M. Michel Vauzelle attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la vive inquiétude qui secoue le monde agricole au sujet du projet de loi dit de modernisation de l'agriculture. Alors que le monde rural subit les effets croisés d'un abandon de l'État ayant pour conséquence une disparition des services publics essentiels et de la crise qui touche durement les paysans, ce projet de loi, loin de répondre aux enjeux essentiels de l'agriculture française, placera un grand nombre de ces travailleurs de la terre dans une situation encore plus précaire. Alors que les revenus des agriculteurs ont chuté de 32 % en 2009 et que la majorité de ces derniers ont un revenu inférieur au SMIC, ce projet instaure un système de contractualisation privée qui fragilisera les agriculteurs déjà victimes de l'oligopsone que constituent leurs relations commerciales avec les grandes surfaces. L'obligation faite aux agriculteurs de s'assurer contre les risques inhérents à leur profession constitue un autre signe d'un abandon de la solidarité que la Nation doit à cette profession dont l'importance est cruciale. Ce recul de la solidarité envers le monde agricole aura des conséquences tragiques. Les paysans assurent à la France non seulement une souveraineté alimentaire enviée par de nombreux pays, mais également le statut de second exportateur de denrées agricoles qui ne doit pas entrer en contradiction avec le droit de chaque peuple à la souveraineté alimentaire. Les paysans sont également porteurs de l'âme de nos territoires ruraux, de leurs beautés et d'un type de relations humaines dont le manque se fait ailleurs cruellement ressentir. Ils sont par conséquent une composante essentielle de l'identité de ce pays. Les enjeux conditionnant l'avenir du monde agricole sont cruellement absents de ce texte. Ainsi, l'aide aux jeunes agriculteurs, la garantie d'un revenu correct et directement lié aux fruits du travail agricole, mais également les moyens de développer une agriculture respectueuse de l'environnement et des hommes assurant un lien direct entre le producteur et le consommateur, ne sont pas abordés dans ce texte. Il lui demande donc quelles mesures il compte prendre afin de remédier à ces manques et de garantir aux agriculteurs une vie digne.
Face à la crise que traversent toutes les filières agricoles, dès le mois d'octobre 2009, le Président de la République a annoncé un plan de soutien en faveur de l'agriculture d'une ampleur sans précédent comportant près de 1,8 MdEUR de prêts bancaires aidés et 650 MEUR d'allègements des charges financières, fiscales, et sociales. La solidarité a ainsi pleinement joué. Au-delà de ces mesures d'urgence, un des enjeux majeurs de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui a été définitivement adoptée les 12 et 13 juillet 2010 par les deux assemblées à l'issue d'un débat qui a permis d'enrichir le projet initial du Gouvernement, est de sécuriser le revenu des agriculteurs en traçant de nouvelles perspectives pour notre agriculture. La contractualisation ne signifie pas l'abandon des agriculteurs aux seules lois du marché. Elle ne signifie pas non plus l'abandon au niveau communautaire des mécanismes d'intervention. Depuis des mois, le ministre en charge de l'agriculture s'est mobilisé pour convaincre ses partenaires européens de l'utilité de tels outils dans un contexte de prix très volatils. La possibilité de rendre obligatoire la conclusion de contrats écrits entre les agriculteurs et leurs acheteurs, voire avec l'aval des filières, donnera de la visibilité sur la durée aux agriculteurs. Elle s'accompagne d'un renforcement du pouvoir de négociation des agriculteurs sur les marchés qui auront la possibilité en cas de litige de faire appel à un médiateur. Dans le même temps, les relations commerciales avec la distribution sont moralisées avec la suppression des remises, rabais, ristournes dans le secteur des fruits et légumes, l'encadrement des conditions de vente à facturation différée par l'obligation d'un bon de commande ou d'un contrat avec le commissionnaire ou le mandataire, un engagement de modération des marges de la distribution pour les fruits et légumes lors des crises conjoncturelles, une plus grande transparence dans la formation des prix et des marges des produits alimentaires grâce à un observatoire dédié. Le Gouvernement est déterminé à restaurer un équilibre dans la négociation commerciale. Les manquements seront lourdement sanctionnés : ainsi les distributeurs qui refuseront de s'engager dans la modération des marges en période de crise dans le secteur des fruits et légumes seront assujettis à une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales. Il n'est pas juste de dire que les enjeux de stabilisation du revenu des agriculteurs sont absents de la loi. La loi n'introduit pas d'obligation d'assurance pour les agriculteurs contre les risques inhérents à leur activité. Par contre, elle améliore sensiblement la couverture des risques climatiques en portant la prise en charge des contrats d'assurance récolte à 65 % : la solidarité envers le monde agricole est ainsi renforcée puisque les moyens publics en provenance du budget communautaire et national auront été multipliés par près de cinq entre 2009 et 2010. La loi élargit également la couverture des risques aux conséquences économiques des aléas sanitaires et environnementaux dans le cadre de fonds de mutualisation. Enfin, la politique d'installation n'est pas oubliée. Deux mesures phares ont été introduites : l'harmonisation de la couverture sociale des jeunes agriculteurs tout au long de leur parcours de professionnalisation personnalisé avant leur installation et le financement de projets innovants des jeunes agriculteurs grâce à l'affectation du produit de la taxe instaurée lors de la cession de terrains nus devenus constructibles à la politique de l'installation. Cette loi marque une nouvelle étape du développement de l'agriculture, activité essentielle à la croissance de l'économie française et aux équilibres sociaux et environnementaux des territoires. Elle s'inscrit dans un contexte européen marqué par l'ouverture du débat sur la politique agricole commune (PAC) de l'après-2013 et elle traduit la détermination de la France à défendre la régulation des marchés et la stabilisation des prix des matières premières agricoles.
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