M. Yvan Lachaud attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la proposition de loi créant l'acte d'avocat. Cette proposition de loi soulève l'inquiétude des huissiers, qui craignent de voir modifié notre système juridique de droit écrit pour l'aligner sur le système anglo-saxon. En effet, ils craignent des conséquences graves pour leur profession et pour l'ensemble de nos concitoyens : déséquilibre dans les relations entre les professions juridiques au profit des avocats, au détriment des autres professions. Cet avantage paraît contraire aux finalités poursuivies par les travaux de la commission Darrois, qui prônent le renforcement de l'interprofessionnalité, ainsi qu'aux grands principes du droit communautaire. Or le projet initialement proposé par le Conseil national des barreaux (sous l'expression « d'acte sous signature juridique ») n'était pas réservé à une seule profession du droit ; en effet, si le législateur décidait de donner naissance à un nouvel acte, à la valeur probante renforcée par rapport à l'acte sous seing privé, rien ne justifierait que les professionnels qui rédigent aujourd'hui des actes sous seings privés, en vertu de la loi, en soient demain exclus. À ce déséquilibre ainsi créé s'ajoute pour les huissiers de justice la crainte qu'un nouvel acte à la valeur probante renforcée ne banalise la spécificité des actes authentiques que, en leur statut d'officiers publics et ministériels, ils dressent quotidiennement. L'introduction d'un acte contresigné par avocat risque ainsi d'affaiblir la sécurité juridique apportée par les actes authentiques et de rompre les équilibres entre les professions du droit. Il souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur ce sujet, afin de rassurer les huissiers, une profession qui reçoit aujourd'hui la confiance des Français.
L'acte contresigné est issu des travaux de la commission présidée par Me Darrois, qui a remis son rapport au Président de la République le 8 avril 2009. Cette commission a proposé que le contreseing de l'avocat confère une efficacité juridique renforcée à l'acte sous seing privé qui en est l'objet. En particulier, l'acte fera pleine foi de la signature et de l'écriture des parties. Cependant, cette mesure ne saurait être comparée à la spécificité et à la sécurité qu'apporte dans notre droit l'autorité de l'acte authentique. En particulier, la procédure de remise en cause par la voie de l'inscription de faux, réservée aux actes authentiques, demeure attachée à la qualité d'officier public. Les avocats n'ayant pas reçu délégation de puissance publique, l'acte contresigné ne saurait non plus avoir force exécutoire. Par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, le législateur a estimé qu'il convenait que l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé soit exercée sous le statut d'avocat, compte tenu des exigences de ce dernier tant en termes d'expérience et de déontologie que de responsabilité. L'avocat, en tant que professionnel du droit pratiquant une activité contentieuse, est, en outre, le mieux placé pour anticiper les difficultés d'application et d'exécution d'un acte, ce qui lui confère une expérience et une compétence particulières. Pour leur part, les huissiers de justice sont des officiers publics et ministériels dont les attributions sont énumérées par la loi et qui disposent d'un monopole en matière de signification d'actes judiciaires ou extrajudiciaires ainsi que d'exécution des titres exécutoires. La parcelle de puissance publique qui leur est ainsi confiée justifie que certains des actes qu'ils dressent le soient en la forme authentique. Ainsi, si ces professionnels sont autorisés, en application de l'article 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et dans le cadre défini par leur statut, à rédiger des actes sous seing privé, cette activité n'a pas vocation à constituer leur coeur de métier. Au surplus, autoriser des officiers publics et ministériels à contresigner des actes sous seing privé dans un but autre que de leur conférer l'authenticité entraînerait un risque de confusion dans l'esprit du public, préjudiciable en terme de lisibilité du droit pour les justiciables.
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