M. André Wojciechowski attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie sur le lent processus de désindustrialisation qui est à l'oeuvre en France et plus globalement en Europe depuis le milieu des années 90 à l'exception de l'Allemagne qui a inscrit sa stratégie industrielle dans la durée. Le Président de la République a présenté le 4 mars 2010 son plan pour que la France demeure une grande nation industrielle, mais ce plan semble timoré à la lumière des enjeux que doit affronter l'industrie française. On ressent mal la mobilisation des grands groupes, des PMI exportatrices, des TPE et le rôle exact des banques qui semblent plus préoccupées à reconstituer leur marge. Il lui demande pourquoi n'avoir pas profité de la présidence française de l'Union européenne pour mettre en place une véritable politique industrielle européenne afin de lutter contre l'hégémonie américaine et chinoise qui inonde l'Europe de ses produits et espère devenir une puissance industrielle moderne de premier plan.
En mettant en avant la complémentarité entre industrie et services, les états généraux de l'Industrie (EGI) ont permis de faire émerger un pacte économique et social autour du caractère indispensable de l'industrie pour l'économie et la société françaises. Outre qu'elle est source de progrès technique, l'industrie a un effet d'entrainement sur l'ensemble de l'économie, notamment sur les services aux entreprises et les commerces. Ce pacte économique et social et la nouvelle politique industrielle française construite par l'ensemble des acteurs concernés et voulue par le Gouvernement, ont vocation à permettre d'atteindre les quatre grands objectifs suivants : une augmentation de l'activité industrielle (production industrielle) de plus de 25 % d'ici fin 2015 ; la pérennisation de l'emploi industriel en France sur le long terme ; le retour à une balance commerciale industrielle (hors énergie) durablement positive d'ici 2015 ; un gain de plus de 2 % de la part française dans la production industrielle de l'Europe (Europe à 15). Cinq leviers d'action ont été identifiés pour porter ce renouveau industriel : mettre l'industrie au coeur d'un grand projet commun ; développer l'emploi et les compétences sur les territoires ; consolider la structuration des filières industrielles françaises ; renforcer la compétitivité des entreprises et l'innovation ; assurer le financement de l'industrie. Depuis le 4 mars 2010, la mise en oeuvre de l'ensemble de 23 mesures est engagée ; elles devraient toutes être opérationnelles avant la fin 2010. La définition des modalités d'application de ces mesures veille, dans la mesure du possible, à préserver le caractère ouvert et associatif qui a dicté l'organisation des EGI et qui a été à l'origine de leur succès (élaboration de groupes de travail relatifs à certaines mesures, consultation des acteurs impliqués). En particulier, parmi les 23 mesures, 8 déjà opérationnelles, sont à signaler plus particulièrement : mesure 1 : créer une conférence nationale de l'industrie. Le décret créant la Conférence nationale de l'industrie (CNI) n° 2010-596 du 3 juin 2010 est paru au Journal officiel (JO) de la République française et l'arrêté de nomination est paru au JO du 6 juillet dernier. Une première réunion s'est tenue sous la présidence de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et du ministre chargé de l'industrie le 8 juillet ; mesure 2 : impulser un pacte pour une Europe industrielle. En lien avec le ministère des affaires étrangères et européennes, un ambassadeur de l'industrie a été désigné fin mai et nommé officiellement fin juin par lettre de mission des ministres concernés, M. Yvon Jacob. Il défendra les positions de la France relatives à la politique industrielle européenne ; mesure 7 : inciter à la réindustrialisation et promouvoir l'emploi sur les territoires. Les modalités de mise en oeuvre du dispositif, mobilisant 200 M d'avances remboursables sur trois ans, ont été arrêtées. Le guichet est ouvert pour les entreprises dès le 8 juillet 2010. Des premières entreprises intéressées ont d'ores et déjà été identifiées ; mesure 10 : améliorer l'évaluation, l'efficacité et la conditionnalité des aides publiques. Une circulaire a été adressée aux préfets de région afin de leur rappeler l'exigence réglementaire consistant à informer, sous certaines conditions, les comités d'entreprise des entreprises faisant l'objet d'aides publiques et d'en préciser les modalités d'application (clause type à insérer dans les conventions signées par l'État) ; mesure 11 : créer des comités stratégiques de filières. Ces comités ont vocation à réunir, par filière, l'ensemble des acteurs concernés, depuis les matières premières jusqu'au produit final servant le consommateur. Leur mission sera de renforcer la compétitivité de la filière, notamment par la construction d'une relation partenariale durable entre les différents acteurs, en particulier via la définition d'une feuille de route de la filière, qui soit partagée par ses acteurs. Elle sera déclinée en actions ou propositions d'actions concrètes en matière de soutien stratégique, de plates-formes partagées, de formation et gestion des compétences, d'actions à l'export, d'innovation, etc. Une liste de filières stratégiques a été présentée et discutée avec les principaux acteurs concernés (fédérations professionnelles, partenaires sociaux). La première réunion de la CNI a permis de lancer les réflexions sur 11 comités stratégiques de filière, qui seront installés progressivement d'ici à la fin de l'année 2010. Le cas échéant, des ajustements sur cette liste pourront être opérés en fonction des travaux de la CNI ; mesure 12 : désigner un médiateur de la sous-traitance, M. Jean-Claude Volot a été fonds désigné par décret du Président de la République en avril dernier ; une lettre de mission lui a été adressée, lui assignant trois objectifs principaux (assurer une médiation collective et anonyme en cas de saisines récurrentes concernant un même donneur d'ordre, assurer une médiation individuelle si le sous-traitant le demande, contribuer à l'amélioration des relations de fond entre donneurs d'ordres et sous-traitants). D'ores et déjà, des dossiers sont en cours d'instruction par le médiateur et son équipe restreinte nationale, de même que certaines réflexions de fond sont engagées. Des médiateurs régionaux ont été désignés en mai, au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. En outre, une évolution de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance pourra être envisagée ; mesure 14 : mettre en place des prêts verts bonifiés. Les modalités de mise en oeuvre du dispositif, mobilisant 500 M, permettant d'apporter directement 600 M de prêts verts et de garantir 2 Md de prêts bancaires complémentaires, sont arrêtées. De même que pour les aides à la réindustrialisation, le guichet (Oséo) est ouvert depuis le 8 juillet 2010 ; mesure 23 : assurer le financement de l'industrie par les établissements bancaires en phase de sortie de crise. La remise des premiers bilans par les entreprises fait naturellement apparaître une dégradation du fait de la crise, mais il serait contre-productif pour l'économie que cette dégradation se traduise par une contraction du crédit aux entreprises. Le groupe de travail, co-animé par direction générale du Trésor et la Banque de France, s'est réuni à trois reprises, permettant un consensus sur certaines bonnes pratiques permettant de mesurer l'interprétation des notations 2009 dégradées des entreprises par les « financeurs », afin d'éviter ce risque. Au-delà de ces quelques exemples, toutes les autres mesures résultant des EGI sont lancées et actuellement en cours de mise en oeuvre. En outre, depuis plusieurs années, l'industrie bénéficie de dispositifs de soutien à la recherche et à l'innovation avec, en particulier, les aides attribuées dans le cadre des financements spécifiques aux pôles de compétitivité et le crédit d'impôt recherche. Plus récemment, pour inciter les entreprises à investir, différentes mesures ont été mises en place : concernant l'amortissement dégressif, dont les taux ont été augmentés d'un demi-point pour les investissements réalisés en 2009 et, bien sûr, en matière de taxe professionnelle, dont sont exonérés les investissements productifs réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009. Depuis lors, la taxe professionnelle a été supprimée, ce qui améliore considérablement la rentabilité des investissements en équipements. L'industrie est l'un des secteurs particulièrement visés par cet allègement de fiscalité, estimé à 2 Md par an (pour l'industrie). Les travaux de la commission pour les investissements d'avenir, présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, ont conduit à des propositions d'investissement dans des domaines stratégiques pour l'avenir, par le biais d'un « grand emprunt ». Comme l'a indiqué le Président de la République, ces investissements serviront, en particulier, à relever le défi de l'économie de la connaissance, celui de la compétitivité de nos entreprises et le défi des équipements industriels innovants. L'industrie sera donc l'un des domaines privilégiés et bénéficiera largement de ces investissements dont la programmation est confiée au Commissariat général à l'investissement : l'automobile, l'aéronautique, le ferroviaire et l'industrie navale seront les principaux bénéficiaires de cette enveloppe. Lors de sa présidence de l'Union européenne (UE) au second semestre 2008, la France a, par ailleurs, initié plusieurs mesures visant à conforter la compétitivité des entreprises en leur offrant un cadre législatif et réglementaire incitatif pour accompagner leur développement. Il convient de citer le soutien à l'innovation via une politique résolue en faveur du développement des pôles de compétitivité au niveau européen et leur mise en réseau pour renforcer l'attractivité de l'UE. En effet, les pôles ou clusters sont un élément central de la stratégie d'innovation et de compétitivité de l'UE qui vise à faire de l'Europe un « leader » mondial de l'économie de la connaissance, condition impérative du maintien de sa compétitivité par une offre de produits et services innovants face à la montée en puissance de nouvelles zones économiques dynamiques. Par ailleurs, la France a oeuvré avec succès à l'adoption d'un Small Business Act européen (SBA) qui dote l'UE d'un véritable cadre pour favoriser la croissance des entreprises et en particulier des PME, véritable moteur de la croissance et de l'emploi au sein de l'UE. Au sein du SBA qui invite les États-membres à adopter le principe « think small first », les cinq initiatives législatives méritent d'être soulignées : règlement général d'exemption par catégorie portant sur les aides d'État, règlement relatif au statut de société privée européenne, directive sur les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), proposition destinée à simplifier et harmoniser les dispositions existantes sur la facturation de la TVA, modification de la directive relative aux retards de paiement. La France avait également souhaité une meilleure prise en compte de la dimension externe de la compétitivité dans les politiques communautaires de manière que la compétition internationale se déroule dans des conditions équitables. Enfin, la France avait plaidé dès cette époque dans le cadre de la redéfinition de la stratégie de Lisbonne, aujourd'hui « UE 2020 », que la politique industrielle occupe une place centrale dans les nouvelles priorités stratégiques de l'UE. Ses efforts ont été couronnés de succès puisque la politique industrielle figure parmi les initiatives phares d'UE 2020. Dans ce contexte, la nomination d'un ambassadeur de l'industrie, mission confiée à M. Yvon Jacob, dans le cadre des états généraux de l'Industrie permettra de porter cette vision française de la politique industrielle, en particulier en ce qui concerne la nécessité d'une véritable loyauté des échanges entre l'UE et ses grands partenaires commerciaux. L'ensemble de ces dispositifs et les 23 mesures arrêtées en conclusion des EGI constituent le plan d'action du Gouvernement pour mettre en oeuvre sa nouvelle politique industrielle et atteindre les objectifs qui ont été fixés en conclusion des EGI.
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