est également le cas pour les entrepreneurs à temps plein, qui ne souhaitent pas tous faire croître leur activité et peuvent légitimement vouloir bénéficier durablement d'un cadre comptable, administratif, fiscal et social simplifié. Limiter la durée d'application du régime de l'auto-entrepreneur serait adresser un signal négatif à toutes les personnes qui se sont engagées dans cette voie de l'entrepreneuriat, avec les risques que cela implique. Le régime de la micro-entreprise, dont s'inspire nettement le régime de l'auto-entrepreneur, n'est pas limité dans le temps, pour les mêmes raisons. Il importe de rappeler que le régime de l'auto-entrepreneur n'a pas vocation à remplacer les statuts classiques des entreprises, mais à encadrer des activités générant un chiffre d'affaires limité (80 300 pour les activités commerciales, 32 100 pour les activités de service). Lorsque l'activité génère un chiffre d'affaires supérieur aux seuils, les auto-entrepreneurs deviennent des entrepreneurs individuels soumis aux règles communes, ou créent leur société. Enfin, la dispense d'affiliation consulaire des auto-entrepreneurs, qui ne vaut qu'en cas d'activité complémentaire, est justifiée. Depuis le 1er avril 2010, les auto-entrepreneurs exerçant à titre principal sont tenus de s'immatriculer au répertoire des métiers auprès de la chambre de métiers et de l'artisanat, comme les autres artisans. Il est exact que les auto-entrepreneurs exerçant à titre complémentaire ne sont pas soumis à affiliation consulaire, y compris dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Pour ces activités complémentaires et de taille limitée, l'affiliation consulaire, avec le coût qui lui est lié, n'apparaît pas indispensable. Les auto-entrepreneurs qui le souhaitent peuvent bien entendu s'affilier. L'auto-entrepreneur doit, en tout état de cause, se déclarer au centre de formalités des entreprises (CFE), ce qui permet d'assurer que l'entreprise sera déclarée aux services fiscaux et sociaux et pourra être contrôlée comme toute entreprise qui a fait l'objet d'une immatriculation. L'auto-entrepreneur est donc une entreprise comme une autre et doit respecter les règles de l'exercice de son activité. L'auto-entrepreneur est soumis à la réglementation applicable à tous les professionnels de son secteur d'activité, en termes de formation et de qualification professionnelle préalable, d'application des normes techniques, d'hygiène et de sécurité, de déclaration et d'emploi des salariés, d'assurance et de responsabilité ou encore de facturation à la clientèle. En matière de règles applicables à l'assurance de responsabilité civile professionnelle, la situation des bénéficiaires du statut d'auto-entrepreneur n'est pas différente des autres professionnels. Lors de la création d'entreprise, la recherche d'une couverture d'assurance est souvent l'un des éléments de préoccupation des futurs dirigeants. La couverture de son patrimoine et de sa responsabilité par un contrat d'assurance constitue un acte de gestion élémentaire et indispensable pour toute entreprise. L'assurance de responsabilité peut parfois être obligatoire, instaurée par une loi ou un règlement. Dans certains cas, l'entreprise doit être certifiée et c'est l'organisme certificateur qui requiert une assurance, qui devient alors indirectement obligatoire pour pouvoir exercer. Enfin, la fourniture d'une attestation d'assurance est également parfois une condition nécessaire pour participer à des appels d'offres de marchés publics. L'accès à une couverture d'assurance peut donc conditionner l'exercice d'activités. Mais l'ensemble des entreprises ne parvient pas toujours à souscrire d'assurance. Les assureurs disposent de la liberté de s'engager contractuellement ou non, en fonction de l'appréciation du risque qu'ils encourent. En outre, l'assurabilité de certains risques dépend sensiblement de la capacité des assurés à faire la preuve aux assureurs de la qualité de leur gestion du risque. Il existe quelques rares exceptions à cette règle générale. En effet, en ce qui concerne l'assurance de responsabilité civile décennale et l'assurance dommages ouvrage qui sont obligatoires, le législateur a souhaité garantir la disponibilité de l'offre, en donnant aux assurés accès au Bureau central de tarification (BCT). Au-delà du cadre législatif de l'assurance construction, il faut souligner qu'un marché de la micro-assurance existe. Des assureurs, en partenariat avec l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), ont ainsi mis en place des offres qui répondent aux besoins spécifiques des micro-entrepreneurs en matière d'assurance. Par ailleurs, le 3 juin 2009, M. François Hurel, Président de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE - site : www.union-autoentrepreneur.com), association créée début avril 2009 pour fédérer ces professionnels, a signé aux côtés du secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, de petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, plusieurs partenariats de l'UAE dont l'objectif est d'accompagner le développement de la communauté des auto-entrepreneurs. Une société d'assurance est ainsi associée aux actions de l'UAE et peut offrir des produits d'assurance spécifiques et préférentiels ainsi que des services aux adhérents. Des courtiers spécialisés proposent également des produits ciblés destinés aux auto-entrepreneurs. Enfin, un certain nombre d'assureurs (sociétés d'assurance et mutuelles généralistes) ont lancé récemment des contrats d'assurance adaptés aux besoins des auto-entrepreneurs. À l'issue de l'évaluation en cours du régime, il sera tenu compte des préoccupations de certaines organisations professionnelles. Mais, pour que la création du régime de l'auto-entrepreneur ait un réel impact sur l'esprit d'entreprise en France, il faut maintenir dans la durée son acquis de simplicité.
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