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Marie-Lou Marcel
Question N° 84342 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 20 juillet 2010

Mme Marie-Lou Marcel attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), publié le 19 mai 2010. Depuis 2002, le nombre de garde à vue a progressé de 67 %. En comptabilisant les infractions routières, il s'établirait à 800 000 pour l'année 2009. Cette mesure judiciaire constitue aujourd'hui une zone de non-droit, comme l'expriment de nombreux témoignages de personnes placées arbitrairement en garde à vue pour des infractions mineures. Dans son rapport annuel, la CNDS déplore que le respect de la personne y soit trop souvent ignoré. Un rapport du Sénat de décembre 2009, comparant les différentes législations européennes de la garde à vue, met en évidence trois singularités de la législation française : la possibilité de placer une personne en garde à vue pour une infraction mineure, alors que la plupart des textes étrangers subordonnent ce placement à l'existence d'un délit d'une certaine gravité ; l'absence de dispositions constitutionnelles sur la garde à vue ; et le caractère limité de l'intervention de l'avocat pendant celle-ci. La présence d'un avocat dès le début de la garde à vue, pratiquée dans six des sept pays cités, permettrait d'éviter certaines pratiques abusives indignes et constituerait une avancée démocratique incontestable. Elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de prendre afin d'améliorer les modalités juridiques et les conditions de la garde à vue en France.

Réponse émise le 26 juillet 2011

L'accroissement du travail d'initiative des services de police et de gendarmerie et la performance accrue des investigations judiciaires, que l'on peut mesurer à travers l'amélioration du taux d'élucidation, expliquent pour partie la hausse du nombre de mesures de gardes à vue au cours des dernières années. Par ailleurs, la transformation par le législateur en délits de faits qui constituaient précédemment des contraventions a mécaniquement accentué cette évolution, de même que la jurisprudence de la Cour de cassation qui, depuis la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, analysait cette mesure moins comme une mesure de contrainte que comme une mesure protectrice des droits. Une personne amenée par la force dans des locaux de police ou de gendarmerie ne pouvait ainsi être entendue que sous le régime de la garde à vue, après s'être vu notifier les droits y afférents. Il doit par ailleurs être rappelé que les forces de sécurité sont placées, dans l'exercice de leurs missions de police judiciaire, sous le contrôle permanent de l'autorité judiciaire. Leur action, strictement encadrée, fait l'objet de nombreux contrôles, hiérarchiques et juridictionnels, nationaux et européens. Les forces de l'ordre, lorsqu'elles recouraient à la garde à vue dans le cadre légal tel qu'il était antérieurement à la réforme qui vient d'être adoptée par le Parlement, ne faisaient qu'appliquer la loi, sous le contrôle des magistrats (qui sont informés dès le début de la mesure et peuvent y mettre fin à tout moment). La garde à vue était, en outre, entourée d'importantes garanties. Elle ne pouvait être décidée que par un officier de police judiciaire et pour une durée déterminée. Elle n'était pas systématique et devait être adaptée aux circonstances de l'affaire et à la personnalité de l'individu mis en cause. Il doit également être noté que le nombre de gardes à vue, qui n'a jamais fait l'objet d'objectifs chiffrés et qui ne saurait être considéré comme un indicateur de la performance des services, ne figurait même plus comme simple information dans les tableaux de bord de la sécurité. Pour autant, le Premier ministre a estimé nécessaire de repenser les conditions de recours à la garde à vue, dans le prolongement des travaux sur la réforme de la procédure pénale, d'une part, et de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, d'autre part. Un projet de loi a ainsi été adopté en conseil des ministres le 13 octobre 2010 et a conduit à la promulgation de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue. Ce texte est placé sous le signe de l'équilibre entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties que sont les droits de la défense et la liberté individuelle placés sous la protection de l'autorité judiciaire. La garde à vue est ainsi profondément modifiée, avec une assistance effective de l'avocat dès le début de la garde à vue et durant toute la durée de la mesure, mais également la notification du droit de garder le silence et l'interdiction des fouilles corporelles systématiques. L'équilibre auquel est parvenu le Parlement assure la conformité de la procédure de la garde à vue avec les jurisprudences du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de cassation. Par ailleurs, à la suite d'arrêts rendus le 15 avril 2011 par la Cour de cassation, le ministre de l'intérieur a adressé aux services de police et de gendarmerie des instructions, élaborées en collaboration avec le ministre de la justice, précisant les modalités d'application immédiate de la garde à vue. Le ministre de l'intérieur va en outre procéder au déblocage de crédits supplémentaires, pour faire face aux premières nécessités en termes d'infrastructures et de logistique, et ces aménagements tiendront pleinement compte des conditions de travail des personnels des forces de sécurité, qui ne devront pas être dégradées. Si les modifications du cadre législatif de la garde à vue répondent à une évolution indispensable des droits de la défense, le ministre de l'intérieur a appelé l'attention du Premier ministre sur la nécessité de ne pas ainsi compromettre l'efficacité des investigations judiciaires conduites par les policiers et les gendarmes et remettre en cause les droits des victimes. Il a à cet égard été décidé la mise en place d'un comité d'audit et de suivi, composé de parlementaires et de praticiens, chargé d'évaluer l'impact de cette réforme sur le fonctionnement des services et de faire toutes propositions pour en tirer les conséquences.

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