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Jean-Patrick Gille
Question N° 82090 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 22 juin 2010

M. Jean-Patrick Gille attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation carcérale en France formulées par le comité contre la torture des Nations-unies, à l'occasion de sa 44e session. Ainsi, le comité aborde de nombreuses problématiques notamment l'absence d'intégration, dans le code pénal français, d'une définition de la torture, les recours des demandeurs d'asile, la gestion des interrogatoires et de la garde à vue, la rétention de sûreté. Pour la garde à vue, le comité réitère sa recommandation précédente que l'État partie prenne les mesures législatives adéquates afin de garantir l'accès immédiat à un avocat lors d'une garde à vue, conformément à l'article 11 de la convention. Le comité recommande également que des mesures soient prises afin de réduire le recours à la détention provisoire, ainsi que sa durée. S'agissant des conditions carcérales et de la politique pénale, le comité invite l'État partie à entreprendre une réflexion importante sur les effets de sa politique pénale récente sur la surpopulation carcérale. Par exemple, en Indre-et-Loire, la maison d'arrêt de Tours subit une surpopulation carcérale depuis plusieurs années : le taux d'occupation y est de 250 %, soit un surveillant pour 90 détenus. Le comité recommande notamment à l'État partie d'envisager un recours plus important à la substitution de peines non-privatives de liberté aux peines d'emprisonnement encourues en l'état actuel. Il lui recommande également de lui fournir des informations quant à la mise en oeuvre concrète et périodique des recommandations du contrôleur général des lieux de privation de liberté adoptées à la suite de ses visites, y compris en ce qui concerne les détenus atteints de pathologies psychiatriques. Afin que la France se conforme pleinement aux conventions internationales, il souhaiterait connaître les suites que le Gouvernement entend donner à ces observations.

Réponse émise le 2 novembre 2010

La France est naturellement attentive aux recommandations formulées par le comité des Nations unies contre la torture. Elle ne les a toutefois pas attendues pour mettre en oeuvre de nombreuses mesures. Le comité recommande à la France d'intégrer dans la législation pénale française une définition de la torture conforme à l'article 1er de la convention et distincte des actes de violence commis par des acteurs non étatiques. Cette recommandation est déjà largement satisfaite, la législation pénale française allant même au-delà des exigences de la convention. Les dispositions relatives aux tortures et actes de barbaries figurent aux articles 222-1 à 222-6 du code pénal, tandis que les dispositions relatives aux violences figurent aux articles 222-7 à 222-16-2. La distinction entre les tortures et actes de barbarie et les violences se retrouve dans les peines encourues. En effet, les tortures et actes de barbarie, quelles que soient les circonstances, constituent toujours des crimes passibles de peines de réclusion criminelle, alors que les violences constituent, selon les circonstances, soit des crimes, soit des délits passibles de peines d'emprisonnement correctionnel. En outre, les peines encourues pour les tortures et actes de barbarie et pour les violences sont aggravées en fonction de diverses circonstances attachées aux modalités de l'acte (préméditation, usage d'une arme...), à la qualité de la victime (minorité, infirmité connue ou apparente, appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie...) ou à la qualité de l'auteur, et notamment « par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ». Ainsi, le droit pénal français, en distinguant les tortures et actes de barbarie sur le critère de gravité de l'acte plutôt que sur le critère de la qualité de l'auteur de l'infraction, permet une protection plus large des victimes et une répression plus juste des délinquants, puisque : les violences particulièrement graves commises par des agents de la fonction publique peuvent être poursuivies du chef de tortures et actes de barbarie (art. 222-3 [7°]) ; celles commises par des particuliers peuvent également être poursuivies du chef de tortures et actes de barbarie ; les violences, même sans gravité, commises par des agents de la fonction publique peuvent être poursuivies du chef de violences volontaires aggravées (222-8 [7°], 222-10 [7°], 222-12 [7°], 222-13 [7°]) ; celles commises par des particuliers peuvent être poursuivies du même chef. En conséquence, le droit pénal français est déjà conforme à la définition et à la finalité de la convention, notamment en comportant des dispositions de portée plus large, qui permettent de poursuivre un agent public du chef de tortures et actes de barbarie, ou de violences volontaires, selon la gravité de l'acté commis et l'intensité du préjudice subi. S'agissant de la réduction du recours à la détention provisoire, il peut être rappelé que les réformes successives du code de procédure pénale sont venues encadrer strictement le recours à cette mesure de sûreté. En dernier lieu, la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale a modifié l'article 144 du code de procédure pénale. Par ailleurs, la loi a introduit la publicité des débats en matière de détention provisoire devant le juge des libertés et de la détention et la chambre de l'instruction, supprimé le critère du trouble à l'ordre public en matière correctionnelle et rendu obligatoire la désignation d'un avocat d'office, en l'absence d'avocat désigné, lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention. S'agissant enfin des conditions de détention et de la politique pénale en matière d'exécution des peines, l'architecture des établissements les plus anciens ne répond évidemment pas aux normes sanitaires et techniques actuelles. L'administration pénitentiaire a entrepris, dans les dernières décennies, un effort considérable de modernisation. Parallèlement, de nouvelles places ont été créées par la construction de nouveaux établissements. Un programme de construction de 13 200 places, lancé en 2002, s'achèvera en 2012. Un nouveau programme immobilier pénitentiaire, prévoyant le remplacement de 12 300 places vétustes et la création de 5 000 places supplémentaires, est également en cours d'élaboration. Il est axé sur l'amélioration des conditions de prise en charge des personnes placées sous main de justice et sur le respect des règles pénitentiaires européennes. Il doit permettre de poursuivre la mise à niveau des établissements pénitentiaires, soit par leur rénovation, soit par reconstruction, afin de mettre en place les prescriptions de la loi pénitentiaire. Ce nouveau programme permettra, en 2017, de disposer d'un parc d'une capacité de 68 000 places de prison, dont 35 000 auront moins de 30 ans, pour une population carcérale qui devrait logiquement diminuer. Au 1er septembre 2010, celle-ci s'élevait à 60 789. Elle était de 61 787 au 1er septembre 2009, soit une baisse d'environ 2 % en un an. Le développement des aménagements de peine devrait prolonger cette tendance, en facilitant la réinsertion, et lutter contre la récidive. Par circulaire du 29 septembre 2009, le ministre d'État a demandé aux parquets d'intensifier la politique d'aménagement de peine et d'amplifier la concertation entre les autorités judiciaires, l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, par la mise en place d'une politique partenariale d'exécution des peines d'emprisonnement ferme. Plusieurs dispositions de la loi pénitentiaire n° 1436-2009 du 24 novembre 2009 permettent de développer les alternatives à l'incarcération et d'élargir les conditions d'octroi des aménagements de peine, en simplifiant les procédures. Est en outre posé le principe de l'exécution des quatre derniers mois de la peine d'emprisonnement sous surveillance électronique. Au 1er septembre 2010, 7 769 condamnés bénéficiaient d'un aménagement de peine sous écrou, contre 6 383 au 1er septembre 2009, se décomposant de la façon suivante : 981 mesures en placement extérieur dont 378 sont hébergées ; 1 551 de semi-liberté ; 5 237 mesures de placement sous surveillance électronique. Ainsi, 15,1 % de l'ensemble des personnes condamnées exécutent actuellement leur peine de manière aménagée. Ces chiffres sont en constante augmentation. S'agissant des recommandations du contrôleur général des lieux de privation de libertés, les rapports de visites qu'il effectue sont examinés avec la plus grande attention et la direction de l'administration pénitentiaire assure un suivi rigoureux des observations sur lesquelles la ministre d'État s'est engagée et examine la faisabilité des autres observations contenues dans les rapports. S'agissant en dernier lieu de la question de la garde à vue, le Gouvernement entend tirer toutes les conséquences de la décision du 30 juillet 2010 du Conseil constitutionnel qui, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité en application du nouvel article 61-1 de la Constitution, a estimé que les dispositions actuelles concernant les gardes à vue de droit commun n'assuraient pas une conciliation équilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Le conseil a considéré que ces dispositions restreignent, sans considération des circonstances particulières de l'espèce, la possibilité de bénéficier d'une assistance effective d'un avocat, alors même que la personne gardée à vue ne reçoit pas la notification du droit de garder le silence. Le Gouvernement a, en conséquence, préparé un avant-projet de loi tendant à limiter et à encadrer les gardes à vue. Ce projet devrait être adopté en conseil des ministres et déposé au Parlement dans les prochaines semaines, pour être ensuite examiné dans les meilleurs délais.

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