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Marietta Karamanli
Question N° 77028 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 20 avril 2010

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur le vote par le conseil des droits de l'Homme de l'ONU d'une résolution visant à lutter contre la diffamation des religions. Le concept de diffamation des religions est très flou. En droit, la diffamation vise l'allégation et l'imputation de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou du corps auxquels ces faits sont imputés. Les promoteurs de ce concept paraissent viser des propos qui mettraient en cause l'harmonie sociale et les droits de l'Homme. En fait, son application pourrait conduire à incriminer la tenue de propos à l'égard des religions en général et ce sans que ne soit affirmée aussi clairement la liberté d'expression de tous à leur égard ce qui suppose le droit de les critiquer et celui de les caricaturer, droits essentiels en démocratie et associés fondamentalement aux libertés politiques. Si on peut comprendre la sensibilité de certains croyants à des propos dépassant l'expression d'une opposition tempérée à leurs points de vue philosophiques, il apparaît que ce concept pourrait servir de prétextes aux religions incarnées par des églises, parfois reconnues et soutenues par des États, défendant une interprétation littérale et stricte de la façon de croire. Dans ces conditions, la diffamation des religions pourrait être le moyen de défendre des vérités d'églises aussi dangereuses que des vérités d'État. Elle lui demande de bien vouloir lui préciser la position de la France face à une résolution dangereuse à la fois pour la liberté d'expression, la laïcité et la liberté de croire.

Réponse émise le 14 septembre 2010

Le concept de diffamation des religions a été introduit, pour la première fois, dans les enceintes des Nations unies par un projet de résolution présenté à la Commission des droits de l'homme par l'Organisation de la conférence islamique (OCI) en 1999. Depuis, l'OCI n'a cessé de faire adopter, chaque année, à la Commission des droits de l'homme puis au Conseil des droits de l'homme qui lui a succédé et, depuis 2005, à l'assemblée générale des Nations unies, des résolutions sur la « diffamation des religions ». Ces textes, qui visent à poser comme limites à la liberté d'expression, le respect des religions, ne définissent à aucun moment, précisément, la diffamation des religions. L'OCI la caractérise par ce que seraient ses conséquences négatives : stéréotypage négatif des religions, actes de discrimination et de violence contre les fidèles. La France considère que les droits de l'homme étant corrélés et indivisibles, la liberté d'expression et la liberté de religion et de conviction sont complémentaires. Elle estime que la notion de « diffamation des religions » n'est pas compatible avec le droit international des droits de l'homme, celui-ci ayant pour vocation de protéger les individus et non pas les systèmes de pensée. Comme le souligne l'honorable parlementaire, en se focalisant sur l'obligation de protéger une religion, la notion de « diffamation des religions » peut être utilisée pour justifier des limitations arbitraires de certains droits de l'homme ou des refus d'en permettre l'exercice, notamment de la liberté d'expression. Dans ce contexte, il est fondamental de faire la distinction entre la critique des religions et des convictions et l'incitation à la haine religieuse. Seule cette dernière doit être combattue dans la mesure où elle constitue une incitation à la discrimination, en application des articles 19 et 20 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. C'est pourquoi, la France, avec ses partenaires européens, a adopté une ligne politique ferme, systématiquement défendue dans les enceintes internationales, pour s'opposer au concept relativiste de diffamation des religions. Cette ligne a été formalisée par l'adoption des conclusions du Conseil de l'Union européenne sur la liberté de religion et de conviction du 16 novembre 2009 : ce texte reflète les valeurs de la laïcité. Il affirme, notamment, la nécessité d'offrir des garanties suffisantes et effectives de liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction et souligne que la liberté d'expression lui est intrinsèquement liée, en mentionnant en particulier le droit de critiquer la religion. Il rappelle, également, que la liberté de religion et de conviction comprend le droit d'adopter ou d'abandonner une religion, ainsi que celui de ne pas en avoir.

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