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Éric Jalton
Question N° 84942 au Ministère de l'Économie


Question soumise le 27 juillet 2010

M. Éric Jalton appelle l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la loi de modernisation de l'économie qui visait initialement à soutenir durablement la croissance française. Malheureusement, il semble bien qu'elle n'a pas tenu ses promesses. En effet, avec la négociabilité des conditions générales de vente, la LME a conféré à la distribution un pouvoir de négociation encore plus grand qui se répercute lourdement sur les équilibres éonomiques de leurs fournisseurs et par là même, sur ceux des producteurs. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les mesures mises en oeuvre au niveau ministériel pour pallier cette situation.

Réponse émise le 23 novembre 2010

L'année 2010 est la deuxième année de mise en oeuvre des dispositions de la loi de modernisation de l'économie (LME), qui a profondément modifié le cadre juridique des relations commerciales. La réforme a d'abord visé à renforcer la concurrence par les prix en faveur du consommateur, en permettant à tout distributeur d'obtenir des conditions d'achat spécifiques. La loi autorise ainsi les fournisseurs à différencier librement les conditions tarifaires qu'ils accordent aux distributeurs. Elle supprime par ailleurs l'interdiction de discrimination tarifaire, qui avait conduit les distributeurs à demander à leurs fournisseurs de leur concéder des avantages financiers via le paiement de services plus ou moins réels. La loi du 3 janvier 2008 avait déjà permis de réintégrer ces marges « arrière » dans le prix de revente aux consommateurs, mais la LME a mis un terme à la fausse coopération commerciale qui alimentait le système des marges « arrière ». Cette mesure est de nature à favoriser la concurrence à l'achat entre distributeurs. D'autres mesures viennent simplifier la négociation commerciale : les conditions dans lesquelles un fournisseur peut établir des conditions générales de vente catégorielles et des conditions particulières de vente ont été assouplies ; la date limite de conclusion de la convention unique ou du contrat-cadre annuel, aujourd'hui fixée au 1er mars, peut être adaptée aux produits et services soumis à un cycle saisonnier ou à une période de commercialisation ne correspondant pas à l'année civile. Le Gouvernement était néanmoins conscient que l'adoption de la négociabilité des conditions de vente nécessitait, en contrepartie, que des dispositifs d'accompagnement soient instaurés en direction du petit commerce et des petites et moyennes entreprises en vue d'éviter que le déséquilibre dans les relations commerciales se renforce à cette occasion au profit des distributeurs. La loi a donc prévu plusieurs garde-fous à l'égard des abus susceptibles d'être commis par des opérateurs en position de force. En premier lieu, elle institue un régime de sanction plus efficace contre les abus contractuels. La notion de « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » remplace celles « d'abus de la relation de dépendance » et « d'abus de puissance d'achat ou de vente ». Cette notion plus large permet d'appréhender toutes les pratiques abusives qui ne sont pas spécifiquement sanctionnées par un autre alinéa de l'article L. 442-6 du code de commerce définissant la responsabilité de chaque partie à une relation d'affaires. Elle permet de sanctionner tous les abus sans avoir à démontrer la puissance d'achat ou de vente de l'auteur de l'abus. En outre, le plafond de 2 millions de l'amende civile peut désormais être porté à trois fois le montant des sommes indûment perçues. Enfin, diverses mesures de facilitation de la justice ont été adoptées dans le cadre de la LME : possibilité pour la juridiction d'ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision, d'infliger des astreintes ou de saisir pour avis la commission d'examen des pratiques commerciales. La LME a également visé à donner une plus grande efficacité aux actions judiciaires, en organisant une spécialisation de ces juridictions, qui renforcera leur professionnalisation et leur efficacité. Le ministre chargé de l'économie a accompagné le souhait du législateur de mieux encadrer les pratiques de la distribution, en créant au sein de la direction générale, de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) une brigade de contrôle de la LME permettant de mettre en oeuvre une politique contentieuse dynamique et de traduire la volonté du Gouvernement d'utiliser pleinement les dispositions nouvelles issues de la LME en cette matière. Cette initiative adresse un signal fort aux opérateurs, en renforçant les moyens de contrôle de la mise en oeuvre de la LME, dans ses dispositions modifiant le titre IV du livre IV du code de commerce. Il convient également de rappeler que les relations commerciales font l'objet d'un encadrement spécifique dans le domaine agricole. En effet, le secteur agricole se caractérise par un fort déséquilibre entre un amont atomisé et un aval très concentré. Pour prendre en considération la spécificité du secteur agricole, le législateur a prévu, dans la loi sur le développement des territoires ruraux (LDTR) du 23 février 2005, puis dans la loi Chatel du 3 janvier 2008, des dispositions protectrices adaptées. La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), récemment adoptée, renforce les dispositifs existants. Le bilan de la réforme des relations commerciales devra s'apprécier à moyen terme, car les dispositions de la LME visent des situations structurelles qui ne peuvent être modifiées en l'espace d'une année. Nul doute que les assignations lancées par le ministre à l'automne dernier, dont l'une d'elle a conduit à la condamnation d'une enseigne de distribution spécialisée à 300 000 EUR d'amende pour déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, contribueront à l'édification des opérateurs tentés d'abuser de leur position de force. Il importe désormais de donner du temps à la loi. C'est par la stabilité de l'environnement légal et par la régularité des contrôles qu'une jurisprudence, éclairant l'interprétation du texte, pourra voir le jour et contribuera à l'abandon des comportements abusifs.

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