M. Michel Voisin appelle l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la situation des semences des plantes et des animaux de rente vis-à-vis des brevets dont ils peuvent faire l'objet. La législation devrait permettre de protéger les semences, les plantes et animaux de tout type de brevet pour éviter la monopolisation et l'appropriation abusive de ces biens. Il en va de l'indépendance alimentaire mondiale et de la protection de la biodiversité indispensable au bon fonctionnement de toutes les branches de notre agriculture. En conséquence, il lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour protéger les semences, les plantes et les animaux de rente de tout brevet portant atteinte aux libertés fondamentales des exploitants agricoles.
Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche tient tout d'abord à rassurer l'honorable parlementaire quant à la crainte exprimée de voir des brevets d'invention qui engloberaient toute la chaine alimentaire jusqu'aux produits alimentaires tels que viande ou huile. Ce type de brevet englobant n'existe pas actuellement et ne saurait exister, je m'engage à veiller à ce que ce type d'extension de revendication ne soit pas autorisé. En effet, le brevet tel qu'il est compris en France et en Europe concerne un procédé et ne peut être étendu à un produit dérivé qui ne bénéficie pas directement du procédé breveté. La Cour de justice européenne vient d'ailleurs de statuer que le brevet de Monsanto portant sur les semences génétiquement modifiées de soja résistantes à un herbicide ne s'applique pas au tourteau de soja qui est un produit obtenu après plusieurs traitements de la plante transgénique et dont la fabrication n'utilise pas la propriété brevetée de résistance à un herbicide. D'une manière générale, le brevet est un outil de valorisation de la recherche, mais ce n'est pas le seul. Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations-unies pour le droit à l'alimentation, souligne, à juste titre, la particularité du domaine alimentaire, dans la mesure où tout homme doit pouvoir accéder à une nourriture saine et suffisante. Les variétés végétales sont protégées par le certificat d'obtention végétale, et le brevet pris sur un événement de transgénèse ne peut revendiquer l'ensemble des caractéristiques de la variété, mais seulement les caractéristiques nouvelles conférées par le procédé breveté, telles que la résistance à une maladie par exemple. Comme le souligne le rapporteur spécial, il faut « faire en sorte que les innovations produisant des variétés améliorées et de nouvelles ressources végétales profitent à tous les agriculteurs, y compris les plus vulnérables et les plus marginalisés ». C'est pourquoi le CIRAD, organisme public de recherche français dédié à la recherche agronomique pour le Sud, propose une licence gratuite d'utilisation de ses innovations végétales à tout pays en développement qui en fait la demande. La France a signé le Traité international sur les ressources phylogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, qui établit un système multilatéral destiné à faciliter l'accès aux ressources phylogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, et à partager de manière juste et équitable les avantages qui en découlent. Le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche pourra donner plus d'informations à l'honorable parlementaire sur la mise en oeuvre de ce traité. Du point de vue de la recherche, il est important de maintenir l'accès à la diversité génétique, source d'innovations. Les biotechnologies offrent d'immenses opportunités pour l'adaptation des plantes au changement climatique et notre recherche se doit d'être forte dans ce domaine. Le programme Investissements d'Avenir comporte un appel d'offres dédié aux Biotechnologies et Bioressources pour développer ces opportunités. Il est attendu que les projets déposés dans ce cadre répondent aux questionnements d'ordre juridique, éthique, anthropologique et philosophique, soulevés par l'utilisation du vivant, et analysent l'impact socio-économique des innovations proposées. Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche tient donc à assurer l'honorable parlementaire de l'attention que le Gouvernement porte à l'essor des biotechnologies dans le respect des droits de l'homme et en cohérence avec les principes du développement durable.
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