M. Michel Havard attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur la nécessaire évaluation scientifique des bénéfices réels pour l'environnement des biocarburants produits en France. Le gouvernement français s'est engagé à développer les bioénergies et plus particulièrement les biocarburants notamment, à travers le plan Climat 2004. Les engagements sont ambitieux : atteindre 10 % d'incorporation des biocarburants en 2015, soit 5 millions de tonnes équivalent pétrole, contre 1,5 en 2006 (850 000 tonnes). La France a par ailleurs décidé d'aller au-delà des objectifs européens en proposant d'atteindre 5,75 % dès 2008 (environ 3 millions de tonnes) et d'éviter ainsi l'émission de 7 millions de tonnes équivalent C02. L'utilisation accrue du biodiesel doit théoriquement permettre de réduire de 75 % les gaz à effet de serre et celle du bioéthanol de 60 %. Mais un certain nombre d'études scientifiques internationales récentes sont venues remettre en cause le bénéfice réel des biocarburants en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Selon ces études, la quantité de gaz à effet de serre émise par les biocarburants dépendrait en grande partie de la façon dont ils ont été produits, car leur fabrication consomme, elle aussi, des énergies fossiles. D'autre part, les engrais, pour faire pousser les grains ou les betteraves, peuvent libérer de l'oxyde d'azote trois cents fois plus nocif que le gaz carbonique. Selon ces études tout à fait sérieuses, les deux filières de biocarburants les plus protectrices de l'environnement sont la canne à sucre, dont la tige peut être brûlée pour l'opération de distillation, et la lignocellulose (bois, paille, herbe) qui caractérise les biocarburants de prochaine génération. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il ne lui paraît pas opportun de confier à un groupe d'étude composé de scientifiques à la compétence reconnue de tous une mission chargée d'évaluer de manière précise et objective l'impact sur l'environnement des différents biocarburants de première et de deuxième génération.
La France s'est fixé des objectifs ambitieux en matière de biocarburants. Elle a pour cela choisi de devancer les obligations d'incorporation définies au plan communautaire. Les deux mécanismes mis en place, prélèvement additionnel de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et défiscalisation partielle accordée à des producteurs européens, ont conduit à une augmentation significative des volumes commercialisés en France. Plusieurs démarches d'évaluation de l'intérêt environnemental ont été menées en parallèle. Une première étude a ainsi été réalisée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et la direction des ressources énergétiques et minérales (DIREM), en 2002, avec le concours de différentes parties prenantes (instituts techniques agricoles, constructeurs automobiles, pétroliers...). Depuis début 2006, l'Agence nationale pour la recherche (ANR) soutient une étude nommée ANABIO, qui analyse et compare différentes filières bioénergétiques en intégrant à la fois des critères économiques, techniques, environnementaux, sociaux ainsi qu'une évaluation des risques technologiques. Ce projet doit se terminer fin 2008. Par ailleurs, dans le cadre du projet de directive sur les énergies renouvelables, qui fait suite au paquet « énergie » rendu public par la Commission européenne en janvier 2007, la mise en place d'un dispositif certifiant que les biocarburants bénéficiant d'un soutien ont bien été produits de façon durable, est également prévue. Ce dispositif s'appliquera tant aux biocarburants importés qu'à ceux produits en France ou dans l'Union européenne. Afin de faire le point sur les méthodes d'évaluation du bilan en matière d'effet de serre, de pollution atmosphérique et d'énergie, l'ADEME et l'IFP ont lancé, en septembre 2007, une étude, cofinancée par le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables et celui de l'agriculture et de la pêche, visant à établir une méthodologie pour les bilans de gaz à effet de serre et de polluants locaux des biocarburants de première génération. Cette étude s'appuie sur un comité technique regroupant des experts de divers horizons (INRA, Instituts techniques, industriels, Réseau Action Climat, ADEME, IFP). Le comité biomasse et biocarburants de l'Office interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) a, pour sa part, lancé une étude concernant les critères de durabilité associés aux pratiques culturales, en examinant les critères proposés par les pays mettant actuellement en place au niveau national un dispositif de certification ou d'obligation d'évaluation (Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne). S'agissant des biocarburants de seconde génération, l'État soutiendra deux projets pilotes de démonstration qui seront décidés en 2008. Ces projets permettront de mieux connaître les technologies de seconde génération, sur le plan des performances technologiques, économiques et environnementales. Les projets candidats sont, en ce moment, évalués par une commission présidée par M. Bruno Jarry, membre de l'Académie des technologies. Enfin, à la suite du Grenelle de l'environnement, une expertise exhaustive et contradictoire du bilan écologique et énergétique des agrocarburants de première génération sera pilotée par l'ADEME. La France soutiendra le mécanisme de certification aux niveaux européen et mondial des filières de biocarburants, prenant en compte leurs impacts économique, environnemental et social. Le Président de la République a confirmé son souhait d'une priorité donnée aux biocarburants de deuxième génération, a priori plus pertinents, pour faire face aux défis environnemental et alimentaire.
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