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Jean-Jacques Urvoas
Question N° 83690 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 13 juillet 2010

M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le rapport relatif à la France publié par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), du Conseil de l'Europe, le 15 juin 2010. Ses auteurs recommandent entre autres aux autorités françaises de garantir l'existence d'un organe ou de plusieurs organes indépendants de la police et du parquet, qui seraient chargés d'enquêter sur tout acte de discrimination raciale susceptible d'être perpétré par les forces de l'ordre. Ils soulignent qu'il est essentiel de donner tous les moyens humains et financiers nécessaires à l'organe compétent en la matière, qui doit pouvoir bénéficier de toute l'expertise nécessaire pour accomplir sa mission. Ils exhortent enfin les autorités à veiller à ce que, le cas échéant, les auteurs de discrimination ou comportements susmentionnés soient sanctionnés de façon appropriée, et de rendre publiques les sanctions. Il lui demande si le Gouvernement entend oeuvrer en ce sens.

Réponse émise le 22 mars 2011

La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance a en effet recommandé aux autorités françaises, dans un rapport publié le 15 juin 2010, de garantir l'existence d'un organe ou de plusieurs organes indépendants de la police et du parquet, qui seraient chargés d'enquêter sur tout acte de discrimination raciale susceptible d'être commis par les forces de l'ordre. La création d'un organe qui aurait le pouvoir de recevoir les plaintes et de mener une enquête sur des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale serait toutefois incompatible avec les principes fondamentaux de la procédure pénale française : accorder de tels pouvoirs à un organe administratif, fût-il indépendant, reviendrait à en faire une institution détentrice d'une partie des pouvoirs qui sont actuellement reconnus à l'autorité judiciaire et à violer le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. En effet, les enquêtes judiciaires diligentées à la suite de faits de discrimination perpétrés par des représentants des forces de l'ordre, faits prévus et réprimés à l'article 432-7 du code pénal, sont, comme toutes les procédures, menées sous la direction du procureur de la République. Garant de l'application de la loi pénale comme des libertés individuelles, ce dernier procède ou fait procéder à tous actes utiles à la manifestation de la vérité, et s'assure de leur bonne exécution ainsi que du respect des dispositions du code de procédure pénale. À l'issue de ces enquêtes judiciaires, le procureur de la République apprécie seul la suite à donner à ces enquêtes, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale. À ce titre, il peut décider soit d'engager des poursuites, soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite la procédure (art. 40-1 du code précité). Dans toutes ces hypothèses, le procureur de la République avise les plaignants ou les victimes de sa décision. Aussi, lorsqu'il décide de classer sans suite, le procureur de la République indique aux plaignants ou les victimes les raisons juridiques ou d'opportunité qui justifient sa décision (art. 40-2 du code précité). Le principe général d'opportunité des poursuites s'applique à toutes les procédures judiciaires, y compris les enquêtes relatives à des faits de discrimination, et participe de l'individualisation du traitement judiciaire des procédures. Par ailleurs, les victimes peuvent former un recours contre les décisions de classement sans suite auprès du procureur général compétent, en application de l'article 40-3 du code de procédure pénale. Elles peuvent également agir elles-mêmes devant les juridictions de jugement, par la voie de la citation directe, ou devant les juridictions d'instruction, par la voie de la plainte avec constitution de partie civile. Le statut de magistrat des membres du ministère public constitue une garantie d'objectivité d'autant plus importante que, en application de l'article 30 du code de procédure pénale, le pouvoir exécutif n'est pas susceptible de donner des instructions particulières de classement sans suite. En tout état de cause, lorsque les faits de discrimination sont imputables à des représentants des forces de l'ordre, les services d'inspection de la police et de la gendarmerie nationales peuvent être saisis par l'autorité judiciaire aux fins de diligenter des enquêtes judiciaires, sans préjudice des enquêtes administratives pouvant être ordonnées à la demande des autorités hiérarchiques des policiers et gendarmes concernés. De plus, en vertu de l'article 15-2 du code de procédure pénale, les services de l'inspection générale des services judiciaires peuvent être associés à des enquêtes administratives menées par les services d'inspection lorsque le comportement d'un officier ou d'un agent de police judiciaire est mis en cause dans l'exercice d'une mission de police judiciaire. de manière plus générale, les procédures judiciaires relatives aux infractions commises par les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions font l'objet d'un suivi particulièrement attentif des services de la chancellerie, tant sur les investigations menées et la décision d'orientation de la procédure que sur les incidences éventuelles de ces procédures en termes de sanctions disciplinaires et, le cas échéant, de suspension ou de retrait de l'habilitation de l'officier de police judiciaire. Ces services tirent enfin toutes les conséquences nécessaires des avis et recommandations que la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et le contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorités administratives indépendantes, et demain le Défenseur des droits, leur font parvenir, notamment en sollicitant des procureurs généraux compétents tous éléments relatifs aux situations dénoncées et, surtout, à la mise en oeuvre rapide des préconisations desdites autorités.

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