Mme Aurélie Filippetti attire l'attention de M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur les conséquences de la modification des règles de calcul de l'allocation différentielle pour les travailleurs du Luxembourg. En effet, le décret n° 2008-1384 du 11 décembre 2008 relatif aux modalités de calcul et de versement de I'allocation différentielle (ADI) prévue à l'article L 512-5 du code de la sécurité sociale est entré en vigueur le1er janvier 2010. ll s'agit de la différence entre ce que le frontalier touche en allocation familiale en France et ce qu'il toucherait s'il résidait au Luxembourg. Une différence payée par le Luxembourg. Or, à partir du 1er janvier 2010, le décret devait inclure dans le calcul de l'ADl les primes à la naissance ou à la garde d'enfants, alors que ces dernières étaient auparavant versées en sus. Néanmoins, la caisse d'allocations familiales de Moselle a informé les salariés frontaliers des nouvelles modalités de calcul par un courrier en date du 7 janvier 2010. Devant le fort mécontentement des deux mille familles concernées par la mesure, le Gouvernement a reculé la date d'application au 1er juin 2010. La suppression des prestations d'accueil du jeune enfant (PAJE) va entraîner une importante perte de revenus pour les ménages frontaliers de travailleurs du Luxembourg. Ainsi, pour de nombreux ménages, le coût de la garde d'enfant doublera. Ces derniers risquent de ne plus pouvoir, dans la majorité des cas, assumer les frais de garde de leurs enfants ce qui aura à son tour des répercussions sur les emplois sociaux induits. Elle rappelle que le travail frontalier est une richesse pour la Lorraine lourdement frappée dans ses emplois industriels par la crise économique. De plus, les intéressés et leurs représentants français et luxembourgeois ont l'intention de saisir la cour européenne de justice. Enfin, cette mesure va handicaper le travail féminin au moment même où dans le cadre de la réforme des retraites, le Gouvernement devrait chercher à le favoriser. Pour toutes ces raisons, elle demande quelles sont les intentions du Gouvernement quant à un réexamen global de ce dossier.
Le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux règles de calcul de l'allocation différentielle (ADI) concernant les travailleurs frontaliers. Les mécanismes de coordination des systèmes de protection sociale mis en place dans le cadre de l'Union européenne (règlement CE n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et remplaçant, à compter du 1er mai 2010, le règlement CEE n° 1408/71 du 14 juin 1971) prévoient qu'un citoyen couvert par ces mécanismes ne peut relever que d'une seule législation nationale de sécurité sociale, le critère principal permettant de déterminer cette législation étant le lieu d'exercice d'une activité professionnelle. Ce principe général est complété, en matière de prestations familiales, par des règles de priorité permettant d'éviter le cumul de prestations familiales en déterminant l'État prioritairement compétent pour verser des prestations, lorsqu'une même famille ouvre des droits en vertu de plusieurs législations. Les autres États versent, le cas échéant, un complément différentiel. Ainsi, un travailleur exerçant son activité dans un État membre ouvre droit, pour les membres de sa famille résidant dans un autre État membre, aux prestations familiales de l'État dans lequel est exercée cette activité. Par exemple, dans le cas d'un frontalier résidant en France, travaillant au Luxembourg, et dont le conjoint éventuel n'exerce pas d'activité professionnelle en France, le Luxembourg est prioritairement compétent pour verser des prestations familiales. La législation française peut toutefois intervenir à titre subsidiaire, en versant aux intéressés, conformément à l'article L. 512-5 du code de la sécurité sociale, une ADI, lorsque le montant de l'ensemble des prestations familiales étrangères est inférieur au montant de l'ensemble des prestations familiales françaises auxquelles ils ouvriraient droit si cette législation leur était applicable. L'objectif de cette disposition est de garantir un montant total de prestations équivalent à ce que percevrait la famille si l'allocataire travaillait en France et relevait à ce titre de la législation française. Le décret n° 2008-1384 du 19 décembre 2008, pris en application de l'article 95 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, a modifié les règles de calcul de l'ADI afin d'inclure dans celui-ci des prestations familiales qui jusqu'alors, contre la lettre de l'article L. 512-5 précité, en étaient exclues et pouvaient être versées directement, pour leur montant intégral, aux familles qui en remplissaient les conditions, en plus des prestations familiales étrangères dont elles bénéficiaient par ailleurs à titre principal. Ces familles pouvaient donc se trouver en situation de cumuler l'une ou plusieurs de ces prestations familiales françaises avec les prestations familiales étrangères auxquelles elles ouvraient droit, et de percevoir ainsi un montant de prestations familiales supérieur au montant qu'elles auraient perçu en application de la seule législation française ou de la seule législation étrangère. En conséquence, elles pouvaient percevoir un montant total de prestations supérieur à celui perçu par une famille remplissant les mêmes conditions au regard de la législation française, mais relevant uniquement de cette dernière parce que travaillant en France. En augmentant le nombre de prestations familiales françaises non cumulables avec des prestations familiales étrangères, le changement du mode de calcul de l'ADI vise ainsi à rétablir le principe d'égalité de traitement entre les différentes catégories de bénéficiaires de nos prestations familiales, dans le strict respect des règles de coordination européennes et dans le sens d'une meilleure conformité à la lettre du principe d'égalité de traitement posé par le règlement (CEE) n° 1612/68 du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté. Le décret susmentionné prévoyait une entrée en vigueur du nouveau mode de calcul de l'ADI au 1er juillet 2009. Toutefois, compte tenu de certaines difficultés techniques de mise en oeuvre, puis des interrogations et inquiétudes que ce changement a suscitées parmi les allocataires concernés, le Gouvernement a reporté l'entrée en vigueur des nouvelles règles. En outre, cette application se fera en deux temps, ce qui la rend plus progressive : à compter de juin 2010 (pour les droits de mai 2010), les composantes suivantes de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) : prime à la naissance ou à l'adoption, allocation de base (de la naissance aux trois ans de l'enfant) et aide directe versée dans le cadre du complément de libre choix du mode de garde, ne seront plus versées aux bénéficiaires tous les mois et directement mais seront intégrés dans le calcul de l'ADI. Les caisses d'allocations familiales (CAF) continueront à prendre en charge les cotisations sociales liées à l'emploi d'une assistante maternelle ou d'une employée à domicile (autre volet du complément de libre choix du mode de garde) tout au long de l'année 2010 ; à compter du 1er février 2011 (pour les cotisations dues au titre des salaires de janvier 2011), ces cotisations sociales devront être versées directement au centre Pajemploi par les personnes concernées, et leur montant sera ensuite intégré a posteriori par les CAF dans le calcul de l'ADI. À l'issue de la mise en place des nouvelles règles de calcul de l'ADI, les personnes concernées percevront un montant total de prestations (prestations familiales étrangères et ADI) au moins équivalent à celui qu'elles auraient perçu si elles avaient travaillé en France. Enfin, le 26 janvier 2010 M. Jean-Marie Halsdorf, ministre de l'intérieur et à la Grande Région du Grand Duché du Luxembourg et M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes ont procédé à la signature de l'accord créant la commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour les questions transfrontalières. L'objectif de cette convention est de faciliter, d'une part, les échanges dans tous les domaines, notamment entre les régions frontalières ainsi que ses populations, et, d'autre part, de lever les obstacles qui peuvent encore subsister, en particulier concernant les flux des travailleurs frontaliers. Par ailleurs, elle répond également aux besoins visant la mise en pratique d'une cohésion territoriale conforme à l'objectif de la politique régionale de l'Union européenne. La convention entrera en vigueur un mois après sa signature et est conclue pour une durée de dix années. Toutefois, la convention du 26 janvier 2010 ne prévoit pas que les travaux de la commission portent sur des questions de coordination en matière de sécurité sociale.
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