M. André Wojciechowski attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la légitimité de parler aujourd'hui d'Europe de la défense alors qu'elle a une forme si virtuelle et trop embryonnaire, compte tenu des problèmes budgétaires de chacun des pays. On note cependant un regain d'intérêt de la Pologne pour l'Europe de la défense en raison d'une dévotion récente par rapport aux Américains qui, pour leur part, ne font plus de l'Europe de la défense leur priorité. Il lui demande ce qu'il entend faire afin de redonner une nouvelle ambition à l'Europe de la défense.
L'Europe de la défense est devenue, en moins de dix ans, une réalité politique et opérationnelle incontestable. Depuis 2003, l'Union européenne (UE) a ainsi lancé 23 opérations militaires et missions civiles auxquelles participent de plus en plus d'États membres comme la Pologne, l'Irlande, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Roumanie, l'Autriche ou la Finlande. Par ailleurs, 24 pays non membres de l'UE ont été associés jusqu'à présent à 16 de ces opérations. La France participe à l'ensemble des opérations militaires et des missions civiles de l'UE avec près de 300 civils et 600 militaires déployés. À chaque nouvel engagement opérationnel, l'UE gagne en visibilité politique et en crédibilité. C'est tout particulièrement le cas pour ce qui concerne l'opération navale européenne ATALANTE, mise en oeuvre sur une proposition de la France et de l'Espagne pour lutter contre la piraterie maritime au large de la corne de l'Afrique. ATALANTE est non seulement un succès opérationnel, cette opération ayant permis de faire baisser de façon significative le taux de succès des attaques de pirates (de 1 sur 3 en 2009 à 1 sur 5 aujourd'hui), mais également un succès politique sans précédent qui a définitivement assis la crédibilité militaire de l'UE et a eu un effet d'entraînement sur un nombre important de partenaires de l'Union (Organisation du traité de l'Atlantique Nord, Inde, Chine, Russie, États-Unis...) avec lesquels l'opération coopère ou se coordonne efficacement. La France assumera le commandement tactique de l'opération ATALANTE au second semestre de 2010. Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne en décembre 2009, une nouvelle étape dans la politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC) est aujourd'hui franchie. Alors que la présidence française de l'UE au second semestre de 2008 avait déjà permis de donner un nouvel élan à la défense européenne, notamment dans le domaine capacitaire avec le lancement de 12 nouveaux projets structurants, le traité établit en effet un nouveau cadre institutionnel qui permet de renforcer les moyens et la cohérence de l'action extérieure de l'Union : mise en place d'un service unique pour l'action extérieure de l'UE, rôle accru du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, également vice-président de la Commission européenne. Le traité de Lisbonne élargit le champ de la PSDC à de nouvelles missions, notamment en matière de désarmement et de lutte contre le terrorisme. La cohésion entre les États membres est également renforcée, avec l'institution du devoir d'aide et d'assistance mutuelle, dans le cas où un État de l'UE ferait l'objet d'une agression armée, ainsi que de la clause de solidarité entre pays membres en cas d'attaque terroriste ou de catastrophe naturelle. La traité de Lisbonne ouvre en outre la possibilité, pour les États de l'UE « qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes » de la PSDC, de mettre en place une coopération structurée permanente dans le cadre de l'Union. Cette perspective fait l'objet de discussions approfondies entre les États membres. La mise en oeuvre du traité de Lisbonne crée ainsi une dynamique politique que les États membres doivent entretenir. Si la haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité nommée à la fin de l'année 2009 dispose désormais d'un pouvoir d'initiative, la PSDC demeure avant tout une politique intergouvernementale qui doit pouvoir compter sur une implication forte des États de l'UE. Le contexte budgétaire actuel doit par ailleurs inciter les États membres à davantage de coopération, non seulement dans le domaine opérationnel, mais également dans les domaines capacitaires et de l'armement, pour permettre à l'UE de répondre à des demandes d'engagements toujours plus exigeantes. C'est tout le sens de notre soutien à l'Agence européenne de défense, qui favorise les opportunités de coopération. Cette ambition toujours réaffirmée pour l'Europe de la défense est aujourd'hui partagée par nos partenaires européens. À cet égard, la Pologne est devenue un partenaire clé. La défense sera l'une des grandes priorités de sa présidence de l'UE au second semestre de 2011. La France soutient pleinement la Pologne dans sa préparation. Ainsi, dans le cadre du triangle du Weimar (Le triangle de Weimar, lancé en 1991, constitue une coopération trilatérale entre la France, l'Allemagne et la Pologne. Depuis l'entrée de la Pologne dans l'UE en 2004, le triangle de Weimar est devenu un cadre privilégié de concertation qui se traduit notamment par des rencontres ministérielles [affaires étrangères, défense...] et des réunions des chefs d'État et de gouvernement), la France défend avec la Pologne et l'Allemagne toutes les initiatives qui permettent d'oeuvrer au renforcement de l'Europe de la défense. En particulier, le renforcement des capacités de planification et de conduite des opérations militaires et des missions civiles de l'Union européenne, soutenu par la haute représentante, demeure un objectif prioritaire.
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