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Pierre Morel-A-L'Huissier
Question N° 7856 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 16 octobre 2007

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les modalités applicables aux collectivités publiques qui décident de louer un local à une personne privée dans le cadre d'une opération de revitalisation rurale et de maintien du dernier commerce rural. Il souhaiterait savoir si les loyers du bâtiment communal mis à disposition du particulier peuvent être fixés librement, sous des conditions très avantageuses, afin de permettre de compenser l'absence d'initiative privée directe.

Réponse émise le 18 mars 2008

Afin de louer un local à une personne privée, la commune peut octroyer une aide dans le cadre du droit commun des aides à l'immobilier autorisées à l'art. L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Ce dispositif permet la prise en charge par la commune d'une partie du loyer évalué aux conditions du marché lorsqu'elle se justifie par la création ou l'extension d'activités économiques et, ce, dans le cadre d'une convention passée avec la région (art. L. 1511-2 du CGCT) ou éventuellement avec l'État (L. 1511-5). Lorsque l'intervention de la commune ne poursuit pas un objectif de développement économique tel que décrit ci-dessus mais s'inscrit dans une opération de revitalisation rurale visant à assurer la création ou le maintien d'un service nécessaire à la population, elle peut fonder son intervention sur l'article L. 2251-3 du CGCT. Cet article dispose en effet que, en cas de défaillance ou d'insuffisance de l'initiative privée, la commune peut maintenir ou créer un service nécessaire à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural en confiant la responsabilité de créer ou gérer ce service à toute personne, ou encore en accordant des aides, sous réserve que les obligations du bénéficiaire de l'aide soient stipulées dans le cadre d'une convention avec la commune. Dès lors, la commune souhaitant louer un bâtiment communal à une personne privée afin de garantir le maintien du dernier commerce rural peut fixer librement le montant du loyer, voire mettre à disposition gratuitement ce local. Toutefois, trois règles doivent être respectées afin de garantir à la fois le respect des dispositions de l'article L. 2251-3 du CGCT et les règles de concurrence communautaires en matière d'aides d'État. En premier lieu, il doit s'agir d'un service et non d'une activité agricole, industrielle ou artisanale. Si l'assimilation d'un commerce à un besoin de la population s'apprécie localement, sous le contrôle du juge administratif, il convient de noter que, en application des lois des 2 et 17 mars 1791 proclamant la liberté du commerce de l'industrie, le Conseil d'État n'admet l'intervention des collectivités locales en faveur des activités commerciales que lorsqu'elle répond à un besoin vital ou culturel. Les précédents jurisprudentiels montrent néanmoins que la contribution du service à l'animation de la vie locale est dans une large mesure prise en compte dans la définition du besoin (TA Clermont-Ferrand du 21 octobre 1983 s'agissant d'un café-hôtel restaurant ou encore TA Nantes 16 décembre 1997 en faveur d'une aide au maintien d'un salon de coiffure). En deuxième lieu, le soutien de la commune à un service concurrentiel étant conditionné par la nécessité de satisfaire l'intérêt général, l'intervention de la commune doit être justifiée par une circonstance exceptionnelle de temps et de lieu (CE 30 mai 1930 - chambre syndicale du commerce en détail de Nevers) telle que la carence de l'initiative privée. D'une part, le besoin du service commercial en cause doit être satisfait en « milieu rural », c'est-à-dire dans une commune dont l'urbanisation est géographiquement distincte d'une ville limitrophe (TA Poitiers, 9 octobre 1991, préfet de Charente-Maritime c/ commune de Lagord). D'autre part, s'il n'y a plus de carence de l'initiative privée, l'octroi des aides ou l'exploitation du service public en gestion déléguée doit cesser, mais elle peut continuer le temps normal nécessaire à l'amortissement des investissements réalisés. Dès lors, il convient de limiter la durée de l'intervention communale bien qu'elle puisse être tacitement reconductible. Il est également recommandé d'établir préalablement des critères objectifs pour évaluer la persistance de la carence de l'initiative privée. En l'espèce, un simple appel à la concurrence pour la reprise du commerce peut être utilement publié dans la presse locale quelques mois avant l'échéance prévue dans la convention liant la commune et le repreneur avec qui est conclu le bail. Enfin, l'aide publique ainsi octroyée doit s'inscrire dans le cadre d'une convention prévue au premier alinéa de l'article L. 2251-3 du CGCT dont la conclusion permet en outre de remplir les exigences communautaires en matière d'aides aux entreprises chargées de l'exécution d'un service d'intérêt économique général (SIEG). La décision de la Commission du 28 novembre 2005 (C(2005)2673) sur la compensation de SIEG prévoit en particulier que, pour être exemptées de notification à la commission européenne, les obligations de service public doivent être précisément et officiellement confiées au prestataire de service par la collectivité territoriale. Le rabais pratiqué sur le loyer du bâtiment communal et les autres aides éventuellement versées au commerçant doivent ainsi compenser les charges liées à l'exécution de ces missions d'intérêt général dont le coût est à calculer préalablement à l'établissement de la convention liant la commune et le particulier.

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