M. François Rochebloine attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la question de la formation des prix des aliments peu transformés. Toutes les enquêtes de consommation sur les prix de ces aliments, dont la matière première agricole constitue une part prépondérante, font apparaître des différentiels importants, somme toute non expliqués. Ainsi, faute d'études approfondies et d'une transparence suffisante, l'existence de marges injustifiées apparaît pour de nombreux produits (lait, porc, volaille) au bénéfice des industriels et des distributeurs, ceci dans le contexte de baisse des prix agricoles. Une telle situation nécessite une analyse et un suivi attentif, mais surtout l'introduction de mécanismes correctifs. Il lui demande, en effet, si l'outil du coefficient multiplicateur destiné à limiter la progression des marges pour les produits alimentaires de première nécessité peu ou pas transformés, au même titre que celui retenu depuis 2005 pour les fruits et légumes, pourrait être étendu afin de lutter contre les marges injustifiées.
La question de l'impact des prix agricoles dans la formation des prix alimentaires est sensible et complexe. La volatilité croissante ces dernières années des prix des matières premières agricoles et la crise que connaît aujourd'hui le monde agricole en font aujourd'hui une question majeure. Les efforts importants de productivité tant de l'agriculture que de l'industrie ont permis une baisse importante des prix agricoles et alimentaires depuis des décennies. D'une manière générale, les produits alimentaires consommés sont de plus en plus transformés, avec une valeur ajoutée croissante. Cette tendance de fond, qui consiste pour l'industrie alimentaire à créer toujours plus de valeur, se traduit par un impact généralement plus faible du prix de la matière première agricole dans celui du produit consommé. Toutefois, le poids des produits agricoles est encore très significatif dans l'ensemble des filières des produits frais et certaines variations de prix méritent des explications. Les filières alimentaires sont nombreuses et diversifiées : elles font intervenir plusieurs intermédiaires et possèdent chacune leurs spécificités. Dès lors, l'étude des mécanismes de formation des prix au sein de la chaîne alimentaire doit se faire filière par filière. C'est pourquoi l'Observatoire des prix et des marges, qui a pour mission d'établir une plus grande transparence dans la formation des prix, a été doté en novembre 2008 d'un comité de pilotage spécifique pour les produits alimentaires. Ce comité de pilotage a pour mission la mise en place d'outils opérationnels de suivi des prix et des marges sur l'ensemble des maillons des filières alimentaires. Les travaux de l'Observatoire des prix et des marges ont été publiés tout au long de l'année 2009 sur la viande de porc, les produits laitiers et les fruits et légumes frais. Accessibles à tous sur Internet, ils sont régulièrement mis à jour. Chacun peut constater que les courbes d'évolution des prix à chaque stade de la filière considérée suivent, avec certains écarts et retards à la hausse comme à la baisse, les variations des prix des matières premières agricoles, pour autant que le coût de cette matière première ait un poids significatif dans le prix du produit final. Par ailleurs, il convient de rappeler que les marges observées sont des marges brutes. L'Observatoire des prix et des marges publie en outre une ventilation de ces marges brutes selon les charges supportées par les entreprises. Le Gouvernement a prévu, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche actuellement en discussion au Parlement, de renforcer l'action de l'Observatoire des prix et des marges. Celui-ci étudiera tous les produits agricoles et analysera aussi les coûts de production. Il rendra un rapport au Parlement et son président aura la responsabilité d'analyser les données et d'en faire les interprétations nécessaires. L'article L. 611-4-2 du code rural introduit, en périodes de crise conjoncturelle, la possibilité d'instaurer un coefficient multiplicateur encadrant les marges des fruits et légumes périssables, par la limitation du rapport entre le prix d'achat et le prix de vente. Ce mécanisme ne garantit pas le relèvement mécanique des prix à la production, mais peut conduire à une meilleure répercussion de la baisse des prix à la production auprès du consommateur final et favoriser ainsi l'écoulement des marchandises et la régulation des marchés. Ce dispositif implique néanmoins une mise en oeuvre complexe et exige une certaine prudence dans son application. Il s'agit en effet d'un outil fragile, qui présente un certain nombre de risques, notamment celui d'encourager la substitution des produits français par des produits importés. Ce dispositif ne saurait par ailleurs garantir l'augmentation des volumes mis en marché. Enfin, il est susceptible de fragiliser le dialogue interprofessionnel. Pour ces raisons, l'extension du coefficient multiplicateur à l'ensemble des produits agricoles n'est pas prévue. En revanche, à travers le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, le Gouvernement encourage la contractualisation des relations commerciales, notamment entre les producteurs agricoles et leurs clients, de façon à poursuivre le processus de rééquilibrage entre les parties prenantes. Sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement privilégie par ailleurs des accords de modération de marges. Ces dispositions, complétées par une action déterminée au niveau européen, permettront à terme d'améliorer le revenu agricole, sans pénaliser le consommateur.
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