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Kléber Mesquida
Question N° 78850 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 18 mai 2010

M. Kléber Mesquida attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées, présentée au conseil des ministre le 17 mars 2010, visant à introduire en droit français un acte contresigné par avocat. Les huissiers de justice s'interrogent sur l'intérêt et l'utilité que le justiciable pourrait retirer d'un tel acte qui se situerait entre l'acte sous seing privé et l'acte authentique. Cette disposition pourrait introduire un facteur de déséquilibre flagrant au sein des professions juridiques et accorder un avantage concurrentiel aux seuls avocats. « L'acte contresigné par avocat » semble se détacher des travaux de la commission Darrois qui recommandait le renforcement de l'interprofessionnalité et des grands principes du droit communautaire. Par ailleurs, ce nouvel acte pourrait banaliser la spécificité des actes authentiques que les huissiers de justice dressent régulièrement en vertu de leur statut d'officiers publics et ministériels Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures elle compte prendre pour répondre à l'attente des huissiers de justice devant l'introduction d'une disposition qui risque d'affaiblir la sécurité juridique apportée par des actes authentiques et rompre les équilibres au coeur des professions du droit.

Réponse émise le 6 juillet 2010

L'acte contresigné est issu des travaux de la commission présidée par maître Darrois, qui a remis son rapport au Président de la République le 8 avril 2009. Cette commission a proposé que le contreseing de l'avocat confère une efficacité juridique renforcée à l'acte sous seing privé qui en est l'objet. En particulier, l'acte fera pleine foi de la signature et de l'écriture des parties. Cependant, cette mesure ne saurait être comparée à la spécificité et à la sécurité qu'apporte dans notre droit l'autorité de l'acte authentique. En particulier, la procédure de remise en cause par la voie de l'inscription de faux, réservée aux actes authentiques, demeure attachée à la qualité d'officier public. Les avocats n'ayant pas reçu délégation de puissance publique, l'acte contresigné ne saurait non plus avoir force exécutoire. Par ailleurs, en intégrant, par la loi n 90-1259 du 31 décembre 1990, la profession de conseil juridique dans la profession d'avocat, le législateur a décidé de confier à cette profession, en sus de son activité contentieuse traditionnelle, l'activité de conseil juridique comprenant la consultation et la rédaction d'acte, mettant sur un même plan ces deux composantes essentielles de l'activité des avocats. Ainsi, si le législateur a estimé qu'il convenait de réserver l'activité de conseil juridique exercée à titre principal, à tous les membres des professions judiciaires et juridiques, compte tenu des exigences de ces derniers tant en termes d'expérience et de déontologie que de responsabilité, les avocats sont bien parmi ces professionnels, les premiers rédacteurs d'actes sous seing privé, et sont les mieux placés, par la pratique de leur activité contentieuse, pour anticiper les difficultés d'application et d'exécution des actes, ce qui leur confère une expérience et une compétence particulières. En outre, les huissiers de justice sont des officiers publics et ministériels dont les attributions sont énumérées par la loi et qui disposent d'un monopole en matière de signification d'actes judiciaires ou extrajudiciaires ainsi que d'exécution des titres exécutoires. La parcelle de puissance publique qui leur est ainsi confiée justifie que certains des actes qu'ils dressent le soient en la forme authentique. Ainsi, si ces professionnels sont autorisés, en application de l'article 56 de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et dans le cadre défini par leur statut, à rédiger des actes sous seing privé, cette activité n'a pas vocation à constituer leur coeur de métier. Au surplus, autoriser des officiers publics et ministériels à contresigner des actes sous seing privé dans un but autre que de leur conférer l'authenticité entraînerait un risque de confusion dans l'esprit du public préjudiciable en termes de lisibilité du droit pour les justiciables.

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