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Jean-Luc Warsmann
Question N° 83672 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 13 juillet 2010

M. Jean-Luc Warsmann appelle l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la proposition formulée par la Cour de cassation dans son rapport annuel pour 2009 tendant à étendre la possibilité d'interjeter appel à l'ensemble de la matière contraventionnelle. En effet, l'article 546 du code de procédure pénale limite la possibilité d'interjeter appel en matière contraventionnelle à trois cas : « lorsque l'amende encourue est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe » ; « lorsqu'a été prononcée la peine prévue par le 1° de l'article 131-16 du code pénal », c'est-à-dire la peine de suspension du permis de conduire ; « lorsque la peine d'amende prononcée est supérieure au maximum de l'amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe », c'est-à-dire à un montant de 150 euros. Dans son rapport, la Cour de cassation a indiqué qu'elle estimait « hautement souhaitable de réformer les dispositions de l'article 546 du code de procédure pénale en étendant le droit d'appel à toute la matière contraventionnelle. En faveur de cette solution militent plusieurs raisons : le fait que ces juridictions connaissent des principaux contentieux routiers de masse, le fait que les juges de proximité commettent incontestablement beaucoup plus d'erreurs de droit que les juges d'instance, et enfin le fait qu'il n'est pas nécessairement du rôle premier de la Cour de cassation de consacrer tant de temps au traitement de ce contentieux contraventionnel de petite police ». Après avoir relevé qu'il existait « un risque de générer un surcroît de charges pour les cours d'appel », la Cour de cassation a fait valoir que « l'incidence de cette réforme [serait] néanmoins limitée par le fait que, désormais, ces appels sont pris en juge unique (article 547 du code de procédure pénale) » mais que, en tout état de cause, « une étude d'impact serait, au préalable, opportune ». Il souhaiterait connaître les mesures de l'impact de la modification législative proposée par la Cour de cassation que la chancellerie a déjà pu réaliser, ainsi que les suites qu'elle envisage de donner à cette proposition.

Réponse émise le 16 août 2011

La voie de l'appel n'est effectivement pas ouverte contre tous les jugements en matière contraventionnelle, le législateur ayant choisi de ne pas accorder cette voie de recours pour les infractions mineures. Toutefois, l'article 546 du code de procédure pénale permet, dans certaines hypothèses, un appel des jugements des tribunaux de police et des juridictions de proximité, compte tenu soit de la gravité de la contravention, soit de la gravité de la peine prononcée, soit de l'existence de dispositions civiles dans le jugement. En effet, l'appel d'un jugement contraventionnel est possible lorsque l'amende encourue est celle prévue pour les contraventions de la 5e classe. Cette disposition légale a été interprétée largement par la jurisprudence, puisque, lorsque le prévenu est poursuivi pour plusieurs contraventions, il convient de totaliser les amendes dont il est passible pour déterminer la peine encourue. L'appel est également possible lorsque la juridiction a prononcé la peine de suspension du permis de conduire prévue par l'article 131-16 (1°) du code pénal ou lorsque la peine d'amende prononcée est supérieure au maximum de l'amende encourue pour les contraventions de la 2e classe, soit lorsqu'elle est supérieure à 150 euros. Enfin, quelle que soit la peine prononcée ou encourue, il peut être formé appel d'un jugement contraventionnel lorsque la juridiction s'est prononcée sur les intérêts civils. En outre, la partie civile peut interjeter appel dans tous les cas quant à ses intérêts civils. Au regard de l'ensemble de ces dispositions, il apparaît que le code de procédure pénale prévoit un dispositif équilibré en ce qui concerne l'appel en matière contraventionnelle. Il convient d'ailleurs de relever que la Cour de cassation a estimé que l'article 546 n'était pas contraire à l'article 2 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit que le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité peut faire l'objet d'exceptions pour les infractions mineures. En ce qui concerne l'impact, 85 113 jugements de condamnation ont été prononcés en 2010 contre des contraventions des quatre premières classes (hors ordonnances pénales). Parmi ceux-ci, 30 352 ont prononcé une amende supérieure à 150 euros ou une suspension du permis de conduire ou se sont prononcés sur des intérêts civils. Au total, le nombre de condamnations non susceptibles d'appel s'élèverait ainsi à 54 761. Une généralisation de l'appel en matière contraventionnelle aurait donc un impact non négligeable sur l'activité des chambres correctionnelles. Par ailleurs, il semble peu probable qu'une telle réforme entraîne une diminution du nombre des pourvois dans cette matière. Il est en effet vraisemblable que les justiciables qui forment actuellement des pourvois à la suite de condamnations pour des contraventions, spécialement en matière de contentieux routiers, épuiseront l'ensemble des voies de recours s'ils n'obtiennent pas satisfaction. En outre, cette réforme pourrait inciter certains auteurs de contraventions poursuivis selon la procédure de l'amende forfaitaire, soit plusieurs millions de procédures par an, à former des réclamations devant l'officier du ministère public, puis appel de la décision du tribunal et pourvoi en cassation. Ces manoeuvres dilatoires pourraient ainsi être utilisées par une partie des personnes faisant l'objet d'amendes forfaitaires majorées pour des excès de vitesse constatés grâce aux contrôles radars automatisés - près d'un million trois cent mille personnes en 2010 - afin de retarder l'effectivité d'un retrait de points de leur permis de conduire. Le ministère de la justice et des libertés n'envisage donc pas, en l'état, une réforme de l'appel en matière contraventionnelle.

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