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Franck Gilard
Question N° 8 au Ministère de la Justice


Question soumise le 3 juillet 2007

M. Franck Gilard attire l'attention de M. le Premier ministre sur une récente jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur les fonctions consultatives et juridictionnelles du Conseil d'État du Grand-Duché du Luxembourg. En effet, dans son arrêt du 28 septembre 1995 Association Procola c/Luxembourg, la CEDH, sur le fondement de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial », remet en cause l'impartialité et l'indépendance du Conseil d'État luxembourgeois. Á la suite de cet arrêt, le Grand-Duché du Luxembourg a réformé son Conseil d'État en séparant les fonctions consultatives et juridictionnelles. Soucieux de conserver le modèle français du Conseil d'État, il souhaiterait donc connaître quelles pourraient être les conséquences de cet arrêt de la CEDH en France. - Question transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Réponse émise le 11 décembre 2007

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la Cour européenne des droits de l'homme a, par un arrêt du 29 septembre 1995, Procola c/ Luxembourg, jugé contraire au droit à un procès équitable, protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la circonstance que plusieurs membres du Conseil d'État luxembourgeois aient eu à connaître successivement des mêmes décisions au titre des fonctions consultative et juridictionnelle de cette institution. Cet arrêt est fondé sur la théorie dite « de l'apparence », la Cour ne mettant pas en doute l'impartialité subjective des juges mais estimant que le requérant avait pu légitimement craindre qu'ils se soient sentis liés, en statuant au contentieux, par l'avis consultatif précédemment rendu. Il ressort toutefois clairement de la jurisprudence ultérieure de la Cour que le cumul de fonctions consultatives et juridictionnelles par une même institution n'est pas en lui-même prohibé par l'article 6 de la convention : ce dernier s'oppose seulement à ce qu'une même personne ait à connaître successivement d'une « même affaire » ou d'une « même décision » au titre de ces deux fonctions (voir, en ce qui concerne le Conseil d'État néerlandais, l'arrêt du 6 mai 2003, Kleyn et autres c/ Pays-Bas). Ainsi, s'agissant du Conseil d'État français, la Cour a jugé, par un arrêt Sacilor-Lormines c/ France du 9 novembre 2006, que la circonstance que le Conseil d'État ait rendu un avis consultatif où étaient abordées, « d'une manière générale et abstraite », des questions juridiques relatives au régime des mines, ne permettait pas de conclure que les membres ayant ensuite siégé au contentieux aient abordé avec préjugé l'examen du cas particulier de la société d'exploitation minière requérante. Elle a, en outre, relevé qu'aucune des personnes ayant ainsi siégé n'avait participé à l'adoption de l'avis précédemment rendu au titre des fonctions consultatives du Conseil d'État, conformément à une pratique qu'il est d'ailleurs envisagé de solenniser en l'inscrivant dans les textes, ainsi que l'avait déjà fait, en son temps, l'article 20 de la loi du 24 mai 1872. La dualité de fonctions du Conseil d'État français n'apparaît donc pas remise en cause par cette jurisprudence.

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