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Jean Gaubert
Question N° 74400 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 23 mars 2010

M. Jean Gaubert attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l'usage abusif des gardes à vue. Le rapport fondé sur les conclusions d'une commission nationale citoyens-justice-police, créée en 2002 par la Ligue des droits de l'Homme (LDH), le Syndicat de la magistrature (SM) et le Syndicat des avocats de France (SAF), constate une dégradation continue des rapports entre les citoyens et leur police. Selon ce rapport, l'État, la police et la justice refusent de prendre en compte les recommandations des associations ou des autorités indépendantes, que ce soit la Ligue des droits de l'Homme, la Halde, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou encore la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Le 14 mai 2009, 74 salariés de ERDF et GRDF accusés de dégradation ont été interpellés, mis en garde à vue et, pour certains, fouillés à nu pour finalement être relâchés sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre eux. Le nombre de gardes à vue était d'environ 800 000 en 2009, a précisé le porte-parole du ministère de l'intérieur, alors que les chiffres officiels de la délinquance faisaient récemment état de 600 000. Pour un pays de plus de 60 millions d'habitants, ce chiffre en constante augmentation fait froid dans le dos. Cette banalisation des mises en garde à vue (qui devrait être l'exception) est inquiétante. Il lui demande donc de lui faire connaître son sentiment à ce sujet.

Réponse émise le 13 septembre 2011

L'accroissement du travail d'initiative des services de police et de gendarmerie et la performance accrue des investigations judiciaires, que l'on peut mesurer à travers l'amélioration du taux d'élucidation, expliquent pour partie la hausse du nombre de mesures de gardes à vue au cours des dernières années. Par ailleurs, la transformation par le législateur en délits de faits qui constituaient précédemment des contraventions ont mécaniquement accentué cette évolution, de même que la jurisprudence de la Cour de cassation qui, depuis la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, analysait cette mesure moins comme une mesure de contrainte que comme une mesure protectrice des droits. Une personne amenée par la force dans des locaux de police ou de gendarmerie ne pouvait ainsi être entendue que sous le régime de la garde à vue, après s'être vue notifier les droits y afférents. Il doit par ailleurs être rappelé que les forces de sécurité sont placées, dans l'exercice de leurs missions de police judiciaire, sous le contrôle permanent de l'autorité judiciaire. Leur action, strictement encadrée, fait l'objet de nombreux contrôles, hiérarchiques et juridictionnels, nationaux et européens. Les forces de l'ordre, lorsqu'elles recouraient à la garde à vue dans le cadre légal tel qu'il était antérieurement à la réforme qui vient d'être adoptée par le Parlement, ne faisaient qu'appliquer la loi, sous le contrôle des magistrats (qui sont informés dès le début de la mesure et peuvent y mettre fin à tout moment). La garde à vue était, en outre, entourée d'importantes garanties. Elle ne pouvait être décidée que par un officier de police judiciaire et pour une durée déterminée. Elle n'était pas systématique et devait être adaptée aux circonstances de l'affaire et à la personnalité de l'individu mis en cause. Il doit également être noté que le nombre de gardes à vue, qui n'a jamais fait l'objet d'objectifs chiffrés et qui ne saurait être considéré comme un indicateur de la performance des services, ne figurait même plus comme simple information dans les tableaux de bord de la sécurité. Pour autant, le Gouvernement a estimé nécessaire de repenser les conditions de recours à la garde à vue, dans le prolongement des travaux sur la réforme de la procédure pénale, d'une part, et de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, d'autre part. Un projet de loi a ainsi été adopté en Conseil des ministres le 13 octobre 2010 et a conduit à la promulgation de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue. Ce texte est placé sous le signe de l'équilibre entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties que sont les droits de la défense et la liberté individuelle placés sous la protection de l'autorité judiciaire. La garde à vue est ainsi profondément modifiée, avec une assistance effective de l'avocat dès le début de la garde à vue et durant toute la durée de la mesure, mais également la notification du droit de garder le silence et l'interdiction des fouilles corporelles systématiques. L'équilibre auquel est parvenu le Parlement assure la conformité de la procédure de la garde à vue avec les jurisprudences du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne des droits de l'Homme et de la Cour de cassation. Par ailleurs, dans des arrêts rendus le 15 avril 2011, la Cour de cassation a réaffirmé le droit pour une personne placée en garde à vue d'être assistée d'un avocat pendant ses interrogatoires. Considérant que les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme ne pouvaient avoir d'effet différé, les arrêts de la chambre criminelle du 19 octobre 2010 sont également d'effet immédiat. Ainsi, la notification du droit au silence à toute personne placée en garde à vue, ainsi que son droit d'être assistée d'un avocat durant les auditions, est désormais impérative. À cet effet, le ministre de la justice a diffusé une circulaire le 15 avril 2011 aux procureurs généraux et procureurs de la République, dont l'ensemble des directions concernées de la police nationale ont été rendues destinataires. Le ministre de l'intérieur va en outre procéder au déblocage de crédits supplémentaires pour faire face aux premières nécessités en termes d'infrastructures et de logistique, et ces aménagements tiendront pleinement compte des conditions de travail des personnels des forces de sécurité, qui ne devront pas être dégradées. Si les modifications du cadre législatif de la garde à vue répondent à une évolution indispensable des droits de la défense, le ministre de l'intérieur a appelé l'attention du Premier ministre sur la nécessité de ne pas ainsi compromettre l'efficacité des investigations judiciaires conduites par les policiers et les gendarmes et remettre en cause les droits des victimes. Il a à cet égard été décidé la mise en place d'un comité d'audit et de suivi, composé de parlementaires et de praticiens, chargé d'évaluer l'impact de cette réforme sur le fonctionnement des services et de faire toutes propositions pour en tirer les conséquences.

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