Mme Marie-George Buffet attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences du passage à la technologie numérique pour les salles de cinéma. La mise au point de la technologie de cinéma numérique est achevée et ce nouveau mode de tournage, d'enregistrement et de diffusion est à présent une technologie adoptée par les grands studios et les grands réseaux de diffusion. Cette technologie qui bouleverse l'économie générale du secteur cinématographique, nécessite un équipement de projection spécifique et très onéreux (environ 80 000 euros par écran). La conséquence prévisible est que, d'ici 2 à 5 ans, le numérique sera devenu le seul support pour l'image filmée : les salles ne s'étant pas équipées n'auront plus accès à l'actualité cinématographique qu'avec plusieurs mois de décalage dans le meilleur des cas. Ce qui se dessine ici, ce serait donc la partition radicale du réseau de salles en deux catégories : d'un côté, les salles les plus importantes, dont la fréquentation permet l'accès aux films en exclusivité, de l'autre les salles plus fragiles, dont l'essentiel de l'activité est liée à l'exploitation de films en « continuation ». L'enjeu est taille : sur 5 600 équipements cinéma en France, 2 800 avaient accepté de participer à un fonds mutualiste où devait être reversée une partie des participations que les distributeurs s'engageaient à verser sur chaque copie. Cependant, un avis récent de l'Autorité de la concurrence a rejeté ce projet, tout en reconnaissant son objectif d'intérêt général. Les professionnels ont alors émis une proposition alternative toujours basée sur une mutualisation du financement : un prélèvement serait opéré non plus sur les copies, mais sur les bordereaux de recettes entre distributeurs et exploitants, puis irait dans ce fonds commun pour être redistribué. Cela permettrait de garantir l'indépendance des relations entre ces deux acteurs et assurer ainsi la diversité d'un parc de salles sur l'ensemble de notre territoire. Or, il est maintenant émis une proposition législative peu satisfaisante qui conduit à aider les salles bénéficiant des sorties nationales, c'est-à-dire les multiplexes. Pour le réseau des salles publiques et indépendantes, il est seulement évoqué des subventions à partir du Grand Emprunt. Au bout du compte, le système proposé sanctuarise la grande exploitation, et laisse sur le bord de la route la petite exploitation, qui perd là une occasion historique de relever la tête. Elle lui demande quelles mesures il compte mettre en oeuvre pour préserver et encourager un système de financement mutualiste proposé par les acteurs du monde du cinéma indépendant et le Centre national de la cinématographie. Elle lui demande également comment il compte s'engager pour défendre et promouvoir la création française dans le cinéma et la diffusion indépendante, comme dans l'ensemble du champ culturel.
Le ministère de la culture et de la communication est convaincu de la nécessité, au coeur du nouveau paysage cinématographique et audiovisuel qui se dessine avec la généralisation du numérique, de préserver la salle de cinéma, lieu unique de découverte collective d'un film. Il est donc déterminé à soutenir en particulier la petite et la moyenne exploitations, dont la situation économique s'est dégradée et qui jouent un rôle décisif sur tout le territoire français en faveur de la diversité culturelle. Les bons chiffres globaux de la fréquentation en 2009, qui dépasse 200 millions d'entrées, prouvent que la salle de cinéma demeure très attractive pour le public grâce à une offre de films de qualité et un parc de salles bien réparti sur l'ensemble du territoire. Pourtant, cette embellie de près de 6 % par rapport à l'année 2008 ne bénéficie pas de manière homogène à toutes les salles. Ainsi, quand la grande exploitation voit croître ses entrées de 7,9 %, la moyenne enregistre une progression de 3,3 % tandis que la petite stagne à 0,4 %. Les salles dans les communes de moins de 20 000 habitants, quant à elles, voient une baisse de leur fréquentation de 2,4 %. Depuis l'été 2009, le Centre national de la cinématographie et de l'image animée (CNC) a mené un travail continu avec la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) pour remédier à cette situation. Il a ainsi renforcé ses soutiens en direction des salles les plus fragiles via l'aide aux salles art et essai, qui a été augmentée en urgence de 13 %, soit 1,5 MEUR supplémentaire en juillet dernier, mais aussi par le biais du soutien aux salles indépendantes des communes de plus de 200 000 habitants, qui a été augmenté de 11 %. En 2010, l'enveloppe supplémentaire affectée au budget des subventions aux salles d'art et essai s'élève à 1,7 MEUR. En outre, le CNC a mis en place, à la fin de l'année 2009, une aide spécifique et exceptionnelle, destinée à financer le diagnostic d'accessibilité aux personnes handicapées. Cette aide, qui prendra en charge 50 % du coût du diagnostic et sera plafonnée à 3 000 EUR par salle, représente un budget de 3 MEUR. Par ailleurs, plusieurs mesures ciblées vont pouvoir remédier aux difficultés rencontrées par les salles. En effet, l'exploitation doit assumer des charges de fonctionnement importantes et qui sont en forte croissance depuis une dizaine d'années (loyer et coût des travaux, maintenance et sécurité, mais aussi énergie). Dans ce contexte, un des premiers volets de la réflexion a été d'étudier les moyens d'alléger certaines charges, notamment autour de la réforme de la taxe professionnelle. L'élargissement des allégements fiscaux en matière de cotisations territoriales a été adopté par le Parlement. Le ministère de la culture et de la communication tient à saluer ce choix qui va contribuer à améliorer la situation de certaines salles de cinéma. S'agissant de la numérisation des salles de cinéma, un double dispositif, législatif et financier, est en train d'être mis en place pour encadrer cette transition majeure. La proposition de loi relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 16 juin dernier. Elle pose notamment le principe d'une contribution des distributeurs comme source première du financement de la transition numérique et assure, d'une part, la transparence des relations distributeurs/exploitants (directes ou via un tiers) et, d'autre part, la neutralité et l'équité des conditions de financement du numérique pour l'accès des films aux salles et des salles aux films. Cette loi met en place des garde-fous essentiels pour éviter que le numérique ne bouleverse les conditions actuelles d'exposition des oeuvres et pour garantir le maintien de la liberté de programmation des exploitants et de la maîtrise des plans de sortie des distributeurs. Par ailleurs, pour atteindre l'objectif quantitatif de numérisation de toutes les salles, un volet d'aide directe aux exploitants est en cours de préparation et va être mis en place par le ministère de la culture et de la communication prochainement par décret. Cette aide sera destinée à soutenir les salles qui ne disposent pas de ressources suffisantes via les mécanismes de financement, et notamment celles qui sont situées dans les petites communes et les zones rurales. Elle a vocation à être coordonnée avec les interventions des collectivités territoriales. Le maintien d'un parc de salles diversifié sur l'ensemble du territoire, qui est un maillon essentiel dans la chaîne de la création et de la diffusion des oeuvres, est une nécessité pour toute la filière cinématographique et une priorité absolue du ministère de la culture et de la communication. L'adaptation au nouveau monde numérique est un défi important pour le secteur culturel dans son ensemble. Le ministère de la culture et de la communication veillera à ce que les salles de cinéma aient effectivement tous les moyens de suivre cette évolution.
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