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Joëlle Ceccaldi-Raynaud
Question N° 73219 au Ministère de l'Emploi


Question soumise le 2 mars 2010

Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud interroge M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi sur le recours à l'intérim. En effet, le nombre d'emplois intérimaires a atteint 549 800 en décembre, en progression de 2,3 % par rapport au mois précédent (+ 12 600 postes) et de 1,5 % en un an, selon des données publiées le 9 février par Pôle emploi. De fin décembre 2008 à fin décembre 2009, il y a eu 8 100 emplois intérimaires en plus, en données corrigées des variations saisonnières, a indiqué Pôle emploi, faisant état d'une hausse de l'intérim sur un an « pour la première fois depuis mars 2008 ». En décembre, l'emploi intérimaire, souvent considéré comme un indicateur anticipé de l'évolution du marché du travail, a cru dans tous les grands secteurs, a noté Pôle emploi, en précisant que la construction a connu la plus forte hausse (+ 3,2 %), devant l'industrie (+ 2,8 %) et les services (+ 1,4 %). Sur une année, les cadres et professions intermédiaires ainsi que les ouvriers qualifiés ont subi une baisse de l'intérim (respectivement - 1,5 % et - 1,2 %), tandis que les ouvriers non qualifiés (+ 5 %) et les employés dans une moindre mesure (+ 1,5 %) ont connu une hausse. Les ouvriers représentent environ trois quarts des postes intérimaires. Elle l'interroge sur l'instrumentalisation de l'intérim comme variable d'ajustement du marché du travail et lui demande si l'augmentation de ce type de contrat ne reflète pas une précarisation du salariat.

Réponse émise le 11 mai 2010

Après quatre trimestres de très forte baisse, suivie d'une stabilisation au deuxième trimestre 2009 (+ 0,6 %), l'emploi intérimaire se redresse au troisième trimestre (+ 25 000, soit + 5,6 %), tout en restant très inférieur au niveau du troisième trimestre 2008 (- 20,4 %). L'intérim poursuit son redressement au quatrième trimestre 2009 : + 23 500 (+ 5,0 %). Le rebond concerne en premier lieu l'industrie, où le repli avait été le plus marqué mais également le tertiaire et, à un rythme un peu plus modéré, la construction. Ce redressement est un peu plus favorable aux jeunes intérimaires. L'évolution de l'intérim sur l'ensemble de l'année 2009 reste toutefois négative, - 18 600, soit - 3,6 % (tableau). Fin 2009, 493 600 salariés sont intérimaires, ce qui représente 2,7 % des salariés des secteurs concurrentiels. Ces données CVS reposent sur les statistiques publiques publiées par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à partir de l'exploitation des fichiers de Pôle emploi. Des écarts en niveau et en évolution des effectifs sont relevés de façon récurrente avec les chiffres publiés par Pôle emploi.


Nombre d'intérimaires en fin de trimestre - données CVS en milliers
2008T1 200872 2008T3 2008T4 2009T1 2009T2 2009T3 2009T4 T4 2009/
T4 2008en %
Agriculture 2,9 2,8 2,8 3,0 2,8 2,8 2,5 2,7 - 9,1
Industrie 315,6 287,4 261,8 209,4 165,5 172,0 185,3 201,2 - 3,9
Construction 138,7 130,6 127,5 119,2 109,3 108,3 111,2 112,5 - 5,6
Tertiaire 217,4 204,6 199,0 180,6 161,0 162,1 171,1 177,1 - 1,9
Ensemble des secteurs 674,6 625,4 591,1 512,2 438,6 445,1 470,1 493,6 - 3,6
Source : DARES, exploitation des fichiers Pôle emploi des déclarations mensuelles des agences d'intérim.
Champ : France métropolitaine.
Les évolutions d'ampleur, comme celles de 2008-2009, ne contrarient pas cependant la progression de l'intérim depuis 1997. Conçu à l'origine pour remplacer un salarié indisponible temporairement ou faire face à un surcroît d'activité ponctuelle, l'intérim s'est institué en mode d'ajustement fin et pérenne entre l'offre et la demande de travail, permettant à l'entreprise de s'adapter très rapidement aux variations conjoncturelles d'activité. L'intérim est devenu au fil des ans une forme d'emploi flexible pleinement intégrée aux modalités de gestion des ressources humaines. Dans ces conditions intensives ou régulières d'utilisation, l'intérim permet d'externaliser le risque d'emploi et une partie de la gestion des ressources humaines. À l'évidence, l'entreprise tire avantage d'un recours intensif au travail temporaire. À la routinisation des transactions avec les entreprises de travail temporaire s'ajoute la réduction de l'incertitude quant aux compétences des salariés soumis à une mise à l'épreuve et à une évaluation permanentes de leurs qualifications. L'intérim concerne principalement une population active masculine (plus des deux tiers), diplômés du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) et du brevet d'études professionnelles (BEP) pour un tiers des personnes, souvent en difficulté sur le marché du travail. Ils sont plus jeunes que la moyenne des salariés. Plus de la moitié ont moins de 30 ans alors que ces derniers représentent 23 % de l'ensemble des salariés du secteur privé. L'emploi intérimaire est avant tout un emploi d'ouvrier, qualifié ou non qualifié dans des proportions équivalentes (environ 39 %) ; les ouvriers représentent 78 % du volume total de l'intérim en 2008. Cadres, professions intermédiaires et employés restent minoritaires (moins de 2 %, 7 % et 13 % respectivement). Dans les trajectoires individuelles, on relève trois logiques principales de passage dans l'intérim aux motifs hétérogènes : 1. L'intérim d'insertion répond à une composante structurelle de l'emploi des jeunes à l'entrée sur le marché du travail. Le choix de l'intérim est utilitariste pour le jeune car il constitue une étape dans le processus d'insertion sur le marché du travail. Pour l'entreprise, l'intérim est un moyen de présélection de la main-d'oeuvre ; 2. L'intérim de transition, le plus répandu, recouvre des situations variées en termes d'âges et d'expériences professionnelles antérieures. Du point de vue de l'entreprise utilisatrice, c'est la logique d'ajustement rapide des effectifs qui prévaut. Les missions sont peu qualifiées et ne permettent pas aux salariés de tirer parti de l'expérience professionnelle acquise. Ils ne bénéficient pas toujours des prestations sociales offertes par le secteur ; 3. L'intérim de profession rend compte d'un choix délibéré du passage par les agences de travail temporaire. Les « professionnels de l'intérim » sont ceux dont la durée des missions dépasse six mois en moyenne annuelle. En 2008, ils représentent 14 % des intérimaires. Plus âgés que la moyenne, les permanents de l'intérim sont en majorité des hommes sur des postes d'ouvriers qualifiés à très qualifiés. Ils constituent le noyau dur des intérimaires et font l'objet de fidélisation de la part des entreprises de travail temporaire. Avec le développement des contrats courts observé depuis les années 1980, le risque de chômage récurrent s'est fortement accru. La précarité donne aux salariés une vision incertaine de leur avenir professionnel et personnel. Peu d'études de suivi des parcours professionnels des intérimaires sont disponibles. Selon l'enquête OTT-BVA Regards des intérimaires sur l'intérim de juillet 2008 réalisée pour l'organisation représentante de la profession (PRISME), après un an d'activité en intérim, 22 % des interviewés exerçaient une activité en contrat à durée indéterminée (CDI), 9 % en contrat à durée déterminée (CDD), 44 % étaient intérimaires. L'intérim utilisé dans tous les secteurs comme période d'essai avant une embauche peut représenter un petit marchepied vers le CDI. Une étude de l'INSEE qui porte sur la période 2002-2008 montre que, relativement à la situation d'un chômeur, un salarié en intérim a deux fois plus de chances d'obtenir un CDI. Dans le champ plus restreint des demandeurs d'emploi, l'enquête conduite par Pôle emploi auprès d'une cohorte d'« entrants » au chômage en décembre 2008 montre que parmi 100 personnes ayant accédé à un emploi, dans les trois mois suivant l'inscription à Pôle emploi, était un CDI pour 20,6 % d'entre elles, un CDD pour 41,2 % et une mission d'intérim pour 30,1 %. Six mois plus tard, en juin 2009, parmi les personnes passées en intérim, 4,9 % sont reclassées en CDI et 44,6 % sont sans emploi. Les partenaires sociaux et le Gouvernement ont pleinement conscience des risques de précarisation en l'absence de mesures spécifiques pour mieux sécuriser les parcours professionnels des travailleurs intérimaires. L'accès et les règles d'indemnisation applicables aux travailleurs intérimaires apparaissent, sous certains aspects, plus favorables que celles du régime général (condition d'affiliation exclusivement en heure ainsi que les conditions permettant le cumul de l'allocation d'aide au retour à l'emploi [ARE] avec les revenus procurés par une activité reprise). Selon les données les plus récentes de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC - 2007), les intérimaires représentaient près de 16 % des indemnisés alors que les fins de mission d'intérim correspondaient à 9 % des demandes d'emploi (catégories A,B et C) enregistrées (Source : Pôle emploi, DARES). Pour amortir les effets de la crise, les partenaires sociaux de la branche ont revu à la baisse les conditions d'ancienneté nécessaires à l'accès de certaines prestations du fonds d'action sociale du travail temporaire (FAS-TT). Ce « plan » prévoit également de mieux mobiliser les aides à la mobilité du fonds. Quant au volet formation, il fait partie des droits du salarié intérimaire. Les dispositifs sont variés (adaptés du droit commun comme les contrats en alternance ou spécifiques à la profession comme le contrat de mission - formation insertion et les contrats de mission - formation intérimaires ou encore des formations d'appoint de très courte durée). Ils ont avant tout une fonction opérationnelle. Un engagement de développement de l'emploi et des compétences (EDEC) de la branche du travail temporaire a été signé en mai 2009 par le secrétaire d'État chargé de l'emploi et la Commission paritaire nationale pour l'emploi (CPNE). Cet accord, conclu au niveau national pour faire face en urgence à la forte dégradation de l'emploi en intérim est particulièrement centré sur les salariés les plus fragiles relevant des dispositifs de professionnalisation spécifiques au travail temporaire : contrat d'insertion professionnelle intérimaire (CIPI) et contrat de développement professionnel intérimaire (CDPI). Cet engagement doit notamment veiller à développer les qualifications dans l'emploi d'origine ainsi qu'à renforcer les savoirs de base et acquérir des compétences transférables d'une entreprise à une autre. En 2009, 169 opérations collectives interentreprises de travail temporaire ont été réalisées. La durée moyenne des actions de formation est de 290 heures. En 2010, 27 opérations ont démarré entre janvier et mars 2010 et 60 autres devraient démarrer d'ici à la fin du premier semestre. Bien qu'ayant été fortement touchés par la crise économique, les intérimaires ayant perdu leur emploi ne peuvent prétendre aux dispositifs d'accompagnement spécifiques comme le contrat de transition professionnelle (CTP) construit pour les licenciés économiques. Les partenaires sociaux dans leur accord national interprofessionnel du 8 juillet 2009 sur « la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l'emploi », avaient demandé au Gouvernement « d'ouvrir, à titre expérimental, l'accès dans les bassins d'emploi éligibles au CTP, aux anciens titulaires de CDD ou de contrats d'intérim bénéficiant des allocations du régime d'assurance chômage, au dispositif d'accompagnement du CTP ». La réflexion sur les conditions d'élargissement à d'autres publics de l'accompagnement dispensé en CTP est en cours et cette expérimentation pourrait être lancée en 2010.

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