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Stéphane Demilly
Question N° 75955 au Ministère de la Coopération


Question soumise le 6 avril 2010

M. Stéphane Demilly attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie sur la situation en Guinée. En effet, la sanglante répression qui s'est abattue sur une manifestation d'opposants à la candidature du capitaine Moussa Dadis Camara semble avoir montré le vrai visage de ce régime. Le nombre très élevé de ces victimes ne peut pas rester sans réaction de la communauté internationale. Il lui demande donc de lui indiquer la position de la France sur ce sujet, notamment si nous comptons réclamer à l'ONU des sanctions internationales à l'encontre de la Guinée et si la France compte moduler son aide financière en raison de ces évènements.

Réponse émise le 15 juin 2010

Le 28 septembre 2009, l'armée a violemment réprimé une manifestation pacifique organisée par les forces vives dans le stade de Conakry. Ce massacre a été unanimement condamné par la communauté internationale. La France a immédiatement suspendu sa coopération militaire et déployé une assistance médicale aux victimes. Puis, le 30 octobre, notre pays a suspendu toute sa coopération institutionnelle déployée auprès des autorités gouvernementales (une dizaine d'assistants techniques placés auprès de l'administration guinéenne) ainsi que le financement du projet d'aménagement de l'autoroute urbaine Tombo/Gbessia à Conakry. Toutefois, afin de ne pas pénaliser la population guinéenne, nos projets de coopération bénéficiant directement aux populations ont été maintenus. Le 3 décembre, l'aide de camp de Dadis Camara, Aboubacar Sidiki Diakité dit « Toumba », a tenté d'assassiner le chef de la junte. Dadis Camara a été évacué et hospitalisé à Rabat. Ce dernier a gagné le territoire burkinabé le 12 janvier, après que le général Konaté, ministre guinéen de la défense, numéro trois de la junte, a promis, dans un discours tenu le 6 janvier à la radio télévision guinéenne, d'ouvrir la voie à un retour du pouvoir civil en Guinée. Sous l'impulsion décisive du facilitateur désigné par la communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour définir un processus de sortie de crise en Guinée, le président Compaoré, le capitaine Dadis Camara et le général Konaté ont signé, le 15 janvier, la « déclaration conjointe de Ouagadougou » qui définit les modalités de la transition guinéenne : 1. Gouvernement d'union dirigé par un Premier ministre issu des forces vives. 2. Non-candidature des membres du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), du chef d'État de la transition, du premier ministre de transition, du gouvernement et des membres des forces de sécurité et de défense en activité aux prochaines élections. 3. Tenue d'élections dans un délai de six mois. Avec la signature de cet accord politique, la nomination d'un nouveau Premier ministre, le 20 janvier, et enfin, la nomination d'un gouvernement d'union nationale, le 15 février, la Guinée s'est engagée sur la voie de la transition démocratique. L'élection présidentielle doit se tenir le 27 juin prochain. Pour marquer notre soutien au général Konaté et au gouvernement qui doivent organiser des élections, nous avons repris notre coopération civile et militaire. De plus, le Président de la République par intérim et président de la transition, Sékouba Konaté, a été reçu en visite privée à Paris les 1er et 2 avril, par le ministre des affaires étrangères et européennes, le secrétaire général de la présidence de la République et le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Le général Sékouba Konaté a rappelé sa volonté d'aller aux élections dans les délais fixés, la nécessité d'une réforme du secteur de la sécurité et d'une réorganisation de l'armée à court terme et l'importance d'un soutien international. Tout en insistant sur la nécessité de respecter les échéances fixées par le chronogramme électoral, les autorités françaises ont assuré la Guinée de leur soutien. La France a porté la mobilisation de la communauté internationale au soutien du retour de la démocratie en Guinée. À notre initiative, le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) et l'Union européenne (UE) ont été mobilisés. Le CSNU a adopté une première déclaration présidentielle le 28 octobre 2009. Il s'agissait du premier texte que les Nations unies adoptaient sur la Guinée (condamnation du massacre du 28 septembre, nécessité de lutter contre l'impunité, appui à la facilitation du président Blaise Compaoré, soutien à la création d'une commission d'enquête internationale par le SGNU). Le 27 octobre 2009, à Luxembourg, le Conseil de l'Union européenne a décidé d'arrêter des mesures restrictives dirigées contre les membres du CNDD et des personnes qui y sont associées responsables de la répression violente du 28 septembre. Ces mesures consistent en un embargo sur les armes et une interdiction de visa destinée à empêcher l'entrée sur le territoire de l'UE aux membres du CNDD et des personnes qui y sont associées responsables de la répression du 28 septembre. Ces mesures visent 42 individus identifiés comme étant membres du CNDD et associées au CNDD dans la répression du 28 septembre. Le 22 décembre 2009, l'UE a approfondi son régime de sanctions en élargissant la liste initiale de 42 noms à 71 noms. En outre, un régime de gel des avoirs de ces individus a été adopté. Nos partenaires africains (CEDEAO et UA) ont également adopté des sanctions (embargo sur les armes, interdictions de visa, gels d'avoirs) contre la junte, les 17 et 29 octobre 2009. Comme la CEDEAO, le lancement d'un processus de transition en Guinée a conduit l'Union européenne à réviser la liste des personnes visées par l'interdiction de visas. Seules quatre personnes, dont le président de la transition : Sékouba Konaté, ont fait l'objet d'un retrait de la liste des personnes sanctionnées par l'Union européenne (décision 2010/186/PESC du conseil, du 29 mars 2010). La gravité des agissements perpétrés par les forces de sécurité et de défense à Conakry le 28 septembre appelait un geste fort de la part de la communauté internationale. Celui-ci s'est notamment manifesté, avec l'appui de la CEDEAO et de l'UA, par la mise en place d'une commission d'enquête internationale des Nations unies. Composée de trois commissaires, tous africains, cette commission a séjourné à Conakry durant presque deux semaines et a remis son rapport final sur les évènements du 28 septembre au secrétaire général des Nations unies (SGNU), le 16 décembre 2009. Ce rapport établit les faits de façon précise et détaillée. Le rapport se limite à établir un bilan humain indicatif car la Commission considère que le nombre de victimes de ces exactions est très probablement plus élevé (il confirme les cas de 156 personnes tuées ou disparues, 109 victimes de viols et autres violences sexuelles, y compris mutilations sexuelles et esclavage sexuel, usage de la torture, traitements cruels, inhumains et dégradants, arrestations et détentions arbitraires assorties du dépouillement systématique des manifestants à la sortie du stade) et qualifie juridiquement les crimes perpétrés de « crimes contre l'humanité ». Ce rapport détermine les responsabilités : 1. La responsabilité de l'État guinéen pour les violations des droits de l'Homme commises par ses agents militaires, gendarmes, policiers et miliciens et 2. Les responsabilités pénales individuelles pour violations du droit pénal international (à titre principal le capitaine Moussa Dadis Camara, « président » de l'État guinéen, le lieutenant Toumba Diakité, aide de camp du Président et chef de sa garde rapprochée, le commandant Moussa Tiegboro Camara, ministre chargé des services spéciaux, de la lutte antidrogue et du grand banditisme). En conséquence, la Commission établit des recommandations parmi lesquelles, notamment, la création d'un bureau national en Guinée du haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (HCDH), la mise en oeuvre d'une réforme de l'armée et du système judiciaire guinéens afin de mettre un terme à l'impunité, et la saisine de la Cour pénale internationale des cas des personnes sur lesquelles pèsent de fortes présomptions de crimes contre l'humanité. Afin que la publication de ce rapport figure dans un texte des Nations unies, nous avons pris l'initiative de l'adoption d'une nouvelle déclaration présidentielle au CSNU. Ce nouveau texte a été adopté le 17 février 2010. Par cette seconde déclaration, le Conseil de sécurité se félicite de la constitution d'un gouvernement d'union nationale, demande à toutes les parties prenantes en Guinée de mettre en oeuvre intégralement la déclaration conjointe de Ouagadougou, de prendre une part active à la transition en vue du retour à l'ordre constitutionnel normal moyennant la tenue d'élections dans un délai de six mois, et appelle la communauté internationale à soutenir les nouvelles autorités guinéennes s'agissant de la réforme globale des secteurs de la sécurité et de la justice. En particulier, ce second texte fait l'éloge des travaux de la Commission d'enquête internationale (S/2009/556) et prend note avec satisfaction de la soumission du rapport de la Commission (S/2009/693) au CSNU et souligne que les États sont tenus de se conformer aux obligations qui leur incombent en matière de lutte contre l'impunité. Notre mobilisation au soutien de la Guinée et de la lutte contre l'impunité ne faiblit pas : nous avons soutenu l'adoption d'une résolution du Conseil des droits de l'Homme (CDH) sur la situation des droits de l'Homme en Guinée au cours de la 13e session du CDH (le 26 mars). Enfin, nous apportons un appui technique et financier au processus électoral afin que le 27 juin prochain la Guinée puisse démocratiquement se doter d'autorités légitimes.

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