Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud alerte M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la persistance de la malnutrition dans le monde. Au xxie siècle, on estime encore à près de 850 millions le nombre de personnes touchées par ce phénomène, soit un être humain sur sept qui souffre de faim chaque jour. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 20 millions de jeunes enfants souffrent de malnutrition aiguë sévère. Chaque année, ce sont 30 millions de personnes qui meurent de faim, dont 5 millions d'enfants avant leurs cinq ans. L'Inde et l'Afrique représentent près de la moitié des cas concernés. En 2000, les 191 pays membres de l'ONU se sont engagés à atteindre d'ici à 2015 les huit objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le premier d'entre eux vise à « réduire de moitié l'extrême pauvreté et la faim ». Le Président de la République a déclaré vouloir une politique d'aide au développement ambitieuse et donner la priorité à l'Afrique. En conséquence, elle souhaiterait connaître les moyens et les actions prévus par la France dans ce domaine.
En 2000, lors du sommet du Millénaire, les 191 chefs d'État des pays membres de l'ONU se fixaient huit objectifs pour réduire la pauvreté d'ici à 2015 et faire du « droit au développement une réalité pour tous » (déclaration du Millénaire, résolution adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 8 septembre 2000, à New York). À mi-parcours, le bilan est contrasté (les chiffres avancés ci-après ne sont pas tous actualisés pour les années 2006 ou 2007 ; en effet, les suivis chiffrés opérés ne se font pas annuellement pour tous les OMD) : les OMD ne seront pas atteints partout. Le creusement des inégalités est le fait le plus saillant de ces sept premières années. Si de nombreux pays (asiatiques) devraient atteindre les objectifs fixés, voire dans certains cas les dépasser, ces réussites ne doivent pas masquer l'ampleur des besoins de l'Afrique, en particulier de l'Afrique subsaharienne. Les résultats obtenus par certains pays démontrent que la réussite est possible et témoignent du degré d'engagement de chacun des acteurs, engagement à tenir et renforcer. OMD 1 : réduire l'extrême pauvreté et la faim de moitié. En 2004, 980 millions de personnes vivaient avec mois d'un dollar par jour, soit moins d'1/5e de la population mondiale. Cette proportion était de 1/3 en 1990. L'Asie orientale et l'Asie du Sud-Est voient la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté descendre respectivement à 9,9 % et 8,7 % en 2004 (33 % et 20,8 % en 1990). Ce sont ces régions qui permettent d'accéder à l'objectif global de réduction. En Afrique, le nombre de pauvres a augmenté de 140 millions de personnes. La tendance est à la stabilisation depuis 2000 mais l'objectif ne sera pas atteint. Selon la FAO, 96 % des 854 millions de personnes souffrant de la faim vivent dans' les pays en développement (PED). La stagnation mondiale du nombre de personnes souffrant de la faim masque des disparités importantes : l'Asie, le Pacifique, l'Amérique latine et les Caraïbes enregistrent une réduction générale tant en valeur absolue qu'en proportion alors qu'en Afrique, le nombre de personnes souffrant de la faim est passé de 169 à 206 millions entre 1995 et 2003, même s'il diminue en terme relatif. Les 3/4 des personnes qui ont faim sont des ruraux. En 2006, la France a engagé 71 millions d'euros pour la réalisation de cet OMD. Elle mobilise notamment son aide alimentaire programmée pour stimuler la production là où elle peut l'être, avoir recours à des acteurs nationaux et effectuer des distributions alimentaires ciblées (école, hôpital, travaux d'amélioration foncière, etc.). OMD 2 : assurer l'éducation primaire pour tous. 47 pays (sur 163 PED) ont réalisé l'éducation primaire pour tous, les projections estimant que 20 pays supplémentaires atteindront l'objectif pour 2015. Cependant, en 2005, 72 millions d'enfants n'ont pas accès à l'école primaire. Les défis sont les plus grands en Afrique subsaharienne où 40 % des enfants n'atteignent pas la fin du cycle primaire. Un enfant sur cinq en âge d'être en cycle secondaire est encore scolarisé en cycle primaire. Enfin, considérant que le cycle primaire dure cinq ans, ce n'est donc pas 7 ans qu'il nous reste pour atteindre cet objectif mais seulement deux. En 2006, l'AFD a engagé 78,9 millions d'euros pour la réalisation de cet OMD. Par ailleurs, la France contribue à hauteur de 20 millions d'euros sur trois ans aux fonds de l'initiative de mise en oeuvre accélérée de l'éducation pour tous (Fast Track). OMD 3 : promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes. La proportion d'enfants en âge d'être scolarisés au primaire et qui ne le sont pas était en 2005 de 20 % pour les filles contre 17 % pour les garçons. Les écarts les plus importants se trouvent en Asie du Sud (29 contre 22) et en Océanie (26 contre 18). La présence des femmes dans les parlements progresse même si elle reste encore loin d'un objectif de parité : 17 % en moyenne dans les pays en développement en 2006 (13 % en 1990). Sur cette cible, avec une moyenne de 21 %, les pays développés sont également loin du compte. OMD 4 : réduire la mortalité infantile. Dix millions d'enfants sont morts avant 5 ans en 2005. Le taux de mortalité dans les régions en développement a chuté mais reste élevé : en 2005, il est de 83 contre 106 en 1990. L'objectif est fixé à 33 en 2015. L'Afrique subsaharienne, où vivent 20 % des enfants de moins de 5 ans, pèse pour 50 % dans les décès. En 2006, l'AFD a engagé 49,6 millions d'euros pour la, réalisation de cet OMD. Par ailleurs, la France contribue à hauteur d'un milliard d'euros sur les 15 ans (2000-2015) à l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI). OMD 5 : améliorer la santé maternelle. La plupart des pays à revenu moyen connaissent une forte réduction des décès maternels. Ici, c'est surtout la disparité entre villes et campagnes qui est très grande. Une enquête menée dans 33 PED montre que les citadines ont 3 fois plus de chances de bénéficier de l'aide d'un personnel compétent lors d'un accouchement que les femmes des zones rurales. On comprend dès lors les écarts régionaux observés : ce sont les pays où la population est majoritairement rurale qui connaissent les progrès les plus lents (Afrique subsaharienne essentiellement) où les accouchements assistés sont de l'ordre de 45 % en 2005 contre 42 % en 1990, ils sont de l'ordre de 70 % pour les autres PED). En 2006, l'AFD a engagé 49,6 millions d'euros pour la réalisation de cet OMD. OMD 6 : combattre l'infection VIH-sida, le paludisme et les autres maladies. La lutte contre le sida s'est amplifiée ces dernières années mais doit encore être renforcée. En décembre 2006, 2 millions de personnes vivant dans les PED bénéficiaient d'une thérapie antirétrovirale, soit une couverture de 28 % des besoins estimés en termes de traitement. 2,8 millions de personnes sont mortes du sida en 2005 dont 2 millions en Afrique subsaharienne. Un point positif : la prévalence dans cette région se stabilise (autour de 6 % avec une tendance à la baisse), fruit des efforts de prévention. Le paludisme concerne aujourd'hui 40 % de la population mondiale ; on dénombre 1 million de morts et 300 millions d'accès palustres par an, dont 90 % en Afrique. Le nombre d'interventions de contrôle et l'utilisation des moustiquaires progressent mais trop lentement. En 2006, l'AFD a engagé 18,8 millions d'euros pour la réalisation de cet OMD. Par ailleurs, en 2007, la France contribue à hauteur de 300 millions d'euros à la fois pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, complété par la contribution de solidarité internationale sur les billets d'avion. OMD 7 : assurer un environnement durable. Le manque d'accès à l'eau potable et à l'assainissement est la première cause de mortalité dans le monde. La cible sur l'eau potable devrait être atteinte à l'échelle mondiale, grâce aux progrès réalisés en Chine, en Inde et au Brésil. En revanche, la cible assainissement ne sera pas atteinte. Une population estimée à 1,6 milliard de personnes a besoin d'une amélioration de l'hygiène pour atteindre les objectifs. Depuis 2007, la moitié de la population mondiale vit en ville. Croissance démographique et migration urbaine vont contribuer à une croissance continue de la population urbaine pour atteindre 5 milliards en 2030, principalement en Afrique et en Asie. En 2005, un urbain sur trois habitait dans un taudis - contre un sur deux en 2000. Le taux de croissance des taudis diminue mais pas suffisamment compte tenu de la croissance urbaine. 13 millions d'hectares de forêts naturelles sont annuellement détruits et convertis en terres agricoles. Cette déforestation est à l'origine de 20 % des émissions mondiales de CO2 et a des effets néfastes sur le cycle de l'eau, l'érosion des sols et la diversité biologique. La perte de la diversité biologique s'accélère : on craint l'extinction de 25 à 50 % des espèces d'ici à la fin du siècle... Entre autres conséquences dramatiques pour la planète, ce phénomène a un impact sur la vie des populations parmi les plus pauvres dont l'alimentation, les médicaments et l'énergie proviennent des ressources naturelles. En 2006, l'AFD a engagé 796,4 millions d'euros pour la réalisation de cet OMD. Par ailleurs, entre 2007 et 2010, la France contribuera à hauteur de 164 millions d'euros à la Facilité pour l'environnement mondial (FEM-GEF) et 701 millions d'euros au Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM). OMD 8 : partenariat pour le développement. Les pays comme la France sont tout particulièrement concernés par l'OMD 8 qui, en reconnaissant l'interdépendance entre le Nord et le Sud, invite à prendre des mesures en terme d'augmentation de l'aide publique au développement (APD), à promouvoir les programmes de réduction et d'annulation de la dette, à contribuer à l'adoption de règles commerciales favorables aux pays en développement. Le cycle de négociations commerciales de Doha se veut par conséquent le cycle du développement mais sa conclusion est pour le moment compromise. La France s'investit dans les processus de réduction ou d'annulation de dettes, considérée comme une condition sine qua non au développement de nombreux pays. La France est le premier contributeur à l'initiative pays pauvres très endettés (IPPTE). La France promeut également de nombreuses initiatives multilatérales innovantes. Dans le cadre de la lutte contre l'infection VIH-Sida, on peut citer la mise en oeuvre en 2006 de la facilité internationale d'achat de médicaments. Dénommée Unitaid, cette initiative a été lancée conjointement par le Brésil, le Chili, la France, la Norvège et le Royaume-Uni. Elle vise à assurer la stabilité et la prévisibilité des financements, permettant aux États de concentrer leur énergie à la mise en oeuvre de leurs programmes dans un souci de pérennisation. Grâce aux prélèvements solidaires, Unitaid permet d'accroître l'offre et de faire baisser les prix. Enfin, elle fait preuve d'innovation en faisant appel à des financements innovants. La France a ainsi adopté en décembre 2005 la loi instaurant la contribution volontaire sur les billets d'avion, permettant de récolter 200 millions d'euros par an (300 millions prévus en 2007). Pour garantir des avancées certaines dans l'atteinte des OMD, les besoins financiers sont importants. Il s'agit donc de respecter les engagements pris mais aussi de les renforcer. En effet, assurer l'éducation pour tous requiert des flux annuels d'aide estimés à 3 milliards de dollars, soit trois fois les flux constatés en 2005. Pour réaliser les OMD santé, les besoins sont évalués à 28 milliards de dollars par an et ne sont que très partiellement couverts pour le moment. Rien que pour le paludisme, l'OMS estime les besoins à 2,9 milliards de dollars par an, or seuls 650 millions sont pour le moment garantis. La France s'est engagée en faveur d'une augmentation de son APD. Depuis 2001, le montant global est passé de 4,7 milliards à 8,3 milliards d'euros, soit une augmentation de 77 %. L'APD française atteignait, en 2006, 0,47 % du revenu national brut, l'objectif est fixé à 0,7 % en 2015 (ressources bibliographiques : État d'avancement des objectifs du millénaire pour le développement, dix ans avant l'échéance de 2015, DGCID, mars 2007 ; Objectifs du millénaire pour le développement, rapport 2007, Nations unies, juillet 2007).
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.