M. Michel Raison interroge M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État sur le versement de l'aide à l'adaptation de l'avocat à ses nouvelles conditions d'exercice professionnel. Le décret n° 2008-741 du 29 juillet 2008 a créé cette aide pour compenser le préjudice porté aux avocats concernés par le décret n° 2008-145 du 15 février 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux de grande instance. Les avocats exerçant dans un TGI supprimé ont reçu une aide caractérisée par le versement d'une première tranche forfaitaire d'un montant maximal de 10 000 € effectué en fin d'année 2008. La question se pose de savoir comment ce versement doit être pris en compte lors de l'établissement de la déclaration de revenus pour l'année de référence sachant que ce revenu ne constitue pas une recette professionnelle de substitution mais bel et bien la réparation forfaitaire d'un préjudice moral subi. Or sa soumission à l'impôt semblerait contraire au principe de réparation intégrale du dommage et pourrait être incompatible avec le droit au respect des biens, garanti par l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Il existe une jurisprudence abondante de la Cour européenne des droits de l'Homme fondée sur ce dernier article ayant pour objet de sanctionner les lois empêchant les justiciables d'exercer pleinement leur droit à indemnisation. Il souhaiterait donc connaître sa position sur la question de l'imposition de l'aide à l'adaptation versée aux cinq cents avocats concernés.
L'aide instituée par le décret n° 2008-741 du 29 juillet 2008, en vue de l'adaptation de l'exercice de la profession d'avocat aux conditions nouvelles résultant de la suppression de certains tribunaux de grande instance, est composée de deux fractions. La première fraction, à laquelle l'auteur de la question fait référence, est égale, dans la limite de 10 000 EUR, à 25 % du montant des recettes professionnelles réalisées par l'avocat au titre de l'exercice 2006 ou de l'exercice 2007. Les indemnités destinées à compenser, soit un préjudice financier résultant de la perte d'un revenu professionnel, soit des charges admises en déduction, constituent des recettes professionnelles qui doivent être prises en compte pour la détermination du bénéfice imposable au titre de l'exercice où elles ont été versées ou acquises (art. 93 et 93 A du CGI). Dans ces conditions, la première fraction de l'aide est par nature et pour sa totalité imposable. Cela étant, à titre exceptionnel, il a été admis de lui appliquer le régime des plus-values professionnelles. Ainsi, en matière d'impôt sur le revenu, celle-ci sera imposée au taux de 16 %, et soumise aux prélèvements sociaux (dès lors que l'activité aura été exercée depuis au moins deux ans à la date du versement de l'aide). Toutefois, elle pourra être exonérée, en application des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts (CGI) pour les avocats exerçant, à titre individuel ou dans le cadre de sociétés de personnes non soumises à l'impôt sur les sociétés, leur activité depuis au moins cinq ans et dont le montant moyen annuel des recettes hors taxes n'excède pas 90 000 EUR pour une exonération totale et 126 000 EUR pour une exonération partielle au titre des deux années civiles précédant l'année de versement de l'aide. Si la Cour européenne des droits de l'Homme a effectivement, à plusieurs reprises, indiqué, sur le fondement de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que « sans le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive » (voir par exemple l'arrêt « Les saints monastères contre Grèce » du 9 décembre 1984), elle n'a fait que se prononcer sur la nécessité d'indemniser les atteintes au droit de propriété de manière suffisante tout en réservant le cas des prélèvements fiscaux, dont la Cour ne manque pas de rappeler qu'ils constituent « une ingérence dans le droit garanti » par cet article. Au cas présent, la situation des avocats se rapproche davantage de celle dont la Cour a eu à connaître dans l'affaire « di Belmonte contre Italie », qui visait la soumission à un impôt de 20 % des plus-values réalisées en cas d'expropriation. Dans son arrêt du 16 mars 2010 (qui a donné satisfaction au contribuable pour des raisons d'espèce, la loi italienne ayant été appliquée de manière rétroactive aux indemnités qu'il avait perçues), la Cour prend soin d'indiquer, aux points 41 et 42 de sa décision, qu'en matière fiscale « les États parties disposent en la matière d'un large pouvoir d'appréciation » et qu'elle « estime que la loi [italienne en question dans l'affaire] s'inscrit dans cette marge d'appréciation de l'État et (...) ne saurait être considérée en tant que telle comme arbitraire ». En conséquence, rien ne s'oppose à l'application du régime fiscal rappelé ci-dessus.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.