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Bernard Cazeneuve
Question N° 78452 au Ministère de l'Alimentation


Question soumise le 11 mai 2010

M. Bernard Cazeneuve attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences de l'application de la loi littoral sur l'agriculture, pour les communes littorales. La loi littoral, qui emporte un large consensus sur son volet urbanisme, a de lourdes conséquences pour les activités agricoles des communes littorales. Ce problème est particulièrement prégnant pour certains départements, comme la Manche, qui compte plus de 300 kilomètres de côtes et pour lesquels on ne peut envisager d'exclure toute activité agricole, avec les enjeux que cela représente tant pour l'économie que pour l'aménagement du territoire de ces départements. Le code de l'urbanisme, dans sa partie relative à la loi littoral de 1986 dispose qu'il faut « protéger les espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles » (art. L. 146-2). À l'article L. 146-4, il définit de manière très restrictive les aménagements possibles en espaces proches du rivage. Si les objectifs de ce texte ne doivent pas être remis en cause, ses dispositions posent problème dans leur application. Une structure agricole ne peut en effet pas être pérenne, si ses bâtiments ne peuvent être adaptés aux exigences du temps ou du marché. En l'occurrence, ces dispositions pourraient même aller à l'encontre des objectifs poursuivis, puisqu'une exploitation qui voudrait passer de l'agriculture conventionnelle à une agriculture plus respectueuse de l'environnement, ne pourrait pas le faire, sans modifier ses bâtiments. Chacun sait aujourd'hui que la plupart des jeunes qui s'installent en agriculture le font en intégrant une structure existante, à condition qu'elle puisse se développer un minimum. Ceci pose la question de la cession-reprise d'entreprises agricoles sur ces sites. Si la loi devait être appliquée de manière restrictive, les bâtiments agricoles devraient à terme, s'implanter en dehors des espaces proche du rivage, ce qui aurait pour effet, entre autres, de supprimer le pâturage traditionnel des troupeaux laitiers dans ces espaces. Dans une lettre de juillet 2006, co-signée par le ministre des transports et de l'équipement et par le ministre de l'écologie et du développement durable, les ministres considéraient que « les activités agricoles liées à la proximité de la mer produisent des paysages particuliers et ont un rôle structurant dans l'organisation de l'espace [...] à l'évidence, la loi littoral seule ne parvient pas à remplir l'objectif visant le maintien et le développement des activités agricoles en incitant les documents d'urbanisme à protéger les espaces nécessaires à ces activités [...] Une politique de maintien du monde agricole doit s'employer à l'utilisation de tous les outils de protection existants, en combinant les indications de la loi, déclinées dans les documents d'urbanisme, avec d'autres moyens d'action ». Alors qu'une crise agricole profonde frappe la profession et alors que nous sommes en pleine réflexion sur la loi de modernisation de l'agriculture, il souhaiterait savoir comment le Gouvernement entend concilier les objectifs de la loi littoral avec le maintien d'une activité agricole dans les communes littorales.

Réponse émise le 6 juillet 2010

Conçue pour assurer une gestion économe de l'espace littoral et préserver du mitage, la loi littoral du 3 janvier 1986 limite l'extension de l'urbanisation soit à la continuité des agglomérations et villages existants, soit sous forme de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, pour toutes les constructions agricoles ou non. Elle est codifiée dans les articles L. 146-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme, qui prévoit des dispositions spécifiques aux zones littorales : le principe général est de maintenir des espaces ouverts en vue de la mer, espaces le plus souvent agricoles, et de ne pas dégrader le paysage ou l'environnement. La loi du 9 juillet 1999 d'orientation agricole et la loi du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux ont introduit des dérogations et des assouplissements à l'obligation de continuité fixée par l'article L. 146-4-1 du code de l'urbanisme. Ainsi le deuxième alinéa de cet article permet d'autoriser, hors de la continuité du bâti existant, avec l'accord du préfet après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, des constructions ou installations liées aux activités agricoles, en dehors des espaces proches. Cette dérogation ne s'applique qu'aux bâtiments incompatibles avec le voisinage des zones habitées, c'est-à-dire essentiellement à ceux relevant des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), tels les bâtiments d'élevage, justifiant de par les nuisances qu'ils sont susceptibles d'occasionner, leur éloignement. Toutefois, si ces bâtiments sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages, l'accord est refusé. En outre, le troisième alinéa de l'article précité assure la pérennité des exploitations existantes en autorisant leur mise aux normes, hors espace remarquable et de la bande des 100 mètres, à condition de ne pas augmenter la quantité des effluents d'origine animale. Ces dispositions reprennent des dispositions générales de la réglementation des ICPE, concernant notamment les installations d'élevage, les stockages de fourrage inflammable de grande dimension et certaines activités comme la vinification. Au nom de la règle d'antériorité, un élevage existant ou toute activité relevant des ICPE peut rester sur place, y compris lorsque des travaux de mise aux normes sont nécessaires, dès lors qu'il n'y a pas eu d'augmentation notable des effluents, donc des effectifs ou de la production. Ainsi, une cave vinicole qui augmente sa production avec des techniques permettant de le faire à effluents constants n'a pas d'obligation d'éloignement. Par contre, s'il y a augmentation des effectifs et des effluents, les bâtiments et les annexes (stockage des effluents) doivent être éloignés des tiers car les nuisances générées sont incompatibles. En ce qui concerne plus spécifiquement l'élevage des moutons de prés-salés, élevage traditionnel dans votre département, celui-ci nécessite un accès aux herbus sur le domaine public maritime. Il se heurte aux dispositions de la loi littoral pour l'implantation de bergeries à une relative proximité des endroits de pâturage, nécessaire pour l'abri des agneaux de prés-salés, fragiles au vent et celui du troupeau. Il est possible de construire des bergeries pour cette production spécifique mais dans un cadre strict, s'agissant d'un espace identifié par le plan local d'urbanisme, souvent déjà recensé comme site classé, à préserver pour le patrimoine naturel exceptionnel qu'il constitue. La même possibilité est offerte aux conchyliculteurs, aux activités de saliculture, de pêche et autres par l'article R. 146-2 du code de l'urbanisme. Dans leur ensemble, les règles applicables à la constructibilité en zone littorale sont plutôt favorables aux activités agricoles puisqu'elles protègent les espaces agricoles de l'urbanisation tout en autorisant, sous certaines conditions, les constructions et installations agricoles dans la zone interdite de construction.

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