M. Jean-Claude Mathis attire l'attention de M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur le "délit de solidarité". En effet, selon l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH)en date de novembre 2009 sur l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers, la législation française en vigueur (notamment les articles L. 622-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) permet que des personnes cherchant simplement « à promouvoir et à protéger les droits civils et politiques et à promouvoir, à protéger et à mettre en oeuvre les droits économiques, sociaux et culturels », à travers une aide désintéressée apportée à des étrangers en situation irrégulière, soient mises en examen, poursuivies et condamnées. La CNCDH préconise la suppression du « délit de solidarité » et une modification de la loi pour être en conformité avec les engagements internationaux de la France. Or l'article 72 du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité va moins loin dans l'assouplissement du dispositif puisqu'il se propose d'étendre l'immunité au « délit de solidarité » institué par l'article L. 622-1 du CESEDA. Il lui demande, en conséquence, si le Gouvernement entend prendre d'autres dispositions pour répondre à cette question.
L'incrimination, prévue par l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de toute aide directe ou indirecte visant à faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour d'un étranger en situation irrégulière ne concerne pas l'action humanitaire apportée par une personne physique ou morale aux personnes fragilisées par leur situation irrégulière. L'aide humanitaire n'est pas, en effet, en elle-même, constitutive d'une aide au séjour irrégulier. Le conseil constitutionnel a rappelé dans le considérant 18 de sa décision n° 2004-492DC du 2 mars 2004 « qu'il ressort des termes mêmes de l'article 706-73 nouveau du code de procédure pénale que le délit d'aide au séjour irrégulier d'un étranger en France commis en bande organisée ne saurait concerner les organismes d'aide humanitaire aux étrangers ; que de plus, s'applique à la qualification d'une telle infraction le principe énoncé par l'article 121-3 du même code selon lequel il n'y a point de délit sans intention de le commettre ». Le délit d'aide au séjour irrégulier suppose la caractérisation d'un élément intentionnel dont l'identification relève exclusivement de l'office du juge. Les dispositions de l'article L. 622-1 relatives à l'incrimination de l'aide au séjour irrégulier n'appellent donc pas de modification. Leur mise en oeuvre par le juge pénal constitue le fondement juridique de la lutte contre les filières et passeurs qui exploitent les situations de détresse auxquelles les acteurs de l'humanitaire entendent précisément apporter un secours. Dans les faits, des milliers de membres salariés ou bénévoles des associations interviennent auprès des étrangers en situation irrégulière. Si des investigations peuvent effectivement être engagées, les très rares condamnations, qui peuvent se chiffrer à moins d'une dizaine depuis que la loi existe, ont toujours visé des personnes dont les agissements n'entraient pas dans le cadre d'une action humanitaire.Afin de rendre encore plus explicite la portée exacte de ce texte, le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, adopté en conseil des ministres le 31 mars 2010, prévoit sa mise en cohérence avec la pratique judiciaire qui, pour apprécier le champ de l'immunité prévue à l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne se limite pas au secours apporté au cas de risque vital, mais inclut la notion de sauvegarde de la personne de l'étranger, en conformité avec la notion d'état de nécessité au sens de l'article 122-7 du code pénal. En outre, pour répondre aux inquiétudes de certaines associations sur les conditions d'exercice de leurs missions d'assistance aux étrangers en situation irrégulière, la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et le ministre de l'immigration. de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ont, le 23 novembre 2009, précisé par circulaires à l'attention des parquets pour la première, à l'attention des préfets pour le second, le cadre juridique applicable en matière d'aide au séjour irrégulier en soulignant la nécessité de ne pas entraver l'action humanitaire.
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