M. Jean-Claude Lenoir interroge M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur l'action menée par la France en matière d'aide au développement dans le domaine de la santé. En septembre 2010, la communauté internationale se réunira pour évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs du millénaire du développement. Sur les huit objectifs fixés, ceux relatifs à la santé maternelle et infantile accusent le retard le plus important du fait de systèmes sanitaires défaillants. Il lui demande, en conséquence, quelles actions la France envisage de mener pour renforcer les systèmes de santé des pays en développement et les moyens qu'elle entend consacrer à cet objectif.
L'honorable parlementaire a appelé l'attention du ministre des affaires étrangères et européennes sur le retard important dans la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) 4 et 5, consacrés à la santé maternelle et infantile, et sur les moyens mis en place par la France pour y remédier. La santé constitue un enjeu majeur dans le processus de développement. Pour cette raison, trois des huit OMD, validés en 2000 à l'issue de la déclaration du millénaire approuvée par 189 chefs d'État et de gouvernement, sont consacrés à l'amélioration de la santé (OMD 4 diminution de 2/3 de la mortalité infantile, OMD 5 : diminuer de 3/4 la mortalité maternelle, OMD 6 : maîtriser les grandes épidémies). Le constat est grave car la mortalité maternelle concerne plus de 500 000 femmes chaque année, le nombre des enfants qui disparaissent avant leur 5e anniversaire s'élève à 9 millions et les trois grandes pandémies, que sont le sida, le paludisme et la tuberculose, déciment plusieurs millions de personnes annuellement. Les grandes épidémies ont toutefois pu être stabilisées. La mortalité infantile a diminué de près de 30 % (contre une cible d'une diminution de deux tiers d'ici 2015). Des progrès significatifs ont été réalisés en matière de réduction de la mortalité maternelle dans plus de 100 pays. Mais ces résultats sont inégaux selon les régions : en Afrique sub-saharienne, la réduction de la mortalité maternelle n'a été que de 2 % de 1990 à 2005, alors qu'elle dépasse 20 % en Asie. Sur environ 211 millions de grossesses chaque année dans le monde, 133 millions débouchent sur une naissance vivante, 46 millions sur un avortement provoqué et 32 millions sur une fausse couche ou un enfant mort-né. La moitié de ces grossesses sont non programmées. Environ 20 millions d'avortements réalisés dans de mauvaises conditions sont responsables d'au moins 68 000 morts maternelles par an, soit 11 % de l'ensemble des morts maternelles. La France consacre une part importante de son aide publique à améliorer la santé dans les pays du Sud et dispose d'une réelle expertise dans ce domaine. Ainsi, en 2009, la santé a été un des cinq secteurs de concentration de la coopération française, et a représenté 11,81 % de nos engagements, soit près d'un milliard d'euros. Face aux pandémies du sida, du paludisme et de la tuberculose, notre pays a fait le choix de privilégier la coopération internationale multilatérale avec le Fonds mondial, auquel il consacre 900 millions d'euros pour 2008-2010 et dont il est le deuxième contributeur. En outre, à travers la contribution de solidarité sur les billets d'avion, la France finance UNITAID pour l'achat de formulations pédiatriques de médicaments dans le cadre des trois grandes pandémies. La lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme participe aussi à la réduction de la mortalité maternelle et infantile. La France a contribué à hauteur de 15 millions d'euros, entre 2003 et 2006, à l'alliance mondiale pour la vaccination (GAVI) et elle s'est engagée, dès 2007 et pour vingt ans, à hauteur de 1,3 milliard. Les résultats du GAVI sur la période 2000-2008 sont remarquables : selon l'OMS, 3,4 millions de décès ont été prévenus dans les 75 pays les plus pauvres et 213 millions d'enfants ont reçu des vaccins dans ce cadre. Sur la période 2003-2008, le ministère des affaires étrangères et européennes a mobilisé 2,5 millions d'euros pour des projets concernant la santé des mères et des enfants, mis en oeuvre par des ONG. En 2010, l'appel à projets pour les associations, organisé par l'Agence française de développement, financera cinq opérations de santé maternelle pour 1,5 million d'euros sur trois ans. Le financement de la santé et des systèmes de santé doit être considéré comme un investissement et non un coût. En effet, investir dans la santé accroît la croissance et réduit les inégalités. L'inégalité d'accès aux soins liée à la question du genre est la cause de taux anormalement élevés de morbidité et de mortalité chez les femmes. L'égalité hommes-femmes est une condition essentielle de la réussite des politiques publiques nationales. Mais, au-delà des ressources financières, beaucoup dépend de la qualité et de l'efficacité des politiques publiques, ainsi que de leur appropriation par les gouvernements des pays en développement. La problématique de la santé des femmes s'inscrit dans celle, plus large, du développement. Il ne peut y avoir de développement durable avec l'exclusion d'une moitié de la population, souvent la plus active. L'éducation des filles retarde la plupart du temps l'âge du mariage, ce qui décale d'autant la naissance du premier enfant. Elle aide ensuite ces femmes à mieux maîtriser leur fécondité, ce qui fait reculer la mortalité maternelle et infantile. Le meilleur indicateur prédictif de fécondité est le niveau d'alphabétisation, qui reste, en Afrique subsaharienne, plus faible qu'ailleurs. Le renforcement des systèmes de santé est essentiel dans l'atteinte des OMD 4 et 5. C'est pourquoi la France participe à l'alliance mondiale sur les ressources humaines en santé et à l'initiative « providing for health », pour aider, notamment, les pays à développer des systèmes de couverture du risque maladie. La pérennité des actions dans le domaine de la santé publique passe aussi par un meilleur cofinancement au niveau national, permettant une plus grande appropriation et une moindre dépendance vis-à-vis de l'aide extérieure. À ce titre, la déclaration d'Abuja, signée par la plupart des pays en développement, prévoit la participation financière de ces derniers au financement du secteur santé à hauteur de 15 % de leur budget national. La France défend enfin l'idée que les OMD sont intimement liés et que la santé ne peut être déconnectée de l'atteinte d'autres objectifs (sécurité, réduction de la pauvreté, sécurité alimentaire, éducation, accès à l'eau potable, assainissement). L'ensemble des financements - APD traditionnelle et mécanismes innovants - doit donc contribuer de manière équilibrée aux objectifs de santé comme aux autres objectifs de développement, cruciaux pour les pays du Sud.
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