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Stéphane Demilly
Question N° 82553 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 29 juin 2010

M. Stéphane Demilly attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la controverse que suscite le texte de loi visant à introduire dans le droit français l'acte contresigné par avocat. Cette disposition soulève l'inquiétude des huissiers ou encore des notaires, qui craignent de voir modifier notre système juridique de droit écrit pour l'aligner sur le système anglo-saxon. En effet, ils craignent des conséquences graves pour leur profession et pour l'ensemble de nos concitoyens : déséquilibre dans les relations entre les professions juridiques au profit des avocats, au détriment des autres professions. Cet avantage paraît contraire aux finalités poursuivies par les travaux de la commission Darrois, qui prônent le renforcement de l'interprofessionnalité, ainsi qu'aux grands principes du droit communautaire. Or le projet initialement proposé par le conseil national des barreaux (sous l'expression « d'actes sous signature juridique ») n'était pas réservé à une seule profession du droit ; en effet, si le législateur décidait de donner naissance à un nouvel acte, à la valeur probante renforcée par rapport à l'acte sous seing privé, rien ne justifierait que les professionnels qui rédigent aujourd'hui des actes sous seings privés, en vertu de la loi, en soient demain exclus. À ce déséquilibre ainsi créé s'ajoute pour les huissiers de justice et les notaires la crainte qu'un nouvel acte à la valeur probante renforcée ne banalise la spécificité des actes authentiques que, en leur statut d'officiers publics et ministériels, ils dressent quotidiennement. L'introduction d'un acte contresigné par avocat risque ainsi d'affaiblir la sécurité juridique apportée par les actes authentiques et de rompre les équilibres entre les professions du droit. Il souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.

Réponse émise le 14 septembre 2010

L'acte contresigné prévu dans le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées voté en première lecture par l'Assemblée nationale le 30 juin 2010 ne saurait être comparé à la spécificité et à la sécurité qu'apporte dans notre droit l'autorité de l'acte authentique. En particulier, la procédure de remise en cause par la voie de l'inscription de faux, réservée aux actes authentiques, demeure attachée à la qualité d'officier public. Les avocats n'ayant pas reçu délégation de puissance publique, l'acte contresigné ne saurait non plus avoir force exécutoire. Par ailleurs, en intégrant, par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, la profession de conseil juridique dans la profession d'avocat, le législateur a décidé de confier à cette profession, en sus de son activité contentieuse traditionnelle, l'activité de conseil juridique comprenant la consultation et la rédaction d'actes, mettant sur un même plan ces deux composantes essentielles de l'activité des avocats. Ainsi, si le législateur a estimé qu'il convenait de réserver l'activité de conseil juridique exercée à titre principal à tous les membres des professions judiciaires et juridiques, compte tenu des exigences de ces derniers en termes tant d'expérience et de déontologie que de responsabilité, les avocats sont bien, parmi ces professionnels, les premiers rédacteurs d'actes sous seing privé, et sont les mieux placés, par la pratique de leur activité contentieuse, pour anticiper les difficultés d'application et d'exécution des actes, ce qui leur confère une expérience et une compétence particulières. En outre, les notaires et les huissiers de justice sont des officiers publics et ministériels qui disposent d'un monopole défini par la loi. La parcelle de puissance publique qui leur est ainsi confiée justifie que certains des actes qu'ils dressent le soient en la forme authentique. Ainsi, si ces professionnels sont autorisés, en application de l'article 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et dans le cadre défini par leur statut, à rédiger des actes sous seing privé, cette activité n'a pas vocation à constituer leur coeur de métier. Au surplus, autoriser des officiers publics et ministériels à contresigner des actes sous seing privé dans un but autre que de leur conférer l'authenticité entraînerait un risque de confusion dans l'esprit du public, préjudiciable en termes de lisibilité du droit pour les justiciables. C'est pour l'ensemble de ces raisons que, lors de l'examen fin juin du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées, l'Assemblée nationale a réservé l'acte contresigné aux avocats.

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