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Jean-François Mancel
Question N° 79174 au Ministère de l'Immigration


Question soumise le 25 mai 2010

M. Jean-François Mancel alerte M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur l'expulsion des immigrés clandestins. Si l'on en croit les sources officielles, sur 100 000 immigrés clandestins visés par un arrêté de reconduite à la frontière, 1/3 sont effectivement reconduits, 1/3 n'obtiennent pas le laissez-passer de leur pays d'origine et sont libérés, 30 % sont libérés sur décision judiciaire et 4 % sur décision du tribunal administratif. Devant cette situation due à des procédures inadaptées, il lui demande quelles sont les dispositions législatives ou réglementaires qu'il compte soumettre au Parlement ou prendre pour corriger ces graves dysfonctionnements qui nuisent à l'efficacité de la politique de l'immigration qu'il mène avec le soutien d'une très large majorité de nos compatriotes.

Réponse émise le 11 janvier 2011

Le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 12 octobre 2010, comprend plusieurs dispositions permettant d'améliorer l'efficacité des procédures d'éloignement. Il s'inspire de préconisations formulées par la Commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration présidée par M. Pierre Mazeaud. La transposition de la directive 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour », implique par ailleurs la création de mesures propres à renforcer l'efficacité des mesures d'éloignement. La première cause d'échec des éloignements tient aux difficultés d'obtention des laissez-passer consulaires dans des délais utiles. En conséquence, le projet de loi porte de trente-deux à quarante-cinq jours la durée maximale de la rétention administrative. Cette durée correspond à la règle actuellement négociée par la Commission européenne avec des pays tiers pour la délivrance des laissez-passer consulaires dans le cadre des réadmissions : elle est nécessaire à la bonne insertion des pratiques françaises dans le cadre européen. Très inférieure à la durée maximale autorisée par la directive « retour », qui est de six mois avec possibilité de douze mois supplémentaires en cas de manque de coopération de l'étranger concerné ou de retards subis pour obtenir du pays d'origine les documents nécessaires, elle restera la plus courte d'Europe. La deuxième difficulté tient à la charge contentieuse et à son caractère trop souvent « virtuel » en ce sens qu'une forte proportion des décisions soumises au juge et validées par lui n'est pas suivie d'une exécution effective. Elle pèse sur les deux ordres de juridiction qui interviennent dans la procédure d'éloignement. Le juge administratif, saisi dans les 48 heures, dispose de 72 heures pour se prononcer, tandis que le juge judiciaire doit pour sa part être saisi et statuer en 48 heures. Comme l'a souligné le rapport de la commission présidée par M. Mazeaud, le délai imparti au juge des libertés et de la détention est trop court et il arrive fréquemment qu'il se prononce sur la prolongation de la rétention alors que l'arrêté de reconduite à la frontière qui en est le fondement va être ensuite examiné et éventuellement annulé. En conséquence, le projet de loi revoit l'ordre d'intervention des deux juges : le juge des libertés et de la détention sera désormais saisi à l'expiration d'un délai de cinq jours, équivalant à celui dans lequel le juge administratif est saisi et statue sur les mesures d'éloignement et de placement en rétention. Le juge judiciaire ne sera donc plus susceptible de prolonger les effets d'une décision illégale. Cette réforme va dans le sens d'une meilleure administration de la justice. Les ordonnances refusant la prolongation de la rétention et remettant l'étranger en liberté ont été en 2009 à l'origine de 27,24 % des échecs des éloignements, auxquels il convient d'ajouter les cas de non-représentation de l'étranger assigné à résidence par le juge des libertés et de la détention (6,57 % des échecs). Le rapport de la commission présidée par M. Mazeaud a souligné que la plupart des ordonnances de refus de prolongation se fondent sur des irrégularités de procédure, qu'il s'agisse d'exceptions de nullité tirées des formes prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ou de la procédure pénale antérieure, dans une moindre mesure de la procédure civile devant le juge des libertés et de la détention. Le projet de loi prévoit de mieux encadrer le traitement de ces exceptions de nullité en introduisant dans le CESEDA le principe jurisprudentiel selon lequel « il n'y a pas de nullité sans grief » : le juge judiciaire doit procéder à un contrôle effectif de l'atteinte portée aux droits de l'étranger dans la ligne de la jurisprudence établie de la Cour de cassation. D'autre part, toujours dans la ligne stricte de la Cour de cassation, le projet instaure un dispositif de purge des nullités : le juge, saisi d'une seconde requête, ne pourra se prononcer que sur les irrégularités de procédure survenues postérieurement à la première audience. En outre, le délai accordé au procureur de la République pour former une déclaration d'appel suspensif est allongé afin de faciliter l'utilisation de cette procédure employée pour seulement 6 % des refus de prolongation, alors que le taux d'annulation en appel est des deux tiers et qu'un appel non suspensif est nécessairement dépourvu d'impact concret. Les mêmes règles sont symétriquement énoncées pour ce qui concerne le contrôle opéré par le juge sur le maintien en zone d'attente d'un étranger et en rétention administrative. Par ailleurs, afin de limiter les contentieux de pure forme, le projet de loi aménage, dans le respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles, les conditions d'exercice des droits des personnes retenues ou maintenues en zone d'attente. Ainsi, l'étranger auquel est notifiée une décision de placement en rétention est informé des droits qu'il peut exercer dès son arrivée au lieu de rétention où une notification des droits lui est faite. Il dispose en effet dans les lieux de rétention, des aménagements et de l'assistance permettant l'exercice effectif de ces droits. De plus, dans la ligne de la Cour de cassation, le projet de loi assouplit, en cas exceptionnel de placement en rétention ou de maintien en zone d'attente simultané d'un nombre important d'étrangers, les règles relatives au délai de notification et d'accès aux droits, de manière à ce que dans son appréciation du respect des règles, le juge tienne compte des contraintes particulières liées à ce type de situation. Enfin, conformément à la directive « retour », le projet de loi crée une nouvelle mesure renforçant l'efficacité des mesures d'éloignement : l'interdiction de retour sur le territoire, de dimension européenne en tant qu'elle s'appliquera sur le territoire de tous les États membres. Son champ d'application et sa durée seront précisément définis et limités, avec une possibilité de dérogation générale, pour tenir compte des cas humanitaires, et un dispositif d'abrogation.

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